Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau
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Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau

Publié le 16 avril 2018,
par VisionsMag.
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A partir de quel jour les robinets du Cap se tariront-ils ? Prévue initialement pour avril, puis pour juin, la pénurie d’eau ne devrait pas, selon les dernières prévisions, intervenir avant mi-juillet. Si la catastrophe a été repoussée grâce à des mesures drastiques, elle n’en demeure pas moins inéluctable.

Situation de crise

Si les plus optimistes pensaient pouvoir l’éviter, l’évidence a néanmoins fini par s’imposer : le « Zero Day », ce « jour zéro » où l’approvisionnement en eau sera coupé, guette les habitants du Cap dans un angoissant compte à rebours. D’importantes mesures cherchent néanmoins à retarder l’échéance. Ainsi, depuis le 18 janvier, la population de la deuxième ville d’Afrique du Sud est invitée à ne pas dépasser les 50 litres de consommation journalière d’eau. Bien loin des 143 litres utilisés, en moyenne, par chaque Français, ou des 295 litres quotidiens nécessaires à un habitant des Etats-Unis. Les foyers dépassant les 87 litres s’exposent quant à eux de lourdes amendes, de même que les personnes enfreignant l’interdiction de remplir une piscine, de laver une voiture ou d’arroser une pelouse.

Des brochures ont été distribuées, expliquant comment réutiliser les eaux usagées et enjoignant à modifier des habitudes quotidiennes : ne pas systématiquement tirer la chasse, privilégier une solution hydro-alcoolique pour se laver les mains, ou encore utiliser des produits d’entretien ne nécessitant aucun rinçage. Le succès de ces mesures, suivies par une grande partie des habitants, a permis de faire chuter de moitié la consommation d’eau, la faisant passer de 1,1 milliard de litres quotidiens à 586 millions. Ce qui demeure insuffisant pour pallier un phénomène inédit depuis trois siècles.

Chronique d’une pénurie annoncée

Confrontée à trois années consécutives de sécheresse, la région du Cap subit aussi de plein fouet l’influence d’El Niño, qui décale les précipitations vers l’océan Indien. Conséquence directe du manque de pluie, le lac de Theewaterskloof, source principale d’alimentation aquatique de la ville, se réduit comme peau de chagrin. Ce qui était encore, il y a à peine trois ans, une vaste étendue d’eau abritant une base nautique n’est plus qu’une plaine désertique battue par les vents et balayée par la poussière. Et la situation est identique pour les cinq autres barrages fournissant la ville.

Le « Zero Day » sera décrété lorsque les réserves aquatiques passeront sous la barre des 13,5 %, alors qu’elles se situent actuellement à 15,5 %. Dès lors, l’alimentation en eau sera coupée et les riverains devront se contenter de 25 litres par jour, qui seront distribués à travers 200 points de ravitaillement surveillés par les forces de l’ordre. Des mouvements de foule ont d’ores et déjà eu lieu, notamment dans des supermarchés, où la vente a dû être régulée afin d’empêcher un accaparement de l’eau en bouteille et des récipients pouvant contenir le précieux liquide. Les exploitations agricoles bénéficient en revanche, tout comme les hôtels, de dérogations leur permettant d’outrepasser les limites de consommation.

Manque de prévoyance

Si les causes de la sécheresse sont naturelles, les deux principaux partis politiques qui se sont alternativement partagé le pouvoir n’en sont pas moins montrés du doigt pour leur manque d’anticipation. Patricia de Lille, maire de la ville et membre du parti Alliance démocratique doit essuyer de nombreuses critiques pour avoir laissé s’instaurer une telle situation de crise. Des critiques que la principale intéressée renvoie à son tour vers les instances gouvernementales.

L’inertie qui a semblé prévaloir jusqu’à présent est en partie imputable aux données utilisées pour prévoir le niveau d’eau, longtemps basées sur les moyennes observées au cours des précédentes décennies. Des relevés datant d’une époque révolue, où les bouleversements climatiques n’étaient pas encore à l’ordre du jour, et où la province du Cap, sur la carte des risques, arborait un vert rassurant. Mais d’autres modèles de prévision tenant compte, ceux-là, de l’évolution du climat, placent Le Cap dans une zone rouge. L’absence de prise en charge des nouveaux modèles météorologiques, le caractère inédit d’une sécheresse exceptionnelle ainsi que la présence inopinée d’El Niño ont donc pris de court les autorités qui tentent dans l’urgence de remédier au manque d’eau par le forage de nombreux puits.

Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau
Les quatre millions d’habitants du Cap, en Afrique du Sud, sont confrontés à une sécheresse sans précédent entrainant une vaste pénurie d’eau.
Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau
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Afrique du Sud : ce « jour zéro » où Le Cap n’aura plus d’eau

Cauchemar logistique pour Le Cap

Economiquement parlant, cet épisode d’extrême sécheresse devrait amputer le budget de la ville de plus de 100 millions d’euros. Cette somme, qui sera utilisée pour l’achat et l’acheminement d’eau potable, servira aussi à financer la mobilisation des services d’urgence, des militaires, mais aussi des médecins et épidémiologistes, tant la ville redoute une résurgence de maladies telles que le choléra, la dysenterie et la typhoïde. Lorsque les vannes seront fermées, des observateurs craignent une trop grande affluence autour des points de distribution d’eau. La pénurie pourrait alors entrainer des troubles plus ou moins violents, dans une mégapole déjà marquée par de fortes disparités sociales.

Et nul ne prédit quel sera l’impact sur le tourisme, Le Cap ayant accueilli 1,37 millions de visiteurs en 2016. La situation ne se résorbera qu’avec le retour des précipitations, la saison des pluies étant traditionnellement attendue aux alentours du mois de mai. Afin de parer à une nouvelle sécheresse, les autorités ont planifié la construction d’une série d’usines de dessalement, mais les premières livraisons ne devraient pas avoir lieu avant 2020.

L’épreuve que traverse Le Cap devrait de toute évidence être scrutée à la loupe, tant les situations de pénurie d’eau pourraient se multiplier au cours des prochaines décennies. Londres, São Paulo, Pékin ou Moscou se montreraient particulièrement vulnérables à une crise hydrique, alors qu’en parallèle la consommation mondiale d’or bleu a été décuplée au cours des vingt dernières années.

Photos : foreignpolicyblogs.com / news1130.com / bloomberg.com / pulseheadlines.com /africa.cgtn.com