La crise au Venezuela alimente la contrebande en Colombie
CUCUTA, Colombie (Reuters) – Depuis des mois maintenant, la crise économique pousse des milliers de Vénézuéliens à passer la frontière colombienne pour venir vendre à Cucuta et ses environs un peu de tout – des oranges, de la mayonnaise ou encore des bougies.
Les prix en contrebande qu’ils offrent sont si bas que les commerçants de Cucuta ayant pignon sur rue commencent à s’inquiéter d’une concurrence perçue comme déloyale.
La crise politique, économique et sociale que traverse depuis quatre ans le Venezuela – inflation record, pénuries de denrées de première nécessité, malnutrition – fait que le nombre de vendeurs vénézuéliens dans les rues de Cucuta semble grossir à vue d’oeil.
Longue de 2.220 km, la frontière entre le Venezuela et la Colombie est notoirement poreuse et la contrebande y est fréquente, depuis des décennies.
Ce qui est nouveau, c’est le va-et-vient quotidien de milliers de Vénézuéliens qui vivent dans des conditions précaires à San Antonio, juste en face de Cucuta.
Beaucoup d’entre eux ont quitté famille et enfants quelque part au Venezuela pour tenter leur chance à Cucuta et gagner quelques pesos vite convertis au marché noir en dollars.
MOITIÉ PRIX
Albert Rodriguez, 22 ans, est de ceux-là. Originaire de l’Etat de Lara, dans le nord-ouest du pays, il dort dehors sur une bâche en plastique. En Colombie, il vend du café mais n’a pas à ce jour rassemblé assez d’argent pour pouvoir en envoyer à sa femme, qui s’occupe de leur petite fille encore bébé.
« C’est vraiment dur, parce qu’il y a tellement de Vénézuéliens », raconte-t-il. « Parfois, j’en ai les larmes aux yeux parce que je me sens si démuni. »
Dès l’aube, ils sont des centaines à se presser autour des autocars qui les emmèneront à la frontière. Il faut la plupart du temps patienter des heures pour trouver une place.
Puis c’est la délicate traversée à pied de la frontière physique, dans l’espoir que ce jour-là les gardes frontaliers ne demanderont pas un petit « geste ».
Une fois à Cucuta, c’est de nouveau le bus, pour aller dans les quartiers périphériques.
Par exemple dans celui de La Libertad, planté à flanc de colline, où il n’est pas rare de voir des centaines de Vénézuéliens faire du porte-à-porte pour offrir qui des insecticides, qui des paquets de céréales ou des fruits.
Les prix de ces produits sont en moyenne la moitié de ce qu’ils coûtent dans les magasins colombiens.
Marlon Carrillo, 21 ans, a abandonné ses études universitaires et vend des fruits à la sauvette, citrons, fraises, bananes, ananas, qu’il porte dans son sac à dos.
« Je voudrais étudier mais je veux aussi vraiment m’en sortir, alors je travaille pour que ma famille ne meure pas de faim », dit-il.
(par Anggy Polanco. Gilles Trequesser pour le service français)