Jean-Jacques Bourdin : populiste ou populaire ?
Animateur vedette de RMC, Jean-Jacques Bourdin n’en finit pas de faire le buzz. L’homme qui se plaît à dénoncer la France des apparatchiks, des bobos et des intellectuels est souvent attaqué sur le thème de son accointance avec le Front National. Une insinuation qui le met hors de lui.
Jean-Jacques Bourdin, journaliste vedette de RMC, roule-t-il pour Marine Le Pen ? Voilà en substance, la question que lançait Nicolas Canteloup dans sa chronique du 10 septembre 2014 sur Europe 1. L’humoriste avait alors rebaptisé RMC : « Radio Marine Championne ».
Un coup de boule
Un jeu de mot que Jean-Jacques Bourdin a peu gouté. « Ce Canteloup commence à me fatiguer », lance-t-il au micro de RMC le lendemain. « Si ça continue, je réagirais comme un mec», enchaîne-t-il furieux. Et de préciser : « j’irais l’attraper au collet ». L’échange d’amabilités fait aussitôt le buzz. Jean Marc Dumontret, le producteur de Nicolas Canteloup, s’indigne sur Canal+ : « on ne peut pas menacer physiquement quelqu’un comme ça». Gérard Depardieu, sur Europe1, livre sa méthode : « il faut régler cela avec la tête ». « Réfléchir ? » lui demande un journaliste. « Non, réplique aussitôt l’acteur, il faut mettre un coup de boule ».
Une médecine que Jean-Jacques Bourdin ne désavouerait peut-être pas. Car dès qu’il s’agit d’indépendance journalistique, l’animateur devient sanguin. Le 4 juin 2014, Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblé nationale, le soupçonne en direct d’orienter ses questions. « Je ne vous fais pas confiance », déclare le député. Jean-Jacques Bourdin menace aussitôt d’arrêter l’interview.
Chauffeur-livreur, joueur de poker et animateur radio
Jean-Jacques Bourdin se qualifie lui-même d’ « homme libre ». C’est le titre de l’autobiographie qu’il a publié en 2014 aux éditions du Cherche-Midi. Se disant volontiers « anar », Jean-Jacques Bourdin revendique un parcours d’autodidacte. Né à Colombes en 1948, il obtient un baccalauréat littéraire en 1967. Il enchaine alors une longue série de petits boulots : représentant en assurance, chauffeur-livreur, joueur de poker. En 1975, il entre à RTL comme stagiaire. Dans un monde où l’on affiche souvent un passage à Sciences Po, ses années de porte-à-porte lui donnent un air de franc-tireur. Sa gouaille, son ton direct, vont le servir. En quelques années, il devient une figure incontournable de la radio. Notamment comme rédacteur en chef et présentateur du journal de la mi-journée sur RTL.
La rançon du succès
C’est en arrivant en 2001 à RMC que l’image de Jean-Jacques Bourdin se voit peu à peu associée au mouvement de Marine Le Pen. Nicolas Canteloup n’est pas le premier à y faire allusion. En avril 2014, Jean-Luc Mélenchon accuse en direct RMC et Jean-Jacques Bourdin d’être trop proches du FN. « Pour une fois que ce n’est pas le Front National qui parle ici », déclare le responsable du Front de Gauche. Pourtant Jean-Jacques Bourdin joue la carte de transparence. Quand ses confrères préservent jalousement le secret sur leurs sympathies politiques, lui affiche ses opinions. Il déclare avoir voté Bayrou en 2007 et Hollande en 2012. Mais rien n’y fait.
Jean-Jacques Bourdin paie peut-être la rançon du succès. Animateur vedette de RMC, il symbolise à lui seul la réussite de cette radio au format unique dans le paysage médiatique français. Une radio consacrée pour moitié à la politique et pour l’autre au sport. L’idée centrale : ouvrir l’antenne aux auditeurs 24 heures sur 24. Un concept qui provoque une grande incrédulité lorsqu’Alain Weil, propriétaire de la radio, le lance au début des années 2000. D’autant que pour le servir, RMC engage une équipe d’animateurs aux profils inattendus. Un ex joueur de football, Luis Fernandez. Un ex-futur entraineur, soupçonné dans des affaires de baronnage et de commissions occultes, Rolland Courbis. Une ex star du porno, Brigitte Lahaie. Peu de confrères voient dans cette bande d’ex, l’avant-garde conquérante de la radio du futur.
Des fonds au Panama
Mais la formule est payante. RMC fait un tabac. En 10 ans, la radio passe d’une part d’audience infime à 4,33 millions d’auditeurs quotidiens (sondage Médiamétrie de janvier 2014). Elle se place même au premier rang des radios généralistes pour les moins de cinquante ans. Du jamais vu ! Invités à s’exprimer sur l’actualité, les auditeurs s’approprient l’antenne. Le vécu, les coups de gueule, les envolées rageuses, les colères, les détresses occupent les ondes.
Pour certains, cette omniprésence de l’émotion n’est rien moins que du populisme. Une manière de se servir de la détresse et des difficultés des auditeurs pour faire de l’audience. Dans un article de juin 2013, le journal les « Inrockuptibles » parle de démagogie. Quand Jean-Jacques Bourdin s’attaque aux conférences de Nicolas Sarkozy payées par la banque Goldman Sachs, le magazine rappelle que le fonds Alpha Développement Finance, l’un des bailleurs de fond de RMC, a installé son siège au Luxembourg, avec des filiales au Panama. Ce fonds est même associé à Wendel, la holding du baron Ernest-Antoine Seillière, ex patron du Medef. On est assez loin de l’artisan, du petit patron et de l’agriculteur, chers à Jean-Jacques Bourdin.
Des alliés inattendus
Populiste, démagogue… le rapprochement avec le mouvement de Marine Le Pen est rapidement opéré par certains. D’autant que les thèmes favoris des auditeurs ressemblent souvent à un copié/collé du programme du FN : insécurité, immigration, corruption… Faut-il pour autant, comme nous y invite Nicolas Canteloup, accréditer l’idée d’une radio de connivence ?
C’est du côté du service public que Jean-Jacques Bourdin va trouver ses meilleurs défenseurs. « Pro, singulier, non formaté, populaire et de qualité», l’hommage ne vient pas d’un producteur de Radio Courtoisie, mais de Nicolas Demorand lorsqu’il animait les matinales de France Inter. «Jean-Jacques Bourdin possède l’exigence des grands journalistes», la reconnaissance arrive cette fois-ci par la voix de Marc Voinchet, présentateur de la matinale de France Culture. France Culture en avocat de RMC ! Voilà sans doute un cas de figure inattendu pour l’homme qui se plaît tant à pourfendre les intellectuels. Parfois les hommages sont bien embarrassants.
Sources des photos: www.bobards-dor.fr / www.non-stop-people.com /