Après l’esprit Canal et coloré... l’esprit banal et Bolloré ? Après l’esprit Canal et coloré... l’esprit banal et Bolloré ? Après l’esprit Canal et coloré... l’esprit banal et Bolloré ?
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Après l’esprit Canal et coloré... l’esprit banal et Bolloré ?

Publié le 12 août 2015,
par VisionsMag.
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A peine quelques jours après la disparition le 29 juin dernier d’Alain de Greef , figure emblématique de la chaine Canal +, la nouvelle s’ébruite comme une trainée de poudre : l’émission culte « Les Guignols de l’info » pourrait également voir son heure sonner. Un réel pavé dans la marre, alors que l’émission affiche une bonne audience avec près 1.8 millions de téléspectateurs quotidiennement, soit 8% des parts d’audience à 19h55.

La fin des Guignols ?

La nouvelle est tombée comme un couperet tout début juillet : Les Guignols pourraient ne plus être. Une information qui a secoué les fans des célèbres marionnettes, mais aussi le staff de l’émission. Employant 300 personnes – entre autres marionnettistes, scénaristes, maquilleuses ou imitateurs – uniquement pour les Guignols, Canal + venait même de racheter Images et Mouvements, l’entreprise qui fournissait les marionnettes pour l’émission et d’investir dans une nouvelle régie. La nouvelle tombe mal.

L’annonce a provoqué une vague d’émotion à la fois dans le cercle politique et au sein du grand public. Dès les premiers jours de juillet, une pétition intitulée « touche pas aux Guignols » déferle sur internet, et un groupe Facebook soutenant l’émission a été mis en place dans la foulée. Alain Juppé, qui pourtant n’a pas été épargné par les Guignols, a changé sa photo de profil twitter en la remplaçant par celle de sa marionnette. Cécile Duflot s’est aussi montrée solidaire en twittant un hommage aux Guignols. Suivant le mouvement de cette vague de solidarité, Cyril Hanouna, l’animateur phare de Direct8, avait même proposé de reprendre l’émission à son compte. Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions, lui avait emboité le pas.

Toutefois, malgré ces émois, aucune annonce officielle n’a été faite concernant la fin des Guignols. Vincent Bolloré, qui siège à la tête de Vivendi, la maison mère de Canal +, a tenté de faire face à cette secousse médiatique en annonçant le 3 juillet que l’émission serait maintenue mais que le format de celle-ci sera changé, probablement à hauteur d’une diffusion hebdomadaire et en crypté le dimanche – alors que jusqu’à maintenant la diffusion avait toujours été assurée en clair. Il semblerait que la prolongation sera effective seulement jusqu’à la fin de l’année 2015, date à laquelle le sort des Guignols sera véritablement tranché.

Une émission culte et critique…n’en déplaise !

Créée en 1988, l’émission satirique est véritablement devenue un programme incontournable de satire sociale et politique.

La chaîne a marqué sa génération par des critiques faites sans détour et toujours empreintes d’humour. Les Guignols ont été une véritable institution des années 90, avec pour point d’orgue l’élection présidentielle de 1995 et le slogan de Jacques Chirac « manger des pommes ». Au début des années 2000, les marionnettes n’avaient pas hésité à parodier les discussions téléphoniques animées entre Ben Laden, Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, ou l’agilité de Georges Bush lorsqu’il avait adroitement évité une chaussure lancée par une journaliste irakien.

Bertrand Méheut, le patron de Canal+, a souligné, lorsque la polémique a éclaté, que la chaîne a toujours tapé sur tous les partis à égalité, et assumé que « tout le monde considère que Canal est dans la caricature et souvent excessive, cela fait partie de notre ligne ».

Après l’esprit Canal et coloré... l’esprit banal et Bolloré ?
La polémique autour de la fin de l’émission culte des Guignols de l’info

La décision de Bolloré, ingérence politique en demi-teinte ?

L’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Vivendi a été pointée du doigt comme étant la raison pour la refonte des programmes de Canal +.

Président du conseil de surveillance du groupe depuis 2014, Vincent Bolloré n’a pas caché son intention de redéfinir la dynamique de la chaine jugée insatisfaisante et de refondre certains programmes. Lors d’une interview avec le journal britannique The Independent en février 2015, Bolloré avait déjà affirmé qu’il y avait parfois trop de dérision sur Canal +, commentant que « c’est quelquefois blessant et désagréable. Je trouve que se moquer de soi-même, c’est bien. Se moquer des autres, c’est moins bien ». Un signe avant-coureur ?

En effet, après la fuite de la rumeur que l’émission puisse s’éteindre après 27 années de diffusion a été secondée par deux annonces de taille le 3 juillet, démontrant la reprise en main de la chaîne par le groupe de Bolloré. La décision de suppression le Grand Journal, connu pour ses diatribes non dénuées d’ironie, a été rendue publique. Et Rodolphe Belmer, le directeur général Canal +, a été remercié pour ses services et remplacé par Maxime Saada, l’adjoint de Bolloré au sein de Vivendi. Et l’actuel président de la chaine Bertrand Méheut pourrait être très prochainement remplacé par Dominique Delport, dirigeant de la filiale Havas Média France, propriété du groupe Bolloré.

En filigrane de ces changements de direction et de stratégie au sein de Canal +, les critiques dénoncent une possible ingérence politique à peine masquée. En effet, Vincent Bolloré est un ami proche de Nicolas Sarkozy, à qui il avait gracieusement prêté son yacht en 2007 peu après l’élection présidentielle. Et l’ancien président ne semble guère apprécier sa caricature articulée. Il faut reconnaître que les Guignols n’y sont pas allés de main morte : moqué pour son style bling-bling, la démesure de ses dépenses et son incapacité à faire face à la crise financière, la marionnette de Sarkozy a été sous les feux des projecteurs pendant son mandat. L’entourage de Sarkozy a réfuté ces accusations, les déclarant grotesques et sans fondement.

Malgré l’annonce de Vivendi que les Guignols ont écopé d’un sursis jusqu’à la fin de l’année, la polémique continue d’enfler. La possible ingérence de Vincent Bolloré dans les médias et ses connivences politiques continuent de susciter l’indignation du grand public et ses membres de Canal +. « Avant il y a avait l’esprit Canal et coloré, maintenant c’est l’esprit banal et Bolloré » souligne avec une pointe d’humour un tweet de soutient à l’émission. Reste à voir si le groupe Vivendi va réellement toucher aux Guignols !

Références des images :www.secure.avaaz.org / www.leparisien.fr