Jeux sans frontières : Ptiluc refait le portrait de l'aide humanitaire en Afrique Jeux sans frontières : Ptiluc refait le portrait de l'aide humanitaire en Afrique Jeux sans frontières : Ptiluc refait le portrait de l'aide humanitaire en Afrique
International

Jeux sans frontières : Ptiluc refait le portrait de l'aide humanitaire en Afrique

Publié le 10 mai 2013,
par VisionsMag.
Partager
()

Avec « Jeux sans frontières », Ptiluc nous propose une bande dessinée décapante sur le monde de l’humanitaire en Afrique. L’auteur de « Pacush Blues » y use de son arme favorite, l’humour noir et le ridicule, pour brocarder un univers où trop souvent les bons sentiments débouchent sur les plus terribles business. L’œuvre, qui n’a pas encore trouvé d’éditeur, est à découvrir sur internet – bdptiluc.canalblog.com.

« Eh les blancs ! Pourquoi vous nous ramenez toujours des trucs qui servent à rien sauf les Kalachnikov », c’est un jeune enfant africain qui s’exclame ainsi. Mitraillette au poing, Ray-ban au nez, joint au bec, il escorte, hilare, un groupe d’otages. Nous sommes dans « Jeux sans frontière », dernière œuvre de Ptiluc, une bande dessinée pas très polie sur le monde complexe de l’aide humanitaire en Afrique (selon les propres mots de l’auteur).

Franquin versus Hergé

« Jeux sans frontières » nous entraîne en plein cœur de la forêt équatoriale à la suite d’un groupe de volontaires de l’ONG « TSF ». L’aventure tourne vite au naufrage quand le 4X4 des jeunes gens de bonne volonté plonge dans un fossé. Ils en ressortiront otages d’un groupe d’enfants soldats.

Le ton est donné d’emblée, l’humour sera grinçant, le propos décapant. Nous sommes loin de l’angélisme d’un « Kirikou » ou de l’exotisme béat d’un « Tintin au Congo », l’Afrique que revendique Ptiluc est celle du Conrad d’ « Au cœur des Ténèbres » visité par le Franquin des « Idées noires ». Il s’agit d’aller traquer la vérité au-delà des discours officiels et d’en rire parce que c’est encore la meilleure façon de ne pas en pleurer.

Nous voici donc face à une œuvre politique et politiquement incorrecte. Ptiluc est coutumier du fait, s’il aime l’humour dans le but de provoquer la réflexion. Et quand le créateur de « Pacush blues », de « Rat’s », de « Ni dieu ni bête », de « La foire aux cochons », délaisse les animaux qui philosophent comme des hommes, c’est pour nous présenter les hommes qui s’entredévorent comme des bêtes.

Personne n’est épargné, ni les blancs, ni les noirs, ni les prêtres, ni les révolutionnaires, ni les médecins, ni même les enfants. Au cours des différents épisodes, nous croiserons un prêtre belge prêchant, dans ses moments de sainte fureur, la dévotion à la « Kalash », plus puissante que dieu quand il s’agit de donner du cœur à ses ouailles. Nous ferons la connaissance de deux docteurs humanitaires et débonnaires s’empressant de refiler de la colle à rustine à des gamins. Et que dire de ce délicieux journaliste américain se félicitant de rencontrer une femme otage parce que les images de viol ça fait toujours plus de buzz !

Desproges, Coluche, Philippe Muray…

Comme on le voit, l’auteur ne fait pas dans le consensus mou. Pour autant, les cyniques et les désabusés ne doivent pas se réjouir trop vite. Dans « Jeux sans frontières », l’humour se maintient toujours à distance sanitaire du fameux, « tous des racailles » ou du non moins fameux « y’a qu’à ». Avec Ptiluc, on rit de tout mais pas avec n’importe qui. Nous sommes en compagnie d’illustres prédécesseurs dans l’art de provoquer, Desproges, Coluche ou Philippe Murray.

Jeux sans frontières : Ptiluc refait le portrait de l'aide humanitaire en Afrique
« Jeux sans frontières », dernière œuvre de Ptiluc, une bande dessinée pas très polie sur le monde complexe de l’aide humanitaire en Afrique.

« Ptiluc ! » « Quoi ? » « Tais-toi ! »

La liberté de ton a toujours un prix. Parfois celui-ci est élevé. Aujourd’hui, « Jeux sans frontières » n’a toujours pas trouvé son éditeur (est-ce vraiment une surprise ?). « Les pétards ça suffit ! », « trop violent ! », « pas assez au cœur du sujet ! », « pas assez ciblé !», sans compter le désopilant « super j’adore, on se tient au courant ! », les motifs de refus fournis par les maisons d’édition constituent un beau florilège de la bonne pensée établie.

Que cela ne tienne ! Ptiluc, adepte des grands raids solitaires en moto, ne se démonte pas si facilement. Aussi, en attendant de pouvoir offrir à ses lecteurs l’encre fraiche d’une édition brochée, il a mis « Jeux sans frontières » en ligne sur internet. Il faut en profiter ! Car en ces temps de crise et de grande tartufferie, les paroles qui osent et qui en rient, sont encore plus rares que les lendemains qui chantent !