Srđa Popović, de la chute de Milosevic au Printemps Arabe, une action controversée
Crapule de la CIA, mercenaire Serbe, maître d’œuvre du Printemps arabe, impérialiste… ces dernières années Srđa Popović aura été affublé de tous les noms d’oiseau par ses détracteurs. Théoricien de la lutte non-violente et activiste, retour sur le parcours de celui dont le nom reste associé à la chute du régime de Milosevic.
Né en 1973 à Belgrade, Srđa Popović a grandi dans une Yougoslavie en pleine mutation et a assisté au passage d’une période communiste à une période post communiste marquée par de fréquentes révoltes parfois violentes.
Srđa Popović : Une jeunesse engagée, le mouvement Optor
En 1993, Srđa Popović a 20 ans, il étudie la biologie à l’université et joue de la basse dans un groupe de Goth Rock. Le pays est alors dirigé par un Milosevic qui enchaine massacres et crimes de guerre et dont la réputation est déjà fortement discréditée aux yeux de la communauté internationale. C’est dans ce contexte que le jeune Srđa Popović, déjà membre du parti Démocratique devient en 1994 le président des jeunesses du Parti Démocratique.
En 1998, Srđa Popović mettra sa carrière politique de coté, et convaincu que l’opposition politique divisée ou les bombardements perpétrés par la communauté internationale ne parviendront pas à renverser la dictature de Milosevic, il fonde avec 10 autres étudiants le mouvement Optor, qui signifie résistance en Serbe. L’objectif numéro 1 est le renversement de Milosevic et, dans un second temps, la progression du pays vers un modèle plus occidental en matière de démocratie.
L’idéologie du mouvement Optor est basée sur les théories du conflit non violent de Gene Sharp. Optor est formé d’une jeunesse hyper motivée qui possède des compétences en marketing et en communication, qui est pleine d’idée, qui utilise l’humour, qui offre des fleurs et des cookies aux forces de l’autorité et qui utilise le téléphone portable comme un outil de propagation de ses idées, ce qui est une première mondiale dans un mouvement de protestation. Ainsi, deux ans après sa création, Optor compte dans ses rangs 70000 militants.
La chute de Milosevic et la conversion d’Optor
En 2000, le mouvement Optor a acquis une certaine réputation et contribue fortement à la formation d’une coalition des partis de l’opposition en vue des élections du 24 Septembre. Milosevic perd les élections et décide naturellement de les annuler. S’en suit une grève générale, des blocus et manifestations auxquels Optor participera activement et massivement. Milosevic capitule.
Le 6 Octobre, Vojislav Kostunica est élu et le mouvement Optor avec à sa tête Srđa Popović sera désormais considéré comme un des acteurs majeurs de la chute du régime de Milosevic. Optor fusionne alors avec le parti démocratique et Srđa Popović s’éloigne du mouvement mais reste engagé dans la lutte non-violente en créant une nouvelle organisation à la portée plus internationale.
En 2004 avec un autre fondateur d’OPTOR, Srđa Popović fonde CANVAS, Center for Applied Non-Violent Action and Strategies, une association éducative à but non lucratif destinée à diffuser la culture de la lutte non-violente du mouvement OPTOR en formant les militants à travers le monde. Elle a connu un franc succès.
CANVAS aurait ainsi collaboré avec 46 pays et été impliqué dans les luttes révolutionnaires d’un grand nombre d’entre eux, tels la Géorgie, l’Ukraine, l’Albanie, la Biélorussie, le Venezuela, la Birmanie, l’Egypte, la Tunisie et bien d’autres. Le degré d’implication de CANVAS dans ces révoltes est difficilement évaluable. De la formation des militants à l’utilisation des manuels publiés par CANVAS, notamment. La lutte non-violente en 50 points, publié en 2007, en passant par l’utilisation du logo d’OPTOR sur les drapeaux qu’on brandit lors des manifestations de nombreuses révoltes dans ces pays, l’implication de CANVAS, bien que se voulant discrète, a été fermement identifiée et a donné lieu à de nombreuses critiques et à la suspicion de « complots ».
Polémique et théorie du complot
Déjà accusé à l’époque d’OPTOR d’avoir créé une organisation insurrectionnelle dans le but de déstabiliser la Serbie pour le compte de puissances étrangères, au fil des révoltes et surtout depuis l’implication de CANVAS dans les Printemps Arabes, Srđa Popović à été accusé d’agir pour le compte des services secrets des Etats Unis.
A l’origine de ces accusations, on pointe le financement d’Optor et de CANVAS. Ils auraient été soutenus en grande partie par des financements venant de l’occident et notamment de la NED et de l’IRI. Les liens très étroits que CANVAS a tissés avec certaines organisations notamment Freedom House, une ONG Américaine dont le but est d’exporter les valeurs Américaines et dont le président n’est autre qu’un des anciens directeurs de la CIA, a valu à CANVAS d’être accusé de travailler pour la CIA.
Srđa Popović se défend, CANVAS n’accepte aucun fonds public. 100% des financements sont privés. Le plus gros donateur n’est pas américain, il est serbe, c’est une compagnie privée de téléphonie qui appartient à un des anciens membres d’Optor. L’association CANVAS est formée par des théoriciens de la lutte non-violente, ils ne sont pas des exportateurs de révolutions. Ils fournissent un cadre cognitif qu’ils mettent à destination de groupes auto-formés qui l’utilisent de manière autonome.
Bien qu’il soit difficile de notre point de vue de déceler ce qu’il se passe réellement dans les coulisses des révoltes dans lesquelles sont impliqués CANVAS et Srđa Popović, après un retour sur son parcours, il semble difficile d’imaginer Srđa Popović comme la crapule au service de la CIA qui est parfois décrite.
Après cette jeunesse engagée dans une révolution pour plus de démocratie Srđa Popović a choisi de se vouer à la promotion de la lutte non violente. Il est évident que le succès de son organisation et l’implication dans de nombreuses révoltes aux enjeux cruciaux allaient faire couler beaucoup d’encre et susciteraient la polémique!