Projet 1917, la révolution russe en temps réel

Un fil d’actualité vieux d’un siècle

Sur leur fil d’actualité, Trotsky et Lénine se réjouissent des progrès de la révolution d’Octobre. Tout comme Rosa Luxemburg qui, depuis sa cellule berlinoise, émet tout de même quelques doutes sur l’opportunisme des nouveaux maitres de la Russie. Sur le réseau social, des officiers dénoncent des exactions, tandis que des témoins oscillent entre espoir et crainte face aux pénuries et aux incertitudes qui entourent l’avenir du pays.

Malgré la situation, la vie culturelle continue, comme en témoignent les posts de Nabokov, Kafka ou encore James Joyce. Des dépêches décrivent les derniers soubresauts de la Grande Guerre, allant du procès de Mata Hari aux offensives allemandes, vidéos à l’appui. Des rumeurs incroyables courent sur Raspoutine. Enfin, c’est sur son mur que le tsar Nicolas II annonce, le 15 mars, son abdication au profit du gouvernement provisoire. Tous ces messages sont présentés à la manière d’un réseau social, avec ses hashtags, ses liens d’amitié et ses mentions « j’aime ». Même la météo de l’époque trouve sa place sur la page.

Faire revivre les témoins

Si la forme est originale, les contenus, eux, sont loin d’être fantaisistes. Sélectionnés avec soin, tous sont tirés de documents contemporains de l’époque et ont été retranscrits avec rigueur. Le résultat est stupéfiant : jour après jour, l’internaute assiste à une succession d’évènements qui, mis bout à bout, témoignent d’une période qui aura profondément changé la face du monde.

A la tête de ce projet fou, le journaliste indépendant Mikhail Zygar, ancien rédacteur en chef de Dozhd, l’unique chaine de télévision indépendante de Russie. En 2015, alors que les cérémonies de commémoration des révolutions de 1917 commencent à se dessiner, le jeune journaliste, né en 1981, craint une mainmise politicienne sur une histoire qu’il souhaiterait neutre. Et le fait est que les événements qui ont secoué la Russie en 1917 bénéficient d’un traitement tout particulier de la part du gouvernement actuel. S’il ne renie pas l’héritage soviétique, le Kremlin a pourtant célébré en catimini le centenaire des révolutions d’Octobre et de Février : comment un pouvoir, qui se veut fort et parfois autoritaire, pourrait-il glorifier une révolte populaire ?

Apporter une vision neuve

Pas question, pour Mikhail Zygar, de faire le panégyrique des révolutions de 1917. Seules l’indifférence et le manque de connaissances des Russes vis-à-vis de cette période ont motivé le journaliste, qui s’est entouré d’une équipe d’historiens, d’archivistes, d’académiciens et de spécialistes des réseaux sociaux.
La sélection des textes, ainsi que des protagonistes présents sur le Projet 1917, a nécessité la participation d’une centaine de personnes. 27 d’entre elles, issues de divers horizons, ont formé le noyau dur du projet, restant actives jusqu’au dernier jour. A but non-lucratif, le « Projekt 1917 » a bénéficié du soutien de nombreuses institutions et a été traduit en anglais grâce au partenariat noué avec le centre culturel Pushkin House, basé à Londres.

L’affluence de visiteurs sur le site témoigne de la réussite du projet, qui a enregistré quotidiennement des dizaines de milliers de connexions en provenance du monde entier. De quoi apporter un éclairage nouveau sur cette période complexe, sur l’état d’esprit et les préoccupations de ses acteurs. En résumé, sur l’Histoire avec un grand H.

https://project1917.com/

Sources des photos : calvertjournal.com / russianartandculture.com

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