Trudeau à Washington pour plaider la cause de l'Aléna devant Trump
WASHINGTON (Reuters) – Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui sera reçu ce mercredi à la Maison blanche par Donald Trump, va tenter de réaffirmer les mérites de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) mis à mal par de nouvelles exigences de Washington.
Trump a réclamé et obtenu une renégociation de ce traité de libre-échange associant depuis 1994 les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
Une quatrième session de négociations tripartites va débuter ce mercredi à Arlington, en Virginie. Avant même son ouverture, le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, a annoncé que la session serait prolongée de deux jours, jusqu’au 17 octobre.
Mais les nouvelles exigences de Washington ont jeté un froid, et la Chambre américaine de commerce a accusé mardi l’administration Trump de tenter de saboter les négociations avec des « propositions équivalant à une pilule empoisonnée ».
D’après des spécialistes du dossier, les discussions devraient bloquer notamment sur la volonté de Washington de relever considérablement les « seuils de provenance » pour le secteur automobile.
En vertu des règles actuelle de l’Aléna, au moins 62,5% des composantes d’un véhicule doivent provenir d’Amérique du Nord pour profiter des tarifs douaniers préférentiels. Washington voudrait porter ce seuil à 85%, avec une sous-clause de 50% de composantes venant spécifiquement des Etats-Unis.
« Cela va susciter une opposition générale du Canada et du Mexique. Cela va trop loin », estime Wendy Cutler, directrice pour la politique de Washington du forum Asia Society et ex-négociatrice au département américain du Commerce.
« LE PROBLÈME DES ETATS-UNIS, CE N’EST PAS LE CANADA »
D’autres propositions de Washington risquent de heurter le Canada, le Mexique mais aussi les entreprises américaines, dont une clause spécifique dite « sunset » qui contraindrait à une renégociation de l’Aléna tous les cinq ans et une révision radicale des mécanismes d’arbitrage des litiges.
L’administration Trump veut aussi modifier les clauses liées à la propriété intellectuelle et introduire de nouvelles protections pour les productions saisonnières.
De sources canadiennes, on indique que Justin Trudeau devrait insister auprès de Donald Trump sur les bénéfices de l’Aléna pour l’économie américaine, lui rappeler notamment que le Canada est le principal marché à l’exportation des Etats-Unis et que les échanges commerciaux bilatéraux sont plutôt équilibrés.
Il devrait aussi lui dire que « le problème des Etats-Unis, ce n’est pas le Canada », ainsi que l’a noté sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et que son pays n’est pas responsable des destructions d’emplois dans l’industrie américaine observées depuis l’entrée en vigueur de l’accord.
Les quelque 300% de droits de douane imposés vendredi dernier par le département américain du Commerce sur les avions C Series du canadien Bombardier n’ont pas contribué à apaiser les inquiétudes d’Ottawa.
A l’inverse, avec ses bas salaires qui ont justifié des délocalisations d’usines automobiles et d’autres industries américaines, le Mexique a dégagé l’an dernier un excédent commercial de 64 milliards de dollars dans ses échanges avec son voisin du Nord.
(par David Lawder. avec David Ljunggren à Ottawa; Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)