Ulcan, un hacker au service d’Israël à n’importe quel prix
La diffusion le 25 janvier dernier de « The Patriot » lors du Festival international de la création audiovisuelle (FIPA) a fait polémique. Ce documentaire sur le hacker franco-israélien Grégory Chelli était notamment accusé de livrer un portrait bienveillant de l’activiste. Celui que l’on connaît également sous le pseudonyme d’Ulcan se présente comme un militant sioniste menant un combat contre ses ennemis politiques. Ses méthodes mêlant attaques informatiques et harcèlement à la personne, en font un personnage très controversé.
Les sujets liés à Israël sont souvent le terrain de débats houleux. Le FIPA 2018, dont l’État hébreu était l’invité d’honneur, n’a pas échappé à la tempête. Au cœur de celle-ci on trouve le choix de projeter « The Patriot », le documentaire du réalisateur israélo-canadien Daniel Sivan. L’initiative des organisateurs de diffuser le film malgré les antécédents d’Ulcan a causé l’indignation de Pierre Haski (Rue89), Daniel Schneidermann (Arrêt sur Images) et Denis Sieffert (Politis), tous trois objets de « swatting » du hacker en 2015.
Créateur du forum ViolVocal
Ulcan naît dans le seizième arrondissement de Paris en 1982 et grandit en banlieue. Il se fait connaître sur Internet en 2007, en diffusant une vidéo sur laquelle il s’attaque à un joueur de World of Warcraft. Le succès de celle-ci l’incite à partager plusieurs canulars du même type. Son approche « hardcore » a pour objectif de divertir et même de choquer son audience. Le hacker quitte la France en 2010 et s’installe dans un premier temps en Roumanie où il monte un site Internet pornographique.
En 2011, Ulcan s’établit à Ashdod en Israël et lance ViolVocal, un salon de chat sur lequel les utilisateurs se « clashent » entre eux. Le hacker développe également un système pour pirater les services de police en ayant notamment accès au système de traitement des infractions constatées. Sur le même principe, il reprend cette technique pour récupérer les antécédents judiciaires de personnalités dont le positionnement politique s’oppose au sien, dont Pierre Haski, Tariq Ramadan ou encore l’écrivain d’extrême droite Hervé Ryssen.
Un positionnement sioniste assumé
Ulcan a un temps fait partie de la Ligue de défense juive (LDJ), un mouvement sioniste classé comme organisation terroriste par le gouvernement français en 2001. En tant que membre de la LDJ, le hacker franco-israélien est condamné en 2008 à 18 mois de prison avec sursis pour avoir incendié la moto de Thomas Werlet, président du Parti solidaire français, un mouvement antisioniste. Enfin en 2009, il est condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour le saccage d’une librairie pro-palestinienne.
Ulcan est très actif dans le conflit du Proche-Orient. En 2014, pendant l’opération « Bordure Protectrice », Grégory Chelli s’en prend aux sites Internet qu’il considère être hostiles à l’État hébreu. Il mène ainsi des attaques DDoS contre des médias (Rue89, Médiapart, Libération, Arrêt sur images, France Inter et France Info) et des partis ou hommes politiques (NPA Franche-Comté et le député socialiste Yann Galut). Il les accuse entre-autres du non-respect de la présomption d’innocence ou de diffamer les juifs, Israël ou encore lui-même.
Manipulation de la police ou harceler des journalistes
L’activisme d’Ulcan le pousse à s’attaquer directement aux journalistes, notamment grâce à la technique du canular téléphonique dont il s’est fait maître et avec laquelle il fait croire aux policiers et aux pompiers à une urgence chez une personne tierce. De cette manière, Ulcan instrumentalise les forces de l’ordre pour régler ses comptes avec des journalistes ayant écrit des articles le dépréciant ou jugés anti-israéliens. En juin 2015, en quelques heures, la police fait ainsi irruption aux domiciles de Daniel Schneidermann, Pierre Haski puis Denis Sieffert.
Ces canulars ont également pu tourner au drame. Ainsi, en juillet 2014, Ulcan se fait passer pour un policier et annonce aux parents de Benoît Le Corre le décès de leur fils. Puis quelques jours plus tard, en usurpant l’identité du père du journaliste de Rue89, il déclare avoir assassiné son épouse et son fils, entraînant l’intervention immédiate du GIGN. Choqué, Thierry Le Corre fait un infarctus dans les jours qui suivent, est mis en coma artificiel et décède finalement quelques semaines après.
Hors de portée de la justice française
Ces affaires valent à Ulcan d’être dans le collimateur de la justice française et viennent s’ajouter à un une centaine de plaintes déjà lancées contre lui. Toutefois, le hacker a obtenu la nationalité israélienne en 2014 et aucune convention d’extradition n’existe entre la France et l’État hébreu. La probabilité qu’il passe devant les tribunaux français est donc faible à l’exception d’un éventuel accord diplomatique entre Paris et Jérusalem.
Conscients de la gêne occasionnée par « The Patriot », le FIPA a décidé d’organiser un débat contradictoire. Si le documentaire peut choquer, il met clairement à jour la matrice idéologique dans laquelle évolue Ulcan. Face à une ligne symbolisée par Dieudonné, Alain Soral ou Robert Faurisson, mais aussi en réponse aux médias français qu’il juge trop pro-palestiniens, le hacker est décidé à rendre coup pour coup, quitte à provoquer des dommages collatéraux et sans le moindre signe de remords.
Sources des photos : teleobs.nouvelobs.com / YouTube