La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ? La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ? La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ?
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La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ?

Publié le 19 avril 2019,
par VisionsMag.
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Peut-on déjà retourner visiter la Syrie en tant que simple touriste ? Cette question peut paraître surprenante mais elle vient d’être soulevée par le voyagiste Clio, spécialiste dans l’organisation de tours à l’étranger. Clio propose des sorties en Syrie depuis 1980 mais les a suspendues en 2011 lorsque la guerre a éclaté avant de les proposer à nouveau en 2019, après un conflit de huit ans qui a coûté la vie à plus de 360.000 personnes.

Le ministère français des Affaires étrangères « déconseille formellement tout déplacement en Syrie, quel qu’en soit le motif et quelle qu’en soit la destination. Le risque d’attentat terroriste et d’enlèvement à des fins politiques ou crapuleuses y est majeur ». Cet avertissement officiel ne semble toutefois pas effrayer le premier groupe constitué d’une vingtaine de personnes qui devrait fouler le sol syrien au printemps 2019. Cinq autres groupes sont aussi prévus d’ici à l’automne.

La sécurité au cœur de la polémique

Il s’agit d’un voyage itinérant d’une dizaine de jours où les touristes circulent en bus privé et logent dans des hôtels. Le but est de visiter des sites incontournables comme Damas, Palmyre, le village chrétien Maaloula ou le Krak des chevaliers. Le tarif du séjour est d’environ 3000 euros tout compris, l’assurance multirisque pour le rapatriement ou les assistances n’est pas obligatoire et le petit groupe devra à certains endroits être encadré par des escortes policières.
Pas de quoi toutefois semer la panique chez le directeur adjoint de Clio, Jean-Pierre Respaut, qui s’est engagé à démontrer que les lieux visités sont tous désormais sécurisés et que le groupe ne se rendra pas dans les zones qui ne sont pas encore pacifiées. Une position loin d’être partagée par le ministère des Affaires étrangères qui estime que Clio expose ses clients à des risques. Le Quai d’Orsay rappelle également que les membres de ces voyages doivent être conscients qu’ils seront susceptibles de faire l’objet d’enquêtes de la part des services du renseignement dans le cadre de la lutte antiterroriste qui s’intéresse à tout ressortissant Français se rendant en Syrie.

Les Entreprises du voyage, la structure qui représente les agences de voyages françaises, soutiennent publiquement l’initiative de Clio et veulent croire que le voyagiste fait le nécessaire pour sécuriser les clients.

La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ?
Une agence de voyage française propose de nouveau la Syrie dans son catalogue de séjours. Un premier groupe devrait partir de ce mois d'avril, ce qui ne manque pas de susciter quelques polémiques.
La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ?
La Syrie déjà au menu des agences de voyage, une bonne idée ?

Une question morale

Au-delà du cadre purement sécuritaire, une autre question est soulevée par ce premier voyage organisé en Syrie depuis la fin de la guerre (aucune autre initiative du genre n’a été réalisée dans les autres pays européens) : faut-il se rendre en Syrie, que ce soit pour des raisons politiques ou de décence vis-à-vis des populations locales ?

Le pays n’est que partiellement pacifié et de nombreux déplacements forcés de populations sont encore à déplorer. L’aide humanitaire est toujours opérationnelle et la Syrie subira encore pour les prochaines années les conséquences de sa guerre. L’image du touriste se baladant avec un appareil photo au cœur de populations traumatisées par un conflit encore frais peut paraître inappropriée.

Des arguments balayés par Clio dont les représentants estiment au contraire que c’est un signe d’ouverture vis-à-vis de ce pays auquel il faut tendre la main afin qu’il retrouve une « vie normale ». Après un tel conflit, ne pas s’y rendre ferait office de « double-peine », selon Jean-Pierre Respaut. « Soyez les premiers à vous replonger dans cette histoire multimillénaire», indique d’ailleurs Clio sur son site officiel. Etre les premiers (et sans doute les seuls pour le moment) à revenir visiter la Syrie est un argument de poids pour des touristes occidentaux en quête de nouveauté et d’exclusivité, loin des circuits touristiques traditionnels qui sont vite saturés.

Le gouvernement syrien œuvre pour que des voyagistes réorganisent des tours sur son territoire afin que le tourisme reprenne du poids dans l’économie nationale (en 2010, dernière année avant la guerre, deux millions de visiteurs sont venus en Syrie pour des recettes estimées à trois milliards d’euros). Déjà en 2016, un clip vidéo publié par le ministère du Tourisme syrien avait fait polémique : les belles plages et le farniente étaient mis en avant tandis que le conflit battait son plein dans de nombreuses zones du pays. Au regard d’une telle volonté du gouvernement, le tourisme devrait bondir en Syrie dans les prochains mois. Et si tout se passe bien, Clio restera comme le premier voyagiste à avoir redonné sa confiance à un pays meurtri.

Sources des photos : middleeasteye.net / lemde.fr