Thomas Piketty révolutionne la pensée économique dominante Thomas Piketty révolutionne la pensée économique dominante Thomas Piketty révolutionne la pensée économique dominante
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Thomas Piketty révolutionne la pensée économique dominante

Publié le 29 mai 2014,
par VisionsMag.
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Certains l’appellent le « Gourou des Inégalités ». D’autres le comparent déjà à Karl Marx ou encore Adam Smith. Tous s’accordent pour dire que son dernier ouvrage marque une révolution dans la façon de penser les inégalités et la répartition des richesses. Portrait de Thomas Piketty, éminent économiste français, au travers de son dernier ouvrage, Le Capital au XXIème siècle. Une véritable bombe intellectuelle qui fait voler en éclat les illusions de la pensée néolibérale dominante en Europe et aux Etats-Unis.

Thomas Piketty admet volontiers qu’il est né trop tard (1971) pour que son éveil à l’économie politique ait été pétri des débats sans fin menés par les intellectuels français, pendant la guerre froide, sur le bien-fondé ou non du communisme. La génération à laquelle il appartient n’a jamais exprimé de penchant pour l’idéologie de Karl Marx, mais sans pour autant tourner le dos à son héritage. Thomas Piketty est ainsi, et tout comme Marx, extrêmement critique à l’égard des inégalités qui découlent du système néolibéral dominant dans le monde occidental, et de leurs conséquences sur les valeurs démocratiques et la justice sociale. C’est ce gigantesque fossé séparant les plus riches des plus pauvres qui, selon Piketty, met en péril notre système démocratique, celui-ci n’étant plus en mesure de tenir ses promesses d’égalité des chances pour tous. Les inégalités et leurs conséquences sont le fer de lance de l’ensemble de ses travaux et en particulier de son dernier ouvrage, Le Capital au XXIème siècle. Sa sortie, tant attendue aux Etats-Unis qu’elle y a été avancée d’un mois, a provoqué des questionnements dans les milieux politiques et universitaires américains.

Héritier de Karl Marx

Quelle thèse défend Piketty dans son ouvrage ? Se basant sur une profonde analyse du système économique dominant depuis le début du XXème siècle et de son inévitable imbrication avec les idéologies politiques et sociales, il met au défi les gouvernements démocratiques de résoudre les problèmes posés par un fossé des inégalités qui ne fait que se creuser. La nouveauté de la pensée de Piketty est d’expliquer que la réduction des inégalités qui a pu être observée au cours du XXème siècle n’est qu’une illusion due aux catastrophes historiques que représentent les deux guerres mondiales. Celles-ci ont en effet entrainé de massives destructions de capitaux et les périodes après-guerre ont vu naitre de nouveaux systèmes d’imposition, nécessaires à la reconstruction, qui ont endigué dans un premier temps la reconstitution de fortunes privées.

Mais nous sommes aujourd’hui de retour dans un schéma de croissance qui profite aux plus riches et les suppositions des années d’après-guerre selon lesquelles les inégalités iraient en se réduisant apparaissent aujourd’hui comme une vaste illusion. Preuve en est que le taux de croissance du capital, qui profite au petit pourcentage de la population qui en est détentrice, dépasse de loin le taux de croissance économique qui, lui, profite au plus grand nombre. Une tendance qui s’est accélérée depuis Ronald Reagan et Margaret Thatcher et la mise en place de baisses de l’impôt valorisant les plus aisés.

Croissance économique versus croissance du capital

Dans son effort pour comprendre les économies occidentales, Piketty n’a peur ni de remonter loin dans le temps, ni de se baser sur des exemples puisés dans la littérature réaliste du XIXème siècle. Balzac et Jane Austen lui servent d’inspiration pour montrer qu’à l’époque, il était communément admis que le travail n’était pas une composante suffisante pour s’assurer la vie confortable que seul l’héritage patrimonial et le capital étaient en mesure de garantir. Pour lui, cette réalité n’a pas changé aujourd’hui.

Pour Thomas Piketty, les inégalités ne sont néanmoins pas un obstacle fondamental au bon fonctionnement d’une société. Mais lorsqu’un système voit sa courbe de croissance économique suivre une évolution normale, voire laborieuse, tandis que celle du Capital atteint des envolées exponentielles, il y a mise en danger de la démocratie et de la justice sociale. Les inégalités se servent plus l’intérêt commun mais seulement les intérêts privés d’une petite communauté de privilégiés.

Thomas Piketty révolutionne la pensée économique dominante
La sortie du dernier livre de Thomas Piketty, docteur en économie français, chamboule en profondeur les idées reçues de l’économie politique au XXème et XXIème siècle.

Un ouvrage impartial et révolutionnaire

Diplômé de l’Ecole Normale Supérieur, docteur en Economie et auteur de la thèse « Essais sur la théorie de la redistribution des richesses », élue meilleure thèse de l’année 1993 par l’Association française de sciences économiques, Thomas Piketty ne se considère pas comme un révolutionnaire. Il ne se revendique d’aucun parti politique et livre ici ce qui se veut être une analyse neutre, impartiale et approfondie des réalités historiques et du système économique du siècle précédent. Il se veut pragmatique, scientifique et apolitique.

Pour autant, impossible de déconnecter sa pensée des sphères politiques, par ailleurs grandement ébranlées aux Etats-Unis par la parution de son livre. Et pour cause, Thomas Piketty y prédit l’effondrement du modèle américain et constate la fin de « l’idéal des pionniers » du Nouveau Monde. De quoi mobiliser les esprits américains, jusqu’à la Maison Blanche et le FMI !

Au-delà de l’engouement américain pour les théories du génie français, d’éminents économistes, comme Paul Krugman ou Joseph E Stiglitz, ne cachent pas leur admiration. Krugman, détenteur rappelons-le d’un prix Nobel d’économie dit du Capital au XXIème siècle qu’il est « le livre d’économie le plus important de l’année – et peut-être de la décennie ». Bien que les solutions apportées par Piketty – essentiellement une imposition massive et courageuse sur la richesse réelle, mise en place de manière progressive – soient jugées par beaucoup politiquement naïves, il semble bien que son livre ait déjà sa place sur l’étagère des traités d’économie les plus significatifs. Il continuera d’influencer penseurs et politiques dans la construction de systèmes plus justes et viables dans les années, décennies, peut-être même siècles à venir…

Sources photo : www.referentiel.nouvelobs.com / www.seuil.com/