Theresa May entretient à dessein le flou sur le Brexit Theresa May entretient à dessein le flou sur le Brexit Theresa May entretient à dessein le flou sur le Brexit
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Theresa May entretient à dessein le flou sur le Brexit

Publié le 15 septembre 2016,
par Reuters.
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LONDRES (Reuters) – Face à l’impatience croissante des Européens, Theresa May ne lâche pas grand chose sur la mise en oeuvre du Brexit mais sa stratégie se fait plus claire: garder ses cartes en main avant le début des négociations formelles et éviter que des divergences internes ne fragilisent la position de Londres.

La nouvelle Première ministre britannique, qui avait demandé à ses ministres de mettre à profit la période estivale pour travailler à des propositions sur l’avenir des relations avec Bruxelles, a réuni son gouvernement en séminaire fin août à sa résidence officielle de Chequers, ouvrant exceptionnellement la réunion aux caméras de la télévision.

Celle qui a succédé à David Cameron après le référendum du 23 juin, par lequel une majorité de Britanniques ont choisi de quitter l’Union européenne 43 ans après l’avoir rejointe, a promis de négocier un « accord unique » qui permettra aux Britanniques de contrôler l’immigration tout en obtenant les meilleures conditions possibles sur le commerce des biens et des services.

« Nous devons continuer d’être clairs: Brexit signifie Brexit, et nous allons le réussir », a-t-elle dit à ses ministres, rejetant l’hypothèse d’un second référendum.

« Brexit is Brexit », « Brexit means Brexit »: pour ses détracteurs, l’expression employée à de multiples reprises par May relève du slogan prêtant le flanc à une trop large interprétation. « Theresa May dit ‘Brexit is Brexit’ mais il n’y a rien derrière », s’agace un haut diplomate français.

La Première ministre ne participera pas ce vendredi au sommet européen de Bratislava, où les Vingt-Sept ne pourront éluder la question du Brexit sans pour autant être en mesure de prendre l’initiative. Car en la matière, c’est à Londres de déclencher la procédure de divorce.

L’entourage de Theresa May laisse entendre qu’elle n’invoquera pas l’article 50 du traité européen de Lisbonne avant le début de l’année prochaine. Dans l’intervalle, les partenaires européens de Londres n’ont d’autre choix que d’attendre.

« C’est ainsi que je procède », a confié la Première ministre aux journalistes l’accompagnant dans l’avion la menant au début du début du mois au sommet du G20 en Chine. « Je ne débarque pas en disant ‘Je vais prendre une décision’, mais j’étudie les faits, je les soupèse, je prends conseil, tiens compte de cela et aboutis à une décision. »

 

MAY AUX COMMANDES

Une équipe de hauts fonctionnaires britanniques planche sur les moyens de contrôler l’immigration, de remplacer les financements communautaires perdus ou de transposer en droit britannique les lois et directives européennes.

Deux sources proches de ces préparatifs admettent en savoir peu sur les domaines où des compromis seraient possibles ou sur les détails des politiques qui seront suivies. L’objectif, ajoutent-elles, est de soumettre une série d’options à la décision de May.

Pas question, précisent conseillers et ministres britanniques, de se livrer à des « commentaires permanents » sur l’état des discussions engagées avec les partenaires européens tant que la procédure de divorce n’aura pas été formellement enclenchée. « Il s’agit d’une négociation. Il n’est pas toujours bon de commencer par mettre toutes les cartes sur la table », souligne sa porte-parole.

Aussi, lorsque son ministre David Davis, chargé du Brexit, estime que l’appartenance du Royaume-Uni au marché commun européen est « très improbable », Theresa May le recadre-t-elle en disant qu’il a émis une opinion personnelle.

De même, quand un autre de ses ministres, Liam Fox, chargé du Commerce, laisse entendre que la Grande-Bretagne devrait quitter l’union douanière européenne, les services du 10 Downing Street font savoir qu’aucune décision n’a encore été prise.

Theresa May sait pertinemment que David Davis, Liam Fox et Boris Johnson, son ministre des Affaires étrangères, tous trois fervents partisans du Brexit, nourrissent aussi des ambitions personnelles.

La mise en scène du séminaire du 31 août au manoir de Chequers, où la télévision l’a filmée en train de donner des directives à ses principaux ministres, ne doit rien au hasard, relève un membre de la chambre des Lords qui y voit l’orchestration de sa mainmise sur les commandes.

« Et c’est une scène que l’on va revoir et revoir encore », prédit-il.

 

(par Elizabeth Piper. Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)