Trump visé par une enquête pour obstruction à la justice
par Julia Edwards Ainsley
WASHINGTON (Reuters) – Le procureur spécial Robert Mueller enquête sur des soupçons d’entrave à la justice de la part de Donald Trump dans le cadre des investigations qu’il mène sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, a indiqué jeudi une source proche du dossier, confirmant un article du Washington Post.
Robert Mueller pourrait décider d’interroger le président des Etats-Unis, a ajouté cette source.
L’article publié par le quotidien a provoqué la colère du président américain qui a dénoncé sur Twitter la publication de ces informations, accusant les enquêteurs d’avoir « inventé une collusion bidon » avec des responsables russes.
« Ils n’ont trouvé aucune preuve et maintenant ils cherchent une obstruction à la justice. Super », écrit le milliardaire sur son compte Twitter, répétant qu’il est l’objet d’une « chasse aux sorcières ».
Malgré les dénégations de Donald Trump, une source proche du dossier a confirmé l’exactitude des informations publiées par le Washington Post.
L’hypothèse de poursuites pour une possible obstruction à la justice devenait « inévitable » après le témoignage de l’ex-directeur du FBI James Comey devant la commission sénatoriale du Renseignement jeudi dernier, précise-t-on de même source.
L’examen d’éventuelles poursuites va permettre aux enquêteurs placés sous l’autorité du procureur Robert Mueller d’interroger des personnalités clés de l’administration y compris l’Attorney General Jeff Sessions, son adjoint Rod Rosenstein et peut-être Donald Trump, poursuit cette source.
Selon plusieurs personnes au fait de l’affaire citées par le Washington Post, l’enquête pour entrave à la justice visant le président a été ouverte quelques jours après le renvoi du directeur Comey le 9 mai.
L’administration a donné des versions divergentes pour expliquer son éviction. Donald Trump a affirmé le 11 mai qu’il avait l’affaire russe en tête quand il a renvoyé James Comey.
Le directeur du FBI a déclaré la semaine dernière au Sénat qu’il pensait avoir été écarté par Trump en vue d’affaiblir l’enquête menée par la police fédérale sur la Russie.
« SCANDALEUX, INEXCUSABLE, ILLÉGAL »
Robert Mueller a été nommé le 17 mai dernier pour diriger les investigations sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, et sur une éventuelle collusion des équipes du candidat républicain avec la Russie.
Citant cinq personnes bien informées, le journal rapporte que trois hauts responsables de la communauté du renseignement américain ont consenti à être auditionnés dès cette semaine par les enquêteurs du procureur spécial.
Il s’agit du directeur du renseignement national, Dan Coats, de celui de l’Agence nationale de sécurité (NSA) Mike Rogers, et de l’ancien directeur adjoint de l’agence Richard Ledgett.
La commission du Renseignement de la Chambre des représentants a annoncé de son côté qu’elle entendrait l’ancien secrétaire à la Sécurité intérieure Jeh Johnson mercredi prochain, le 21 juin, dans le cadre de sa propre enquête sur l’imbroglio russe. Jeh Johnson a servi sous le second mandat de Barack Obama, jusqu’à l’investiture de Donald Trump le 20 janvier.
Les équipes juridiques de Donald Trump ont rapidement dénoncé l’article du Post.
« La fuite d’information du FBI ayant trait au président est scandaleuse, inexcusable et illégale », a dit mercredi un porte-parole des conseillers juridiques de Trump, Mark Corallo.
Selon plusieurs juristes consultés par Reuters, le témoignage de Comey devant les sénateurs est susceptible d’étayer les accusations d’obstruction pesant sur Trump.
L’ex-directeur du FBI, qui a dit avoir reçu de Trump une demande d’allégeance, lui avait à l’époque assuré qu’il ne faisait l’objet d’aucune enquête.
Lors de ces conversations, le président a en outre dit espérer, selon Comey, que l’enquête sur son ancien conseiller Michael Flynn serait abandonnée.
James Comey ne s’est pas prononcé sur la qualification en obstruction des propos du président, laissant au soin de Robert Mueller de « démêler cela ».
Si les accusations pesant sur Trump ont peu de chances de déboucher sur des poursuites, étant donné l’immunité relative dont bénéficie le président, elles pourraient servir de motif à une procédure d' »impeachment » (destitution).
(Julie Carriat, Nicolas Delame et Arthur Connan pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)