Trump s'apprêterait à se retirer de l'accord de Paris sur le climat
par Valerie Volcovici et Roberta Rampton
WASHINGTON (Reuters) – Le président Donald Trump a décidé de soustraire les Etats-Unis de l’accord sur le climat signé à Paris en décembre 2015, a-t-on appris mercredi à Washington de source autorisée.
S’il se confirmait, ce retrait, d’abord rapporté par le site d’information américain Axios, s’inscrirait en droite ligne des propos tenus par le milliardaire républicain durant la campagne présidentielle l’an dernier.
Donald Trump a fait savoir mercredi sur Twitter qu’il ferait connaître sa décision « dans les prochains jours » puis, recevant le Premier ministre vietnamien Nguyen Xuan Phuc dans le bureau Ovale de la Maison blanche, a déclaré à la presse qu’il rendrait publique sa décision « très bientôt ».
« J’entends un grand nombre de gens, d’un côté comme de l’autre. D’un côté comme de l’autre », a-t-il ajouté.
Le porte-parole de la présidence, Sean Spicer, a refusé pour sa part de dire si la décision quant à l’Accord de Paris était prise.
A la Maison blanche, des membres de l’administration ont indiqué que tous les détails n’avaient pas encore parachevés et que la décision de retirer les Etats-Unis, même proche, n’était pas finalisée.
PARIS SERA « OFFENSIF »
Parrainé par les Nations unies, l’Accord de Paris, visant à combattre le réchauffement climatique, a été négocié lors de la COP-21 fin 2015 et est entré en vigueur au début du mois de novembre. La Chine et les Etats-Unis, les deux plus grands pollueurs de la planète dans cet ordre, l’avaient ratifié ensemble deux mois plus tôt.
Le président américain, qui n’a jamais caché son « climatoscepticisme », est apparu isolé sur ce point lors du sommet du G7 qui s’est tenu vendredi et samedi dernier en Sicile, la chancelière allemande Angela Merkel parlant alors d’une situation de « six contre un ».
A Bruxelles, la Commission européenne a estimé qu’un retrait des Etats-Unis serait regrettable tout en soulignant que l’Union européenne était disposée à adopter une position en pointe sur ce dossier, en collaboration avec ses partenaires « en Afrique et en Asie ».
« S’ils décident de se retirer ce serait décevant mais je ne pense pas vraiment que ça modifiera la face de l’humanité », a déclaré le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic.
De Berlin, où il participait à une conférence sur l’avenir de l’Europe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a invité les Européens à faire clairement comprendre aux Etats-Unis qu’on ne pouvait pas se retirer ainsi de l’accord de Paris.
« Le devoir de l’Europe est de dire: cela ne se passe pas comme cela. Les Américains ne peuvent pas simplement se retirer de l’accord de protection du climat. M. Trump pense cela parce qu’il ne connaît pas les détails », a-t-il dit.
Européens et Chinois signeront vendredi à Bruxelles une série de plans communs soutenant l’Accord de Paris et appelleront ensemble les dirigeants de la planète à respecter leurs engagements, selon un document de travail consulté par Reuters.
A Paris, le gouvernement français a fait savoir qu’Emmanuel Macron souhaitait que la France soit « la patrie du changement climatique » et serait très offensive sur cette question.
L’ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, a rappelé pour sa part que l’accord de Paris était un « accord politique ». « Il ne porte pas atteinte à la souveraineté américaine, les engagements nationaux sont volontaires et peuvent être amendés », a-t-il ajouté sur Twitter.
AVEC LE NICARAGUA ET LA SYRIE
La contribution nationale des Etats-Unis, deuxième émetteur mondial de CO2 après la Chine, les engage à réduire d’ici 2025 leurs émissions de gaz à effet de serre d’entre 26 et 28% par rapport à 2005.
Donald Trump, qui doute de la responsabilité humaine dans le changement climatique, avait affirmé durant la campagne présidentielle que le « concept de réchauffement climatique » avait été inventé par les Chinois « pour empêcher l’industrie américaine d’être compétitive »
Le milliardaire républicain avait donc promis de faire sortir les Etats-Unis de l’Accord de Paris, avant de dire qu’il n’excluait pas d’y rester si de meilleures conditions étaient accordées aux Américains.
Cette position était à l’opposé de celle de son prédécesseur Barack Obama, ardent défenseur de la protection de l’environnement.
Adopté par près de 200 pays lors de la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) et jugé alors historique, l’accord de Paris jette les bases d’une maîtrise des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des dérèglements climatiques.
Il fixe le cadre d’engagements politiques, économiques et financiers visant à contenir la hausse de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C » en 2100 par rapport aux niveaux pré-industriels.
Si le retrait de Washington se confirmait, cela placerait les Etats-Unis en compagnie du Nicaragua et de la Syrie comme non signataires de l’Accord de Paris.
Aux Etats-Unis, plusieurs groupes ont appelé l’administration Trump à rester dans ce cadre.
Le Sierra Club, association écologiste, a estimé mercredi qu’un retrait constituerait une « erreur historique » tandis que les Amis de la Terre ont dit redouter que Trump donne aux Etats-Unis le rôle du « principal méchant contre le climat ».
Plusieurs dizaines de chefs d’entreprises ont également pressé Trump de renoncer à ce projet qu’ils jugent néfaste.
Robert Murray, PDG d’une compagnie de charbonnage basée dans l’Ohio et grand contributeur de la campagne électorale de Trump, a demandé pour sa part au président américain de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris.
(avec Doina Chiacu et Jeff Mason à Washington, Robert-Jan Bartunek à Bruxelles, Marine Pennetier à Paris et Michael Nienaber à Berlin; Gilles Trequesser et Henri-Pierre André pour le service français)