La Crimée...châtiments? La Crimée...châtiments? La Crimée...châtiments?
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La Crimée...châtiments?

Publié le 21 mai 2015,
par VisionsMag.
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Le 11 mars 2014, le parlement de Crimée a déclaré l’indépendance de la nouvelle République de Crimée. Une semaine plus tard, à l’issu d’un référendum, Moscou a annoncé que la jeune république et la ville de Sébastopol étaient désormais rattachées à la grande Fédération de Russie. Une annexion unilatérale non reconnue par les pays occidentaux sans que cela n’émeuve plus que cela Vladimir Poutine. Un nouveau pays, une nouvelle langue officielle, une nouvelle monnaie … La Crimée autrefois sous l’autorité de Kiev a connu bien des mutations depuis son rattachement à la « mère patrie », il y a un an de cela. Qu’en est-il réellement de la situation sur place aujourd’hui? Zoom sur cette région aux confins de l’Europe presque coupée du monde extérieur.

Si les habitants de Crimée ont accordé leur confiance à Moscou cela est en partie dû à son histoire. En effet la Crimée était russe depuis quatre siècles. Elle est composée d’une majorité de Russes dit « de souche » (60% de la population) et est russophone à plus de 80 %. Difficile ainsi de contester son lien fraternel avec ce qu’il reste aujourd’hui de l’Empire des Romanov.

97%, c’est le score par lequel les électeurs de Crimée ont approuvé, lors d’un référendum, leur rattachement à la Russie. Un chiffre écrasant, synonyme d’un changement radical et notamment d’une rupture territoriale avec l’Ukraine. Un chiffre fort, témoin d’une ferveur populaire qui n’a pas dépéri dans la conscience des habitants de Crimée depuis près d’un an. Pour beaucoup d’entre eux comme pour des intellectuels et spécialistes de la région, la Crimée est belle et bien redevenue russe et cela ne changera pas… du moins sans qu’une guerre s’en suive.

La croyance ultime en un eldorado russe

Pour beaucoup de Criméens, cette union historique avec la Russie était gage de prospérité. Dans une des régions qui fut parmi les plus pauvres d’Ukraine et même d’Europe, l’espoir d’un avenir meilleur était dans tous les esprits. Une amélioration de leur condition de vie qui se résumait pour beaucoup en l’augmentation des pensions plus importante en Russie qu’en Ukraine, un système social plus protecteur … La réalité est toutefois moins flamboyante que ne fut les espérances et l’inflation continue de gagner du terrain. L’embargo dont est victime la Crimée du fait des sanctions internationales a conduit la péninsule à se tourner essentiellement vers son nouvel État. Aux produits européens allant des parfums français aux voitures allemandes se sont substitués les marques russes en tout genre. Oui mais voilà, la frontière entre la Russie et la Crimée est en réalité inexistence, du moins il n’existe aucune bande de terre mitoyenne entre le continent et la Crimée. Unique point de passage, Kertch, port où les ferries se succèdent les uns à la suite des autres dans le brouillard de ces lointaines contrées glaciales situées entre la Mer d’Azov et la mer Noire.

Une situation problématique qui a poussé Vladimir Poutine à entreprendre la construction d’un pont monumental entre les deux régions. Un projet pharaonique estimé à 2,84 milliards d’euros attribué à un proche du président russe, Arkadi Rotenberg à la tête du groupe Stroïgazmontaj. Un projet titanesque datant déjà de l’ère soviétique. La Crimée n’est pas une victoire sans peine pour la Russie. D’autant plus qu’elle était dépendante en énergie, à hauteur de 80%, de l’Ukraine. Quoi qu’il en soit la Crimée est aujourd’hui financée à 85% par la Russie, un fardeau utile tant la Crimée s’avère géopolitiquement une région sensible.

Les Criméens, ces citoyens russes

Au revoir l’Ukraine, le drapeau bleu et jaune. Désormais c’est le drapeau tricolore russe qui flotte sur tous les bâtiments officiels. Le rouble a fait son retour comme monnaie officielle. La hryvnia ukrainienne est toutefois encore utilisable jusqu’au 1er janvier 2016. Les passeports ont aussi changé de teint ! Fini le carnet bleu horizon, les habitants de la Crimée russe se sont précipités en masse vers les bureaux administratifs pour quémander le passeport marron à l’aigle bicéphale. D’autant plus qu’un visa est maintenant nécessaire pour aller en … Ukraine ! Une problématique majeure pour les familles ayant des parents des deux côtés de la frontière. Autre point manifeste du changement de souveraineté, le service militaire alors aboli en Ukraine depuis 2003 revient à l’honneur pour les jeunes Criméens dont la plupart ont été affecté au Daguestan et en Tchétchénie.

Le parlement de Crimée, où il était inscrit ses lettres sur le fronton dans les trois langues de la péninsule, se voit désormais gravé par l’inscription en russe, exclusivement, « Parlement de la République de Crimée ». Les trois langues de la Crimée ukrainienne étaient il y a encore plus d’un an l’ukrainien, le russe et le tatare.

Les Tatares, communauté de confession musulmane, représentant près de 12% de la population en Crimée sont, depuis le retour des Russes, sous étroite surveillance. En cause : leur méfiance originelle et historique à l’égard des Russes, leur opposition à l’annexion de la Crimée par la Russie et le soutien de leurs représentants politiques à la Tchétchénie. Autant d’éléments qui ont entrainé une vive prise de position de la part de Moscou et l’arrestation de nombre d’entre eux selon Human Rights Watch.

La Crimée...châtiments?
La Crimée, qui est désormais passée sous la souveraineté russe, a été marquée par de nombreux changements, notamment le quotidien et les perspectives de ses habitants. Etat des lieux.

Quel avenir pour la Crimée ?

Une situation plus que complexe règne désormais en Crimée. Malgré un sentiment de fierté nationale inébranlable sans l’ombre d’un regret en ce qui concerne le rattachement à la Russie, force est de constater que les Criméens sont dans une situation des plus inconfortables. Entre coupure nette avec l’Ukraine mais aussi avec l’extérieur (plus de liaisons ferroviaires internationales et seules les avions des compagnies aériennes russes sont habilités à atterrir) ainsi qu’une situation économique difficile, de vives tensions sont toujours bien présentes.

Alors que les plus fervents nationalistes ukrainiens considèrent toujours la Crimée comme ukrainienne, Moscou n’entend pas lâcher ce territoire d’une importance stratégique capitale après un si âpre combat. Outre une démonstration de force au monde pour rappeler que la grandeur de la Russie n’a nullement perdu de sa superbe, cette annexion de la Crimée est en outre un message fort pour rappeler aux Occidentaux que la Russie ne se fera pas marcher sur les pieds.

Le Kremlin fera tout ce qui est en ses capacités pour entretenir un rapport de force qui lui demeurera favorable à long terme, notamment dans un contexte qui rappelle inexorablement la guerre froide.

Sources des photos: www.geoado.com / www.thinglink.com