De meeting en meeting, la campagne Corbyn prend du souffle
READING, Angleterre (Reuters) – Jeremy Corbyn, que certains accusaient de conduire le Parti travailliste à la défaite la plus cinglante de son histoire aux élections législatives anticipées du 8 juin, attire les foules et remonte dans les sondages à une semaine du scrutin.
Avec pour slogan « For the Many, not the Few » (Pour les masses, pas l’élite), ce militant pacifiste de 68 ans habitué des petits meetings de province semble avoir trouvé son public.
Mercredi à Reading, à une soixantaine de km à l’ouest de Londres, un millier de personnes étaient venues l’écouter un jour de semaine. Certains étaient même perchés dans les arbres pour apercevoir le chef de file des travaillistes.
« C’est quelqu’un de normal, c’est ça qui plaît, à mon avis », disait Trish Whitham, une ancienne électrice des Verts. Elle avait fait un déplacement d’une heure pour venir le voir.
« Les gens se plaignaient qu’il était un peu négligé, alors il s’est un peu arrangé, mais (…) il ne va jamais se conformer à ce que les médias attendent de lui ».
La Première ministre conservatrice, Theresa May, a convoqué des élections législatives dans l’espoir d’obtenir une majorité renforcée à la Chambre des communes.
Les sondages lui prédisaient une victoire éclatante, au niveau de celle de Margaret Thatcher en 1983 ou de Tony Blair en 1997. Mais l’avance des conservateurs s’est considérablement réduite, passant de vingt à cinq points selon les sondages.
Après une seconde défaite successive aux élections législatives de 2015, le Parti travailliste a fait cap à gauche et placé à sa tête Jeremy Corbyn, un outsider qui avait réuni juste assez de parrainages pour être candidat.
BASE MILITANTE
En faisant renouer le Labour avec ses racines socialistes et en évacuant le programme pro-business de Tony Blair, Jeremy Corbyn a divisé les travaillistes.
Mais en attirant des milliers de jeunes militants et en faisant revenir l’aile gauche qui avait déserté Tony Blair, le député d’Islington North (Grand Londres) s’est créé une base fidèle qui l’a aidé à survivre à la tentative de reprise en main des modérés du Labour l’an dernier.
Son programme de nationalisation, de hausse des dépenses publiques et de pression fiscale accrue sur les ménages les plus aisés lui vaut un franc succès auprès d’une large frange de l’électorat.
« Le soutien pour le Labour parmi les jeunes a progressé, énormément progressé, mais la vraie question est de savoir si ces jeunes gens iront voter », estime John Curtice, politologue et président du British polling Council.
Depuis l’annonce des élections anticipées, Jeremy Corbyn s’est exprimé dans des dizaines de réunions publiques dans tout le pays, attirant des milliers de personnes mais restant pourtant discret dans des médias plus soucieux jusqu’à présent de savoir avec quelle marge Theresa May l’emporterait.
Cette dernière a pour le moment refusé tout débat télévisé face à Jeremy Corbyn, un choix vivement critiqué mercredi soir par son adversaire lors d’une émission organisée à Cambridge.
« Les conservateurs ont mené une campagne d’entre-soi mise en scène, et ont traité le peuple avec mépris », a-t-il dit, jugeant que le refus de participer à un débat était un signe de faiblesse de la part de Theresa May.
Selon un membre de sa campagne, Jeremy Corbyn opère une nette remontée dans l’opinion publique depuis l’entrée en vigueur des règles d’égalité de temps de parole, il y a un mois.
« Nous arrivons à montrer l’énergie et l’enthousiasme derrière sa campagne et derrière le programme », dit-il. « On est en train d’assister à des choses remarquables. »
(par William James. Julie Carriat pour le service français, avec Henri-Pierre André, édité par Gilles Trequesser)