Le camp présidentiel revendique la victoire en Equateur
QUITO (Reuters) – Lenin Moreno, dauphin du président socialiste sortant Rafael Correa, a revendiqué la victoire à l’élection présidentielle organisée dimanche en Equateur mais son adversaire soutenu par la droite, l’ancien banquier Guillermo Lasso, a contesté les résultats et réclame un nouveau décompte.
Selon les derniers chiffres communiqués lundi matin par la commission électorale, Lenin Moreno a récolté 51,15% des suffrages contre 48,85% pour son rival. Ces résultats portent sur le dépouillement de près de 99% des bulletins.
Mais Lasso, qui s’était déclaré victorieux sur la base d’un sondage réalisé à la sortie des urnes, ne reconnaît pas ces résultats. « Ils ont franchi une limite », a réagi le candidat conservateur devant ses partisans réunis dans un hôtel dans sa ville de Guayaquil, sur la côte. « Nous allons défendre la volonté du peuple équatorien face à cette tentative de fraude », a-t-il ajouté.
L’ancien président de Banco de Guayaquil (1994-2012) s’étonne notamment de la rapidité avec laquelle les résultats ont été annoncés quand il avait fallu plusieurs jours après le premier tour, le 19 février.
Plusieurs centaines de ses partisans se sont rassemblés devant les locaux de la commission électorale aussi bien à Quito, la capitale, qu’à Guayaquil, en agitant des drapeaux de l’Equateur tout en scandant « Non à la fraude » et « Nous ne voulons pas être le Venezuela ».
La police de Guayaquil a tiré des grenades lacrymogènes pour empêcher des manifestants de briser un cordon de sécurité devant les locaux de la commission électorale, a rapporté un journaliste de Reuters.
« LA RÉVOLUTION A UNE NOUVELLE FOIS TRIOMPHÉ EN EQUATEUR »
La victoire de Moreno, l’hériter de Rafael Correa, interrompt le mouvement de balancier à l’oeuvre en Amérique latine où la droite est revenue au pouvoir en Argentine, au Brésil et au Pérou.
Le président vénézuélien Nicolas Maduro, lui-même accusé de pratiques dictatoriales par ses opposants dans un pays en pleine crise économique, a multiplié les messages de félicitations pour Lenin Moreno sur Twitter.
« La révolution citoyenne a triomphé. Le socialisme du XXIe siècle triomphe toujours », a-t-il notamment écrit.
Ignorant la contestation, Lenin Moreno a célébré dès dimanche soir les résultats de l’élection avec ses partisans.
« A partir de maintenant, travaillons pour le pays! Nous tous! », a-t-il lancé à la foule de ses soutiens rassemblée à Quito. Aux côtés du chef de file de la gauche, en fauteuil roulant depuis qu’il a été blessé par balles dans une attaque à main armée en 1998, figuraient son colistier et actuel vice-président Jorge Glas ainsi qu’un Rafael Correa radieux.
« La révolution a une nouvelle fois triomphé en Equateur », a tweeté ce dernier, qui a annoncé qu’il s’installerait en Belgique, le pays de son épouse, à l’issue de son mandat. « La droite a perdu, malgré ses millions et ses médias. »
MARGE ÉTROITE
Au premier tour, le 19 février, l’ancien vice-président, de 2007 à 2013, est arrivé en tête avec 39,35% des voix; il ne lui aurait fallu que 40% pour être directement élu et s’épargner un second tour qui s’annonçait plus difficile du fait des reports de voix anticipés.
Après une décennie de « socialisme corréiste », et sur fond de récession économique liée à la baisse des cours du pétrole, les électeurs devaient trancher entre la poursuite des politiques du président sortant que portait Lenin Moreno, âgé de 64 ans, ou la rupture libérale qu’entendait mener Guillermo Lasso.
« La marge de victoire de Moreno est bien plus étroite que celle de son prédécesseur Rafael Correa, ce qui le place dans une position beaucoup plus faible », estime John Polga, politologue à l’US Naval Academy.
Le successeur de Correa, ajoute-t-il, pourra certes compter sur une majorité parlementaire. L’Alianza Pais, le parti de Correa, est restée majoritaire à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives qui avaient lieu le même jour que le premier tour de la présidentielle.
« Mais, poursuit-il, son gouvernement devra faire face à des restrictions budgétaires, une économie stagnante et le poids de la reconstruction après le tremblement de terre d’avril dernier. »
Le séisme d’une magnitude de 7,8 qui a frappé l’Equateur le 16 avril dernier en avril 2016 a fait plus de 650 morts, des milliers de blessés et détruit des milliers de bâtiments le long de la côte Pacifique. Les dégâts ont été estimés alors entre deux et trois milliards de dollars.
(par Alexandra Ulmer et Alexandra Valencia. Avec Yury Garcia, Daniel Tapia, et Henry Romero à Guayaquil et Jose Llangari et Marian Bazo à Quito; Henri-Pierre André et Bertrand Boucey pour le service français)