BEYROUTH (Reuters) – Une trêve de cinq heures ordonnée par Vladimir Poutine n’a pas été respectée mardi matin dans la Ghouta orientale, enclave rebelle à l’est de Damas où la reprise des combats a empêché l’évacuation de civils et l’acheminement d’une aide humanitaire.
« C’est une question de vie ou de mort, il nous faut une cessation des hostilités de trente jours en Syrie, ainsi que le réclame le Conseil de sécurité », a déclaré à Genève Jens Laerke, porte-parole du bureau de la coordination de l’aide humanitaire de l’Onu.
Les quinze membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont adopté samedi à l’unanimité une résolution demandant « sans délai » une trêve humanitaire de trente jours en Syrie afin de permettre la fourniture d’aide aux populations civiles et des évacuations médicales.
En visite mardi à Moscou, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a souligné que la Russie était « l’un des seuls acteurs internationaux en mesure d’obtenir la mise en oeuvre de la résolution » de l’Onu.
Lors d’une conférence de presse avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, Jean-Yves Le Drian a déclaré que trois groupes rebelles de la Ghouta orientale avaient confirmé leur intention de respecter la trêve.
Le ministre français a estimé que l’idée de cette trêve quotidienne était un pas en avant, mais encore insuffisant. Il a demandé la mise en place d’un mécanisme de surveillance du cessez-le-feu.
BOMBARDEMENTS AÉRIENS ET TIRS D’ARTILLERIE
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a accusé les rebelles syriens de retenir la population civile en otage et d’empêcher la mise en place d’un corridor d’évacuation.
A Washington, le général Joseph Votel, qui dirige le Commandement central américain (responsable des opérations militaires des États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud), a accusé Moscou de jouer à la fois au pyromane et au pompier.
« Diplomatiquement et militairement, Moscou joue à la fois au pyromane et au pompier, alimentant les tensions entre toutes les parties prenantes en Syrie(…), puis servant d’arbitre pour résoudre les conflits, en tentant d’amoindrir les capacités de négociation de toutes les parties », a estimé le général Votel.
« Je crois que la Russie doit reconnaître qu’elle n’est pas capable de, ou ne veut pas, jouer un rôle pour mettre un terme au conflit syrien. Je pense qu’à ce stade, son rôle est incroyablement déstabilisant », a ajouté le général américain.
D’après le gouvernement de Damas et l’armée russe, les rebelles ont pilonné le corridor qui devait permettre aux civils de quitter le réduit, où vivent 400.000 personnes et où une offensive des forces pro-gouvernementales a fait des centaines de morts depuis la mi-février.
Moscou fait également état de bombardements sur des quartiers résidentiels de la capitale syrienne à partir de zones rebelles.
Des habitants de la Ghouta, ainsi que l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), rapportent que des avions et des hélicoptères ont mené des attaques aériennes contre plusieurs localités, ce qui est démenti de source militaire syrienne.
La « pause humanitaire » quotidienne devait tenir de 09h00 à 14h00, heure locale (07h00 GMT à 12h00 GMT).
Mais d’après l’armée russe, le corridor humanitaire a été pris pour cible par les rebelles, qui l’ont pilonné au mortier, empêchant les civils de sortir de l’enclave.
« A 09h00 ce matin, un corridor humanitaire a été ouvert pour que les civils quittent cette zone de désescalade », a déclaré le général russe Viktor Pankov. « A cette heure, il y a des tirs intensifs de la partie rebelle et pas un civil n’est parti. »
COURTE ACCALMIE
D’après les agences de presse russes, les forces gouvernementales syriennes aidées par l’armée russe ont mis en place des structures d’accueil pour les civils à Vafidine et des autocars se tiennent prêts à des évacuations.
« Nous n’avons stoppé personne et les civils prennent leurs propres décisions », a affirmé Yasser Delwan, qui dirige le bureau politique local des rebelles du Jaish al Islam.
Un porte-parole du Failaq al Rahman, un des groupes rebelles opérant dans l’enclave, a lui aussi démenti que les civils aient été retenus contre leur gré.
Personne n’ose s’approcher du corridor humanitaire, a expliqué Wael Olwan à Reuters, parce que c’était une zone militaire et que les gens redoutent d’être arrêtés ou enrôlés de force s’ils passent du côté gouvernemental.
L’OSDH, qui suit le conflit syrien en s’appuyant sur un réseau de sources, avait indiqué plus tôt dans la matinée qu’une accalmie prévalait depuis minuit dans l’enclave.
« Aujourd’hui, c’est très calme. C’est comme s’ils respectaient la trêve dont ils ont parlé », avait dit un habitant de la ville de Hammourieh. A Douma, un témoin notait que les habitants étaient sortis de leurs abris pour se ravitailler ou inspecter leurs habitations.
Le ministère russe de la Défense a précisé lundi que les trêves quotidiennes de même que le « corridor humanitaire », décidés en accord avec les forces syriennes, devaient permettre le départ des civils et l’évacuation des blessés et des malades.
Le porte-parole du Failaq al Rahman a accusé la Russie de placer les populations face à une terrible alternative : accepter un déplacement forcé ou mourir sous les bombes.
La Ghouta orientale est le dernier bastion majeur tenu par la rébellion à la proximité immédiate de Damas.
(Tom Perry et Ellen Francis, avec Andrew Osborn et John Irish à Moscou, Stephanie Nebehay à Genève, Henri-Pierre André, Guy Kerivel et Eric Faye pour le service français)