La Méditerranée orientale s’embrase sous l’effet des gisements de gaz La Méditerranée orientale s’embrase sous l’effet des gisements de gaz La Méditerranée orientale s’embrase sous l’effet des gisements de gaz
Politique

La Méditerranée orientale s’embrase sous l’effet des gisements de gaz

Publié le 5 octobre 2020,
par VisionsMag.
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L’escalade de tension entre la Grèce et la Turquie en Méditerranée doit son origine à la découverte de gisements de gaz dans la région. S’estimant lésée par le droit international qui partage les espaces maritimes, la Turquie passe outre les conventions officielles pour toucher sa part du gâteau.

L’inquiétude succède à l’enthousiasme. Vingt après la découverte du premier gisement de gaz en Méditerranée orientale (Palestine, 1999), l’espoir suscité par cette nouvelle s’est largement estompé face à l’embrasement d’une région.

Depuis une dizaine d’années, le gaz représente un enjeu stratégique colossal en raison des autres découvertes de gisements dues au développement d’une technologie appelée deep off-shore qui permet de forer en eaux profondes : Léviathan (Israël, 2010), Aphrodite (Chypre, 2011), Zohr (Egypte, 2015), Calypso (Chypre, 2018) et Glaucus (Chypre, 2019). Baptisés de noms bibliques ou mythologiques, tous ces gisements représenteraient environ 1.900 milliards de mètres cubes de gaz, soit environ quarante-cinq années de consommation de la France. Il s’agit donc d’une quantité immense qui est comparable à ce que l’on trouve en Norvège, premier producteur européen en la matière.

La question de l’exploitation des sous-sols ne devrait pourtant pas poser de problème car grâce au droit international édité lors de la convention de Montego Bay de 1992, chaque pays limitrophe possède une zone exclusive économique de 200 milles marins au sein de laquelle il a le droit d’exploiter les ressources du sous-sol. Cependant, la Turquie refuse de reconnaître cette convention en raison de la présence de nombreuses îles grecques très proches de ses côtes qui l’empêchent d’exploiter davantage les ressources méditerranéennes. Mais aussi car elle refuse toujours de reconnaître Chypre.

Recep Erdogan ne peut pas laisser passer un tel filon

Le président turc, Recep Erdogan, ne peut laisser passer un tel filon devant son nez : il veut sa part du gâteau. Surtout que son pays importe – essentiellement depuis la Russie – 99 % de sa consommation de gaz, ce qui représente une trop grande dépendance énergétique. De plus, dans la perspective d’un respect des accords de Paris sur le climat, l’utilisation du gaz naturel est tolérée avec une augmentation de 10 % d’ici à 2030 : il y a donc un véritable marché qui se créé à l’heure où les gouvernements européens tournent le dos au charbon.

Faisant fi du droit international, Recep Erdogan signe donc fin 2019 un traité d’exploitation de la Méditerranée avec la Libye. Du moins avec Fayez el-Sarraj, le chef du gouvernement d’accord national de Tripoli auquel il a envoyé des soldats pour l’aider à battre le Général Haftar – alors que selon le droit international, il n’y a aucune continuité maritime entre les deux pays.

Face à cette menace, la Grèce ne tarde pas à réagir en signant un accord de coopération avec l’Egypte avec qui elle a une continuité. En parallèle, le chef d’Etat turc bloque le projet EastMed porté par la Grèce, Chypre et Israël et qui prévoit la création d’un gigantesque gazeoduc à six milliards d’euros à destination de l’Italie. La Turquie étant traditionnellement impliquée dans le transport de gaz via sa position stratégique entre le Moyen-Orient et l’Europe, elle souhaiterait, là aussi, participer à la fête.

la Turquie sort l’artillerie lourde au cours de l’été 2020 

C’est donc dans cette peau d’électron libre rejetant toutes les conventions et accords internationaux que la Turquie sort l’artillerie lourde au cours de l’été 2020 : un navire de prospection sismique s’introduit dans les eaux grecques et chypriotes, escorté par des navires de guerre.

Conséquence directe, la petite île grecque de Kastellorizo, très proche des côtes turques et qui avait déjà fait l’objet d’un projet nationaliste turc en 1974, voit son quotidien chamboulé. En effet, habitués à se ravitailler et à passer leurs examens médicaux urgents en Turquie, situé à vingt minutes de navigation, les habitants doivent désormais se tourner vers Rhodes, à plus de trois heures de bateau. De même, les compagnies de ferry turques sont à l’arrêt et déplorent 400.000 euros de pertes liées à l’inactivité.

Cet acte d’agression a été gravement dénoncé par la Grèce, soutenue par la France qui a envoyé deux rafales et deux bâtiments de la marine nationale. La réponse des voisins européens, notamment l’Allemagne, demeure timide, en raison de la présence de la Turquie au sein de l’OTAN mais surtout de la question migratoire. Jouant un rôle de tampon vis-à-vis des flux migratoires à destination de l’Europe, la Turquie brandit systématiquement la menace de ne plus gérer ces réfugiés (notamment en mer) si l’UE se montrait ferme à son écart.

Empêtrée dans un sac de nœud géopolitique, la région de Méditerranée orientale ne retrouvera sa sérénité qu’à la condition d’un accord de coopération entre la Grèce, Chypre et la Turquie. Au regard des positions de chacun, cette issue semble loin d’être évidente et l’escalade reste toujours à craindre.

Photos : rtbf.be / Laselectiondujour.com / ouest-france.fr

La Méditerranée orientale s’embrase sous l’effet des gisements de gaz
L’escalade de tension entre la Grèce et la Turquie en Méditerranée doit son origine à la découverte de gisements de gaz dans la région.
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