Trump menace la production auto allemande aux USA, dit Berlin
BERLIN (Reuters) – La menace brandie par Donald Trump d’imposer une taxe douanière de 35% sur les voitures allemandes exportées du Mexique vers les Etats-Unis a suscité de vives réactions en Allemagne lundi, tout en pesant fortement sur les cours de Bourse des grands noms du secteur.
Vers 12h20 GMT, les titres BMW, Daimler et Volkswagen perdent ainsi tous autour de 2%, plombant l’indice regroupant les valeurs automobiles européennes (-1,77%), le repli sectoriel le plus marqué à ce stade de la séance.
La production des constructeurs automobiles allemands aux Etats-Unis pourrait être remise en cause si le président américain élu met en oeuvre des mesures protectionnistes, a dit à Reuters Jürgen Hardt, le chargé de la coopération transatlantique au sein du gouvernement allemand.
« S’agissant de l’industrie automobile allemande, quelqu’un devra lui (à Donald Trump) expliquer que des entreprises allemandes produisent déjà aux Etats-Unis, exportant à partir de là dans le monde entier », a-t-il souligné.
« Cela serait remis en question si Donald Trump mettait en mouvement une spirale protectionniste internationale. »
Dans un entretien publié lundi par le journal allemand Bild, Donald Trump reproche aux constructeurs allemands de ne pas produire plus de voitures aux Etats-Unis et menace notamment BMW de taxer à 35% les véhicules que le constructeur compte fabriquer dans une nouvelle usine au Mexique pour les exporter vers le marché américain.
« Si vous voulez construire des voitures dans le monde, je vous souhaite bonne chance. Vous pouvez construire des voitures pour les Etats-Unis, mais pour chaque voiture qui rentre aux Etats-Unis, vous devrez payer une taxe de 35% », souligne celui qui sera officiellement investi vendredi à la Maison blanche.
« Je dirais à BMW que s’ils prévoient de construire une usine au Mexique et de vendre des voitures aux Etats-Unis, sans une taxe de 35% ils peuvent faire une croix sur ce projet. »
« LES ETATS-UNIS SE TIRERAIENT UNE BALLE DANS LE PIED »
Il y a une dizaine de jours, Donald Trump s’en était pris à Toyota pour les mêmes raisons. Et tout au long de sa campagne présidentielle, l’homme d’affaires a accusé Ford et General Motors de produire à moindre coût au Mexique au détriment de l’emploi aux Etats-Unis.
Le 5 janvier, Ford a annoncé l’annulation d’un projet de construction d’une usine d’assemblage au Mexique, un investissement qui était estimé à 1,6 milliard de dollars (1,54 milliard d’euros).
BMW, Daimler et Volkswagen, eux, ont investi massivement dans des usines au Mexique, avec notamment l’idée d’exporter des voitures de petite taille vers les Etats-Unis. Mais ils ont aussi porté en sept ans leur production aux Etats-Unis à 850.000 unités, dont plus de la moitié est destinée à l’exportation, souligne la VDA, la fédération automobile allemande.
« Sur le long terme, les Etats-Unis se tireraient une balle dans le pied en imposant des tarifs ou d’autres barrières douanières », estime Matthias Wissmann, président de la VDA, cité dans un communiqué.
S’exprimant également dans Bild, Sigmar Gabriel, le ministre allemand de l’Economie, a jugé que les Etats-Unis feraient mieux de construire de meilleures voitures plutôt que de s’en prendre aux constructeurs allemands.
De son côté, Norbert Röttgen, le président la commission des Affaires étrangères au Bundestag, a estimé que le gouvernement allemand devait prendre au sérieux les menaces de Donald Trump.
« Il semble être absolument focalisé sur des intérêts à court terme en matière d’emplois et de sécurité (…) Ce qui l’intéresse, c’est n’est pas tant le libre-échange que la protection », a-t-il dit à Reuters.
PAS ASSEZ DE CHEVROLET EN ALLEMAGNE, ESTIME TRUMP
Mercedes-Benz (groupe Daimler) et BMW fabriquent aux Etats-Unis des SUV sports utility vehicle), des modèles qui leur assurent des marges élevées, dont une bonne partie est en grande partie est exportée vers l’Asie et l’Europe.
Environ 65% de la production de l’usine de BMW de Spartanburg, en Caroline du Sud, est ainsi écoulée hors du marché américain. Le groupe basé à Munich fabrique aux Etats-Unis les modèles X3, X4, X5 et X6.
« Il est étonnant que Donald Trump s’en prenne au constructeur qui exporte plus de voitures à partir des Etats-Unis que n’importe quel autre », soulignent les analystes d’Evercore ISI.
Une porte-parole de BMW a déclaré que l’usine du groupe à San Luis Potosi, dans le centre du Mexique, construirait la BMW Série 3 à partir de 2019, une production destinée au marché mondial.
Daimler doit assembler à partir de 2018 des Mercedes-Benz dans un site partagé avec Renault-Nissan à Aguascalientes, également dans le centre du Mexique. Un porte-parole de Daimler a refusé de commenter les déclarations de Donald Trump.
Audi, marque haut de gamme de Volkswagen, a inauguré à Puebla, plus dans le sud du Mexique, un site qui a nécessité un investissement de 1,3 milliard de dollars. Audi et Volkswagen ont également refusé de commenter les propos de l’homme d’affaires.
Celui-ci a noté que l’on voyait beaucoup de Mercedes-Benz dans les rues de Manhattan mais que l’inverse n’était pas vrai, les Allemands n’achetant pas de Chevrolet dans les mêmes proportions.
Les ventes de Chevrolet ont fortement baissé en Europe depuis la décision de sa maison mère, General Motors, d’abandonner la marque dans la région, où GM préfère se concentrer sur le développement d’Opel et de Vauxhall, dont il est propriétaire.
(Edward Taylor, Ilona Wissenbach, Andreas Rinke et Andreas Cremer, Benoît Van Overstraeten pour le service français, édité par Marc Angrand)