par William Mallard et Jack Kim
TOKYO/SEOUL (Reuters) – La Corée du Nord a tiré mardi un missile qui a survolé le Japon avant de s’écraser dans l’océan Pacifique, ont annoncé Tokyo et Séoul, laissant craindre une nouvelle escalade des tensions dans la région.
Cet essai, que les spécialistes pensent être celui d’un missile de portée intermédiaire de type Hwasong-12, intervient alors que les forces américaines et sud-coréennes mènent des exercices militaires conjoints dans la péninsule en dépit des objections formulées par le régime de Pyongyang.
Au mois d’août, la Corée du Nord avait menacé de tirer quatre missiles Hwasong-12 dans les eaux territoriales de l’île américaine de Guam, conduisant Donald Trump à lui promettre en retour « le feu et la fureur ».
Réagissant au nouveau tir nord-coréen, Konstantin Kosachev, président de la commission des affaires internationales du Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement russe, a estimé mardi que Pyongyang avait fait « la démonstration que ses menaces contre Guam n’étaient pas du bluff ».
Depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, la Corée du Nord a tiré des dizaines de missiles, dimanche pour le dernier d’entre eux, mais il est extrêmement rare que les projectiles survolent ainsi l’archipel japonais. Le dernier tir de ce genre remontait à 2009.
« Le comportement inconséquent de la Corée du Nord est sans précédent, sérieux et constitue une grave menace pour notre nation », a déclaré à la presse le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.
Ce dernier a dit s’être entretenu avec Donald Trump et assuré que les deux hommes étaient d’accord pour intensifier la pression sur Pyongyang. Washington soutient le Japon « à 100% », a-t-il ajouté.
RÉUNION MARDI À L’ONU
Les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont immédiatement demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de se réunir pour évoquer le nouveau tir de missile et cette réunion devrait se tenir mardi, ont dit à Reuters des sources diplomatiques.
Début août, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord après le tir expérimental de deux missiles de longue portée.
La Chine, principal allié de Pyongyang, a dit mardi espérer que la nouvelle réunion du Conseil de sécurité permettrait de parvenir à une « résolution pacifique » de la crise.
Tout en déplorant cette nouvelle violation des résolutions de l’Onu, le ministère chinois des Affaires étrangères a répété que les sanctions et les pressions ne pourraient pas remplacer une « reprise des discussions ».
Konstantin Kosachev a pour sa part estimé que la précédente résolution avait « échoué » car la crise s’est transformée en « bras-de-fer entre la Corée du Nord et les Etats-Unis ».
Selon l’armée sud-coréenne, l’engin a été lancé depuis un pas de tir situé non loin de Pyongyang, la capitale nord-coréenne, peu avant 6h00 du matin (21h00 GMT, lundi), avant de parcourir 2.700 kilomètres en atteignant une altitude d’environ 550 km.
« Nous répondrons avec fermeté selon principes qui guident notre alliance avec les Etats-Unis si la Corée du Nord poursuit ses provocations nucléaires et balistiques », a dit dans un communiqué le ministère sud-coréen des Affaires étrangères
En 2009, la Corée du Nord a tiré ce qu’elle avait alors qualifié de fusée transportant un satellite de communication, déjà en survolant le Japon, mais Washington, Tokyo et Séoul avaient analysé le tir comme étant celui d’un missile balistique.
ALERTE AU JAPON
« C’est assez inhabituel », a commenté Jeffrey Lewis, qui dirige un programme portant sur la non-prolifération des armes en Asie orientale. « Les premiers lancers orbitaux dans l’espace entre 1998 et 2009 ont survolé le Japon, mais ce n’est pas la même chose que tirer un missile. »
Selon le secrétaire général du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, le missile est tombé à 1.180 km à l’est du cap Erimo, situé au sud d’Hokkaïdo, la plus septentrionale des grandes îles japonaises.
Le tir a déclenché le système J-Alert qui coupe les programmes de radio et de télévision pour informer la population d’un éventuel tir de missile. Les trains à grande vitesse ont été provisoirement arrêtés et des avertissements ont été lancés par hauts-parleurs dans plusieurs villes d’Hokkaïdo.
« J’ai été réveillée par l’alerte au missile sur mon téléphone portable », raconte Ayaka Nishijima, qui travaille à Morioka, dans la préfecture d’Iwate.
« Je n’étais pas préparée du tout. Même si nous recevons toutes ces alertes, il n’y a nulle part où fuir. Ce n’est pas comme si nous disposions d’une cave ou d’un abri, tout ce que nous pouvons faire, c’est nous éloigner des fenêtres », a-t-elle dit à Reuters.
Le tir nord-coréen a conduit les investisseurs à délaisser les marchés d’actions, contribuant à faire baisser les indices boursiers. A Tokyo, l’indice Nikkei a cédé en clôture 0,45%, renouant avec des plus bas de près de quatre mois.
(Avec Soyoung Kim à SEOUL, Malcolm Foster, Chris Ghallagher et Linda Sieg à TOKYO, Matt Spetalnick à WASHINGTON, Michelle Nichols aux NATIONS UNIES, Ben Blanchard à PEKIN et Maria Kiselyova à MOSCOU; Nicolas Delame et Tangi Salaün pour le service français)