Les Européens invitent les Britanniques à assumer leur choix
BRUXELLES (Reuters) – Les dirigeants européens, réunis à Bruxelles pour la première fois depuis la victoire du Brexit au Royaume-Uni, ont pris acte du départ annoncé des Britanniques de l’Union européenne, qui entend laisser Londres supporter les conséquences, notamment économiques, de ce choix historique.
Aux dires des participants, l’émotion était palpable mardi soir lors du dîner des Vingt-Huit, le dernier auquel participait David Cameron. Mais l’atmosphère était également assez fraîche bien que polie, ont rapporté diplomates et responsables européens.
Tous étaient d’avis autour de la table que le Premier ministre britannique avait creusé sa propre tombe en participant au « Bruxelles bashing » en vogue depuis des dizaines d’années de l’autre côté du Channel. « Ne soyez pas surpris que vos concitoyens vous croient », lui a lancé Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.
« La Grande-Bretagne quittera l’Union européenne mais nous ne tournerons pas le dos à l’Europe », a dit pour sa part le chef du gouvernement britannique, qui quittera son poste au plus tard le 9 septembre.
L’initiateur du référendum du 23 juin a expliqué que son pays voulait trouver la meilleure forme de partenariat possible avec l’UE, jugeant toutefois impossible d’avoir « tous les bénéfices sans coûts », contrairement à ce qu’avaient laissé entendre les partisans de la sortie de l’Union.
David Cameron a confirmé qu’il laisserait le soin à son successeur au 10, Downing Street d’activer l’article 50 du traité européen de Lisbonne, déclencheur du processus de négociations formelles.
AUCUN RETOUR EN ARRIÈRE
Du président du Conseil européen, Donald Tusk, à la chancelière allemande, Angela Merkel, en passant par Jean-Claude Juncker, les dirigeants européens ont affirmé qu’aucune négociation ne pourrait débuter avec Londres avant la notification du départ du pays de l’UE.
Le temps presse, insistent les Vingt-Sept même s’ils ne sont pas tous sur une même ligne quant à l’urgence qu’il y a d’activer l’article 50 et d’enclencher la procédure.
« Nous n’avons pas des mois à méditer sur l’ouverture des négociations de retrait du Royaume-Uni », a souligné Jean-Claude Juncker, tandis qu’Angela Merkel a dit n’envisager aucun retour en arrière de Londres sur sa décision. « Nous devons tous regarder la réalité de cette situation. L’heure n’est pas à prendre nos désirs pour des réalités », a-t-elle dit.
Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dont le pays assure la présidence semestrielle tournante de l’UE, a estimé qu’il fallait peut-être laisser du temps au Royaume-Uni pour qu’il se remette du choc de jeudi dernier. « L’Angleterre s’est effondrée politiquement, monétairement, constitutionnellement et économiquement. Il n’est pas raisonnable d’exiger d’eux qu’ils déclenchent l’article 50 », a-t-il dit.
Les dirigeants européens se réuniront mercredi sans les Britanniques pour réfléchir à une nouvelle impulsion au projet européen après le coup de tonnerre de la victoire du Brexit.
François Hollande a pour sa part d’ores et déjà posé les conditions des futures relations entre l’UE et le Royaume-Uni.
La Grande-Bretagne, a-t-il prévenu, devra accepter les quatre libertés de circulation – des personnes, des capitaux, des biens et des services – si elle veut conserver l’accès au marché intérieur européen et le « passeport » pour ses banques.
Pour le président français, le Royaume-Uni supportera l’essentiel des conséquences économiques négatives de la sortie de l’Union, que l’Europe peut éviter grâce à l’action de la Banque centrale européenne (BCE) et des Etats.
EFFETS MOINS NÉGATIFS QUE REDOUTÉ, DIT DRAGHI
Selon le président de la BCE, Mario Draghi, cité par Donald Tusk, les effets d’un Brexit devraient être moins négatifs pour la zone euro que redouté.
D’après un autre responsable de l’UE, Mario Draghi partage l’avis d’économistes du secteur privé qui estiment globalement de 0,3% à 0,5% l’impact négatif du Brexit sur la croissance de la zone euro sur les trois prochaines années.
Politiquement aussi, les choses s’accélèrent, et des scénarios alternatifs commencent à naître.
La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, sera mercredi à Bruxelles pour évoquer les moyens d’obtenir le maintien dans l’Union européenne de l’Ecosse, qui a voté à 62% pour le maintien dans le bloc communautaire.
Jeremy Hunt, ministre britannique de la Santé et candidat à la succession de David Cameron, a évoqué quant à lui un deuxième référendum sur le maintien dans l’Union si Bruxelles autorise Londres à contrôler totalement ses frontières, ce qui semble pour l’instant exclu.
La France, l’Allemagne et l’Italie – pays fondateurs de la Communauté européenne et les plus peuplés – sont convenus lundi de la nécessité de relancer l’UE dans les domaines de la sécurité, de la croissance, ainsi que l’harmonisation fiscale et sociale dans la zone euro.
Ils proposent la tenue d’un sommet des Vingt-Sept en septembre pour adopter des projets concrets à mettre en oeuvre dans les six mois.
Pour François Hollande, il est essentiel d’agir pour « éviter que des partis extrémistes », dont l’influence grandit en Europe, « puissent utiliser la colère qui quelquefois est là ».
(par Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey. Avec la rédaction européenne de Reuters, édité par Henri-Pierre André)