Wang Huning, l’éminence grise qui pourrait devenir le futur homme fort chinois
Wang Huning est l’une des têtes pensantes qui œuvrent dans l’ombre du régime chinois depuis trois décennies. Le fringant sexagénaire sort de son relatif anonymat en accédant au comité permanent du Parti communiste chinois. Organe opaque au fonctionnement complexe, c’est de ce dernier qu’émergent tous les secrétaires généraux du PCC depuis Mao. Xi Jinping, qui vient d’être réélu à la tête du parti en novembre, n’a pas encore formellement désigné son successeur comme il est de coutume au moment de commencer son second mandat. Dans ce contexte, les spéculations vont bon train et certains misent déjà sur Huning pour devenir le prochain homme du fort du pays.
Le « Kissinger chinois » est un théoricien de l’ombre
Celui que l’on surnomme le « Kissinger chinois » est le premier théoricien à se hisser au Comité permanent du Bureau politique – le plus haut niveau dans la hiérarchie kafkaïenne du pouvoir communiste – où il va superviser le département de propagande du parti. Né en 1955 dans une famille de cadres du parti de la province du Shandong, au nord-est du pays, Wang a accès à la littérature étrangère pendant la Révolution culturelle (1966-1976), décennie sombre pendant laquelle de nombreux ouvrages étaient interdits.
Puis il part étudier à l’université de Fudan à Shanghai, dont il deviendra le doyen de la faculté de droit. Partisan d’une ligne autoritaire, Wang est appelé à Pékin par Jiang Zemin en 1995, à la tête du département de politique du parti, puis entre au Comité central en 2002. Il est à la base du concept de développement scientifique de Hu Jintao et sert de lien avec le clan de l’ancien président, l’influent Jiang Zemin.
Marxiste orthodoxe, puis spécialiste de la pensée occidentale
Lorsqu’il est encore professeur d’histoire de la pensée politique occidentale, son enseignement suit la ligne marxiste-léniniste, fidèle à la pensée de son maître Chen Qiren. Avec l’engouement croissant pour les réformes lors de la présidence de Deng Xiaoping, Wang Huning élargit son horizon politique en effectuant plusieurs séjours en tant que chercheur aux Etats-Unis dans les années 1980.
Il dresse alors le constat que Washington est le grand rival auquel la Chine sera progressivement vouée à se mesurer. En 1991, il publie « Les Etats-Unis contre les Etats-Unis », dans lequel il s’évertue à présenter les forces et les failles de la première puissance mondiale, en détaillant avec force les contradictions de la société américaine. Dans cet ouvrage, il s’interroge notamment sur le fait qu’une civilisation vieille de plus de 2000 ans ait pu sombrer dans le déclin, alors qu’un jeune pays de 200 ans est devenu la première puissance mondiale.
Trois décennies dans l’ombre des grands dirigeants du miracle chinois
Personnage réservé, mais avenant et efficace, Wang Huning a su conformer sa pensée aux mœurs politiques du Zhongnanhai – le siège du gouvernement à Pékin – au service de trois générations de monarques qui ont mis en œuvre le miracle chinois. Le « Kissinger chinois » est l’artisan des principales doctrines attribuées à ces gouvernements successifs. Un homme dont les idées orthodoxes ont su convaincre les dirigeants du moment, indubitablement charmés par le goût prononcé de Wang pour un gouvernement autoritaire et la primauté du gouvernement central sur les autres forces à l’œuvre aux quatre coins de la Chine. Son sens politique, ses qualités intellectuelles et sa connaissance fine des rouages de l’État lui ont permis de connaître une ascension rapide au sein du Bureau politique, grâce au soutien du clan de Jiang Zemin et d’être adoubé par Xi Jinping lors de son accession au pouvoir en 2012.
Le futur homme fort de la Chine à l’horizon 2022 ?
Quand s’achèvera le règne de Xi, que certains comparent à Mao pour son exercice autoritaire du pouvoir, Wang aura 67 ans, la moyenne des plus hauts dirigeants chinois. Mais à l’heure où les jeunes élites sont formées à l’étranger, les vieux dinosaures de la politique chinoise dont se réclame Wang, pourraient entrer en conflit avec cette nouvelle génération qui n’a pas connu la Révolution culturelle pour mener les destinées de la Chine dans les années 2020.
Sources des photos : graphics.wsj.com / cdn.cnn.com / eastchapelhillobserver.com / scmp.com