600 euros : Tragha raconte les déçus de la politique
Adnane Tragha met en scène la vie -et la survie- d’individus anonymes de banlieue, ceux qui gardent la tête hors de l’eau ou et ceux qui s’y noient, en devant composer avec « 600 euros » par mois, le revenu minimum. Le jeune réalisateur relate les difficultés et les interrogations du quotidien d’une frange sous-médiatisée de la société française, avec un film urbain, brut, et indépendant, orchestré par la bande-son de Ridan, consacré aux Victoires de la musique 2005.
600 euros : une galerie de personnages des banlieues
En pleine campagne présidentielle 2012, Marco, un ancien militant, a décidé cette fois de ne pas voter. Confronté à des problèmes d’argent et sentant sa vie lui échapper, il tourne peu à peu le dos à la politique. Alors qu’il s’imaginait vivre de sa musique, il se retrouve seul et endetté, ne survivant que grâce aux prestations sociales. Leila, une jeune étudiante pleine d’espoir va lui redonner confiance et goût de la politique. Le voisin de Marco, Jacques, un chômeur de longue date qui refuse de voir sa fille aux mains de Moussa, un noir sans papier, se laisse séduire par le discours de l’extrême droite en pleine expansion. Leïla, attendrie par ce solitaire, va se rapprocher de cet homme meurtri et le pousser à renouer les liens avec sa fille. Alors que le résultat du second tour proclame la gauche, chacun des personnages va vivre une soirée électorale qui changera pour toujours le cours de son existence.
Raconter l’histoire de ceux qui n’en ont pas
Cette mosaïque de personnages, des antihéros sans histoires, va vibrer d’un nouvel élan au rythme de la campagne présidentielle, du premier tour à la victoire de François Hollande. L’ambition d’Adnane Tragha n’était pas de faire un film militant, mais plutôt de dresser un tableau honnête de la banlieue : un quartier mixte, ou tous les profils trouvent à s’exprimer. « Je trouvais intéressant de mettre des visages sur les chiffres et les sondages dont tout le monde parlait à la télé ». Des profils de banlieusards tranquilles que les médias ne voient qu’en termes de statistiques et qui les enferment trop facilement dans les clichés habituels : chômeurs, délinquants, racistes, et abstentionnistes. Adnane Tragha décrit l’Ivry dans lequel il a grandi, en mêlant à la narration ses propres souvenirs à travers la psychologie des personnages, en prenant soins d’éviter les poncifs qui caractérisent trop souvent les banlieues.
Un réalisateur de terrain et un cinéaste à message
Adnane Tragha cite « Rocky » et Abdellatif Kechiche, et ne se revendique pas d’une culture cinématographique en particulier. Celui qui a fait ses armes en lançant sa boîte de production avec l’aide de Luc Besson se méfiait à ses débuts de la comédie car il préfère « faire passer des messages ». Dès la première scène, dans laquelle Marco brûle sa carte électorale, on comprend que « 600 euros » n’est pas un énième film « niais » sur la banlieue ni une fresque complaisante sur le multiculturalisme à la française. Le scénario tient d’abord en 3 lignes qu’Adnane a rapidement étoffé avec ses comédiens, pas tous professionnels, articulés autour d’une petite équipe. « Je n’avais pas de moyens quand j’ai commencé, c’est ce cinéma simple et engagé que j’ai voulu faire ».
Avec « 600 euros » il signe un film intelligent sur la relation entre la banlieue et la politique, en écho direct à l’actualité française et à la campagne présidentielle de 2017.
En salles le 8 juin 2016
Sources des photos : allocine.fr