Une conseillère de Trump fait de la pub pour les produits d'Ivanka
par Susan Heavey
WASHINGTON/CHICAGO (Reuters) – Kellyanne Conway, conseillère à la Maison blanche, s’est attirée jeudi de vives critiques et des plaintes pour avoir profité de sa fonction afin de défendre la ligne de vêtements de la fille de Donald Trump, Ivanka.
Les règles déontologiques fédérales interdisent à des fonctionnaires de l’exécutif d’utiliser leur poste pour promouvoir des produits ou pour favoriser les affaires de leurs amis.
« Allez acheter des produits d’Ivanka!(…). Je vais y aller moi-même aujourd’hui! », a déclaré Kellyanne Conway dans une interview accordée à la chaîne Fox News à la Maison blanche. « Je lui fais gratuitement de la pub ici: allez y en acheter aujourd’hui, tous! »
Les organisations à but non lucratif Citizens for Responsibility and Ethics in Washington et Public Citizen ont aussitôt déposé des plaintes auprès du Bureau d’éthique gouvernementale (OGE) et auprès du service juridique de la Maison blanche.
« Il y a là violation des règles », a estimé Norman Eisen, qui fut conseiller en matière d’éthique auprès de l’ex-président Barack Obama. « C’est une affaire grave », a-t-il dit à la chaîne MSNBC.
Le président de la commission de supervision de la chambre des représentants, Jason Chaffetz, a estimé que la promotion de la ligne de vêtements d’Ivanka Trump par cette conseillère de la Maison blanche était « inacceptable », et « dépassait les bornes ».
« C’était une erreur, une erreur, une erreur. C’est absolument inacceptable, quelles que soient les circonstances », a dit Chaffetz à propos des déclarations de Conway.
« Cela n’aurait jamais dû arriver, et il vaut mieux qu’ils l’apprennent très vite », a dit Chaffetz, cité par la chaîne NBC.
Elijah Cummings, le plus haut responsable démocrate siégeant au sein de la Commission de supervision de la Chambre des représentants, a demandé à la commission de saisir l’OGE en vue d’une mesure disciplinaire.
Mercredi, Donald Trump avait vivement critiqué la décision de la chaîne de grands magasins Nordstrom de cesser de commercialiser la ligne de vêtements de sa fille.
IVANKA TRUMP INFORMÉE DÉBUT JANVIER
En s’en prenant à la chaîne de grands magasins Nordstrom, le président milliardaire a pris une initiative sans précédent qui mêle affaires publiques et privées de manière préoccupante, estiment des responsables américains républicains et démocrates.
Nordstrom a répondu que cette mesure, effective depuis la semaine dernière, se justifiait par les ventes insuffisantes de ces articles.
Mais le porte-parole de la Maison blanche, Sean Spicer, a dénoncé une « attaque directe » contre la politique du président, qui a lui-même jugé sur Twitter que sa fille Ivanka était « traitée de manière injuste par @Nordstrom ».
« C’est une personne incroyable qui me pousse toujours à faire le bon choix! Terrible! » a ajouté Donald Trump dans son message diffusé sur son compte personnel, mais aussi le compte officiel de la Maison blanche.
« C’est un détournement des fonctions officielles pour satisfaire des intérêts privés », a déploré Richard Painter, ancien conseil juridique sur les questions éthiques de l’ex-président George W. Bush. « Et c’est un abus de pouvoir parce que le message officiel est clair: Nordstrom est persona non grata avec l’administration. »
Norman Eisen relève quant à lui que plusieurs Etats américains possèdent des lois sur la concurrence déloyale et que des recours en justice pourraient être déposés si la marque Nordstrom pâtit des déclarations présidentielles.
Ivanka Trump dirige une ligne de vêtements et de bijoux portant son nom, en plus des activités qu’elle exerce au sein de la Trump Organization, qui regroupe entre autres des hôtels, des golfs et des actifs immobiliers dans le monde entier. Elle a promis de démissionner lors de l’accession à la présidence de son père.
Des consommateurs américains se sont détournés des produits estampillés Trump pour des raisons politiques. Une campagne intitulée #GrabYourWallet encourage les Américains à boycotter les produits liés à Donald Trump et à ses donateurs. Le mot-dièse a bondi de manière spectaculaire mercredi après la polémique déclenchée par la Maison blanche.
Nordstrom dit avoir informé Ivanka Trump de sa décision dès le début du mois de janvier. « Au cours de l’année écoulée, en particulier lors du second semestre 2016, les ventes de la marque ont décliné régulièrement jusqu’au point où il n’était plus raisonnable pour nous de continuer avec cette ligne », a expliqué le distributeur à Reuters.
(Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)