Yoshinori Ohsumi, le prix Nobel de médecine 2016
C’est pour ses travaux sur l’autophagie que le chercheur Yoshinori Ohsumi a reçu le prestigieux prix Nobel de médecine, faisant oublier la lourde polémique qui ébranle l’institution.
Le professeur Yoshinori Ohsumi, 71 ans, a été « un peu surpris » par l’annonce de sa récompense, comme l’a précisé le secrétaire du jury chargé de le prévenir par téléphone. Pourtant, le chercheur japonais avait obtenu le prix Gairdner en 2015, considéré comme une voie d’accès privilégiée menant au prix Nobel de médecine.
Des cellules qui font face aux agressions
Aujourd’hui professeur à l’institut de Technologie de Tokyo, le scientifique a, durant toute sa carrière, étudié le mécanisme d’adaptation des cellules. Plus particulièrement leur réaction lorsque leur environnement est modifié par des phénomènes tels que la faim ou une infection. Dans ce cas, une cellule peut « digérer » ses propres composants : c’est ce que l’on qualifie d’autophagie, mot dérivé du grec signifiant « se manger soi-même ». Les constituants non essentiels à la cellule servent alors à produire les éléments en carence permettant à l’organisme de s’adapter à des situations telles que la faim. Cette adaptation peut même aller, lors d’une infection grave ou d’un cancer, à l’autodestruction de la cellule, afin de limiter la propagation de la maladie.
Une autophagie porteuse d’espoirs
C’est en analysant des cellules de levure que le professeur Ohsumi a débuté ses travaux sur l’autophagie en 1988. Ce processus d’autorégulation des cellules, découvert en 1960 par Christian de Duve, était jusqu’alors singulièrement méconnu. En isolant les gènes responsables de cette « mutation » de la cellule, Yoshinori Ohsumi a permis l’étude du phénomène sur des cellules animales, puis humaines. La parution de ses résultats en 1992 a été saluée tant par les médecins que par les scientifiques qui sont nombreux à s’intéresser au sujet. Pas moins de 4500 publications ayant pour thème l’autophagie ont depuis vu le jour. La meilleure connaissance de ce principe de « recyclage » mis en œuvre par les cellules laisse espérer de grandes avancées dans les traitements du cancer, des maladies neuro-dégénératives, des virus ainsi que des infections.
le prix Nobel de médecine: une institution dans la tourmente
L’annonce du prix Nobel de médecine, attribué lundi 3 octobre, intervient au cœur d’un scandale touchant le vénérable institut Karolinska, chargé de décerner tous les ans le prix Nobel de médecine. A l’origine de la polémique, le chirurgien Paolo Macchiarini qui avait fait sensation, en 2008, pour avoir mené à bien une greffe de trachée-artère. L’opération complexe fut renouvelée par la suite sur deux autres patients. Devant de tels succès, le médecin s’est vu offrir un poste au sein de l’institut Karolinska en 2010. Mais trois ans plus tard, le scandale éclate : deux des patients sont décédés et le troisième ne s’est jamais rétabli de sa greffe. Le chirurgien aurait manqué aux règles de prudence les plus élémentaires imposées par sa profession se passant même de tests sur des animaux. Deux membres prestigieux de l’institut Karolinska auraient tenté d’étouffer l’affaire et sont soupçonnés d’avoir enterré un rapport compromettant. Un tel contexte n’a heureusement pas empêché la désignation du lauréat de 2016.
Un prix prestigieux pour Yoshinori Ohsumi
Cette polémique n’interfère en aucun cas sur l’importance des travaux de Yoshinori Ohsumi, sixième Japonais à recevoir le prestigieux prix Nobel de médecine depuis sa création en 1901. Le professeur, qui étudie la biologie moléculaire depuis 1963, recevra en plus de sa médaille la somme de huit millions de couronnes suédoises soit environ 834.000 euros. Son diplôme lui sera remis par le roi de Suède en personne lors d’une cérémonie qui se tiendra le 10 décembre. Il succède à la chinoise Tu Youyou récompensée pour avoir mis au point un nouveau traitement contre le paludisme, ainsi qu’à l’équipe formée par William C. Campbell et Satoshi Ōmura qui se sont penchés sur les infections causées par les vers parasites nématodes.
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