Asgardia, le royaume de l’espace, va fêter son deuxième anniversaire
Une nation autoproclamée, sans territoire, mais dotée d’une constitution, d’un drapeau et d’un hymne national. Un président milliardaire promettant les étoiles à ses citoyens. Un projet de station orbitale et la volonté de faire évoluer le droit spatial. Bienvenue à Asgardia, le royaume qui rêve l’espace.
Naissance d’une nation imaginée par Igor Ashurbeyli
En 2016, Igor Ashurbeyli, un milliardaire russo-azerbaïdjanais, imagine un projet fou : fonder la première nation spatiale qui rassemblerait dans une totale fraternité des citoyens issus des cinq continents, tous unis autour d’un projet humaniste. Ce royaume, qui aurait pu passer à ses débuts pour un aimable canular, fait pourtant preuve d’un incroyable dynamisme, soutenu par près de 269.000 « citoyens » prenant part à chaque décision par le biais du site Internet qui leur est dédié.
Dernière actualité en date, et non des moindres : l’élection d’un président, qui n’est autre que M. Ashurbeyli, qui a été intronisé en grandes pompes lors d’une cérémonie qui s’est déroulé le 25 juin dans le prestigieux palais Hofburg de Vienne. La « nation » autoproclamée d’Asgardia se donne de nombreux objectifs : assurer la paix dans l’espace, faire évoluer le droit spatial, fédérer une communauté scientifique à même de protéger la Terre contre les menaces venues de l’espace, assurer à ses citoyens le libre accès à la science et leur garantir une totale égalité. A terme, Igor Ashurbeyli envisage la création de stations orbitales d’ici cinq à sept ans et, dans 25 ans, l’établissement d’une base sur la Lune.
Reconnaissance à l’ONU de la nation asgardienne
Comment appréhender cette nation asgardienne, qui montre tous les signes d’une utopie, mais qui a déjà enregistré plusieurs succès significatifs ? Le nombre et l’implication des sympathisants, issus de catégories socio-professionnelles allant de l’étudiant à l’ingénieur en aéronautique, apporte la preuve que le projet séduit. Certains de ses aspects permettent de soulever des questions judicieuses, comme la nécessité d’actualiser un droit spatial datant de 1967, ou la création de « Spacebook », un Internet mondial, gratuit pour tous.
Hormis les affaires internes au royaume, une première étape menant à la reconnaissance de la nation a été accomplie, puisqu’une demande officielle a été déposée à l’ONU. Jusqu’en 2017, l’absence de territoire empêchait une telle démarche, mais la mise sur orbite réussie, en septembre de cette même année, du minuscule satellite Asgardia-1 permet d’en poser les premiers jalons. L’affaire asgardienne parait donc sérieuse, même si sa vitrine, un site Web kitsch et désuet où alternent les reconstitutions 3D plus ou moins réussies et les vidéos low-cost, peine à convaincre. Les véritables intentions de son président-fondateur, quant à elles, font débat.
Igor Ashurbeyli antithèse d’Elon Musk et de Jeff Bezos
Igor Ashurbeyli n’est pas le premier milliardaire à être séduit par les étoiles. Longtemps restée l’apanage des agences gouvernementales, la conquête de l’espace s’est ouverte, ces dernières années, aux projets privés. Parmi les plus prometteurs (et les plus médiatiques), les Space-X d’Elon Musk et Blue Origins de Jeff Bezos sont pourtant aux antipodes des ambitions d’Igor Ashurbeyli. Tout comme leurs personnalités. A la flamboyance des deux Américains s’oppose la figure tranquille du docteur Ashurbeyli, dont le visage bonhomme s’orne d’une moustache blanche.
Cet ingénieur de 54 ans, loin d’être un excentrique, a fait fortune en 1988 lorsqu’il a fondé le conglomérat Socium, qui emploie 10.000 personnes à travers une trentaine d’entreprises. Il prend ensuite la tête de SPA Almaz qui, sous sa houlette, équipe la Russie de redoutables missiles balistiques. Spécialiste des questions aérospatiales, il devient consultant à l’ONU, tout en étant récompensé par l’UNESCO et par le gouvernement russe. Jusqu’à ce jour du 12 octobre 2016, où il déclare la fondation d’Asgardia, ainsi nommée en référence à Asgard, vaste domaine situé au centre du monde selon la mythologie nordique.
Quel futur pour la nation du futur ?
Jusqu’à présent, la majeure partie des frais liés à Asgardia, y compris le lancement de son premier satellite, ont été supportés par la fortune personnelle d’Igor Ashurbeyli. Si la citoyenneté, qui peut s’obtenir en quelques clics, est pour le moment gratuite, une contribution annuelle de 100 euros par an pourrait bientôt être demandée aux sympathisants du projet. De quoi gonfler les caisses de « l’Etat », qui pourra dès lors entamer ses projets de conquête spatiale.
L’avenir d’Asgardia passe aussi en grande partie par la reconnaissance de l’ONU qui, si elle devient effective, permettra à la nation d’établir des passeports, de créer sa propre monnaie tout en étant reconnue par les autres pays. Avec ses 268.816 citoyens, Asgardia se place, par sa population, au 171e rang des nations. Le futur de ce royaume spatial reste néanmoins fragile, puisque son avenir dépend à la fois d’une reconnaissance internationale, de l’implication de ses citoyens ainsi que des agissements de son président hors-normes.
Photos : theweek.co.uk / princefou.com / scmp.com / aedaen.com