La place des femmes en question au CES à Las Vegas La place des femmes en question au CES à Las Vegas La place des femmes en question au CES à Las Vegas
Actualités

La place des femmes en question au CES à Las Vegas

Publié le 8 janvier 2018,
par Reuters.
Partager
()

SAN FRANCISCO (Reuters) – Le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, premier grand rendez-vous de l’année pour l’industrie technologique, ouvre ses portes mardi sans femme parmi les principaux intervenants prévus ni le code de conduite que beaucoup appellent de leurs voeux pour proscrire le harcèlement sexuel dans ce secteur très largement masculin.

Le salon, où 200.000 visiteurs sont attendus, est la vitrine mondiale de l’électronique grand public, allant des téléviseurs aux voitures connectées en passant par l’internet des objets.

Mais le programme dévoilé par les organisateurs le mois dernier montre que toutes les grandes prises de parole – les « keynotes » – seront le fait d’hommes blancs, ce qu’ont déploré des sociétés high tech comme Twitter.

Se trouve ainsi posée à nouveau la question de la place des femmes, six mois après des accusations de harcèlement sexuel à Uber Technologies et dans le petit cercle des investisseurs de la Silicon Valley.

« Le fait que ce large rassemblement mondial de la haute technologie ignore complètement la question montre sa surdité et son irresponsabilité », accuse Liliana Aide Monge, directrice de l’école de codage Sabio en Californie, qui boycotte le CES pour la deuxième année consécutive afin de dénoncer l’absence d’intervenants féminins ou issus des minorités.

Les organisateurs du CES plaident la bonne foi en assurant vouloir diversifier leur palette d’intervenants mais n’avoir pas trouvé de femme suffisamment haut placée.

« Pour prononcer un keynote au CES, l’intervenant doit diriger (au niveau de président ou directeur général) une large entité reconnue par l’industrie », explique Karen Chupka, qui supervise l’organisation du salon en sa qualité de vice-présidente de l’association professionnelle CTA (Consumer Technology Association).

« Aussi dérangeant cela soit-il, le pool est très limité quand il s’agit de femmes occupant ces positions. Nous comprenons votre malaise. Cela nous gêne aussi. L’industrie technologique et tous les autres secteurs doivent faire mieux », fait-elle valoir dans une récente communication sur un blog.

Le CES ne produira pas davantage de code de conduite comme en ont adopté d’autres grands salons professionnels, du secteur high tech ou non, établissant des règles claires pour tous les participants afin d’éviter les mauvais comportements.

« Il est très regrettable que le CES n’ait pas de code de conduite », déplore Y-Vonne Hutchinson, fondatrice de ReadySet, un cabinet de conseil axé sur la diversité. « Ils ont beaucoup d’influence. S’ils n’en profitent pas pour promouvoir la diversité et l’inclusion, cela revient à communiquer au reste du secteur que ce n’est peut-être pas aussi nécessaire que cela. »

 

LE PRÉCÉDENT FINLANDAIS DE 2016

L’effet de ces codes de conduite sur la tonalité et la sécurité des rassemblements professionnels n’a fait l’objet d’aucune étude mais plusieurs d’entre eux, y compris la réunion des hackers DEF CON, la conférence CoreOS Fest et le Cloud Foundry Summit ont dit avoir écarté des participants après des accusations de harcèlement.

L’enjeu est important pour l’industrie des high techs après les affaires d’Uber et de la Silicon Valley qui ont terni l’image du secteur en 2017.

Sans avoir édicté de règles, les organisateurs du CES assurent qu’ils excluront toute personne ayant un mauvais comportement. « Nous avons le droit à tout moment de révoquer un badge ou d’exclure un individu », assure la CTA.

Le CES note qu’aucun comportement répréhensible ne lui a été signalé ces dernières années, mais des femmes ayant vécu des situations désagréables au salon ont dit à Reuters qu’elles ne se sont pas fait connaître car elles ne savaient pas que cela était possible, ou parce qu’elles s’étaient résignées.

En guise de premier pas, le salon va inaugurer cette année une application de sécurité qui permettra aux participants de signaler des problèmes, qu’il s’agisse d’une agression ou d’un ascenseur défaillant. Même non spécifiquement conçue pour cela, l’app pourra servir à dénoncer des cas de harcèlement et le CES dit qu’il veillera à ce que ses juristes soient informés.

Le besoin d’un code de conduite est devenu manifeste au salon Slush des start-ups en Finlande en 2016, quand de nombreuses femmes s’étaient plaintes de mauvais comportements de participants mâles et accessoirement du sexisme des investisseurs présents qui n’étaient intéressés que par les entrepreneurs hommes.

L’année suivante, le salon finlandais a doublé ses moyens de sécurité, formé son personnel aux situations de harcèlement et institué un code de conduite qui rendait notamment obligatoire le port d’un badge nominatif afin de faciliter l’identification des harceleurs.

Une approche similaire a été adoptée par certains acteurs de l’industrie high tech américaine. Dreamforce, l’événement organisé par Salesforce.com qui est le deuxième plus important du secteur aux Etats-Unis après le CES, a dès 2014 imposé un code de conduite, imité en 2016 par le festival de cinéma et de musique South by Southwest (SXSW).

Les importantes conférences organisées par Oracle et RSA Security n’imposent pas en revanche de code de conduite.

Reste à voir si l’attitude du CES le pénalisera.

Pour Liz Lopez, une spécialiste du marketing high tech qui a participé à plusieurs salons à Las Vegas, la réputation d’excès de la capitale américaine du jeu est aussi en cause.

« Les gens sont souvent tentés de dépasser les limites de la bienséance quand ils sont à Vegas », dit-elle.

 

(par Salvador Rodriguez et Paresh Dave. Véronique Tison pour le service français)