La maison d’enchères Sotheby’s, dont le siège est à New York, fait peau neuve et change de direction, information qu’elle annonce dans un communiqué datant du 16 mars dernier. C’est sous l’influence de deux actionnaires de renom (Marcato Capital Management et Third Point Management) que William Ruprecht, directeur de Sotheby’s depuis 14 ans (35 ans au total dans la société) démissionne. La maison sépare alors les fonctions de directeur général et de président et place respectivement à leur tête Tad Smith et Domenico De Sole. Par ce choix stratégique, sous influence économico-financière, la maison Sotheby’s fait peau neuve. Sous quels visages?
Les deux actionnaires activistes, dont chacun possède 9,5% du capital de Sotheby’s, sont à l’origine de ces changements radicaux qu’effectue la maison centenaire. L’investisseur Daniel Loeb, actionnaire de Third Point Management et membre du conseil d’administration de Sotheby’s depuis 2014, définit la société de « vieux tableau de maître ayant désespérément besoin de rénovation ». Cette puissante métaphore propulse Tad Smith à la tête de Sotheby’s.
Agé de 49 ans, Tad Smith était, depuis 2014, directeur général de la société Madison Square Garden Compagny (MSG), spécialisée dans le domaine du sport et du divertissement et également propriétaire d’équipes sportives telles que les New York Knicks (basket) et les New York Rangers (hockey sur glace). De juin à décembre 2014, les bénéfices de cette société d’évènementiel ont plus que doublé, grâce à la direction de l’homme d’affaires. L’arrivée de Tad Smith à la tête de Sotheby’s bouscule les chiffres de Wall Street : Alors que l’action de cette-dernière gagne 1,11% à 40,98 dollars, le Madison Square Garden perd 1,34% à 77,15. Auparavant, Tad Smith avait déjà fait ses preuves au sein de sociétés de renom, telles que Cablevision (société de câbles), Reed Business Information (société d’édition spécialisée dans la presse d’informations professionnelles) ou encore Starkwood Hotels & Resorts (société spécialisée dans l’achat de biens immobiliers), attestant des qualités de l’homme considéré comme un businessman aguerri.
Tad Smith : un choix stratégique?
Selon David Schick, analyste pour la société Nicolaus & Co, Tad Smith est un pion dans le jeu stratégique des tous puissants investisseurs, affirmant que le nouveau directeur général de Sotheby’s apporte son expérience dans les affaires plutôt qu’une expertise dans l’art et le luxe, que la société, selon-lui, possède déjà. Le conseil d’administration de la célèbre maison d’enchères tend à prouver le contraire en certifiant que Tad Smith est le DG idéal pour la société, à l’image de son glorieux et bénéfique passé, et attestant de la passion de l’homme pour l’art, puisqu’il serait également collectionneur. Tad Smith affirme quant à lui qu’il utilisera son expérience passée afin « d’aider à développer et mettre en valeur la stratégie de croissance de Sotheby’s, d’accélérer l’adoption de nouvelles technologies, répartir le capital de manière efficace, et de conduire la création de valeur durable pour les actionnaires dans les prochaines années », propos approuvés par Domenico De Sole, nouveau président du conseil d’administration de la maison d’enchères.
Sotheby’s et Christie’s : la guerre des clans
Domenico De Sole, quant à lui, est connu pour avoir redoré le blason du célèbre maroquinier de luxe Gucci. Associé au designer Tom Ford, il est alors le patron de la marque italienne, elle-même étant le portefeuille du groupe Pinault, leader mondial de l’habillement et des accessoires, devenu Kering et appartenant à l’homme d’affaires François Pinault.
Les deux hommes vont avoir à se recroiser, cette fois-ci en désunion, puisque le concurrent direct de Sotheby’s, sa légendaire rivale Christie’s (non cotée), est la propriété du businessman français.
Ces bouleversements à la tête de Sotheby’s s’articulent autour d’une spéculation financière des deux actionnaires majoritaires de la maison américaine d’enchères. En effet, après avoir publié les chiffres d’affaire de huit derniers trimestres, ceux-ci se sont avérés inférieurs aux attentes de la communauté boursière. Sotheby’s est, selon certains, jugée à la traine en ce qui concerne le marché de l’art contemporain et le développement numérique. Christie’s, quant à elle, a également fait de maigres bénéfices, conséquences dues à la concurrence féroce qui s’articule autour des deux principales maisons américaines. L’éternelle concurrente de Sotheby’s a quant à elle nommé en décembre dernier le nouveau bras droit de M. Pinault, Patricia Barbizet, installée à la tête de Christie’s.
Un nouveau duel entre les deux maisons mythiques s’établit. Le nouveau directeur général de Sotheby’s, Tad Smith, va pouvoir faire ses preuves d’homme d’affaires talentueux pour redresser sa maison d’enchères et convaincre les actionnaires dont il dépend d’investir dans son capital. Le choix des activistes de placer un talentueux homme d’affaires plutôt qu’un amateur d’art passionné à la tête de Sotheby’s s’explique alors facilement, d’autant que Daniel Loeb est un investisseur extrêmement influent à Wall Street. De quoi redonner ses couleurs d’antan à la célèbre maison américaine d’enchères… Pour l’amour de l’ar(gen)t ?
Sources des photos :www.sothebys.com / artdependence.com