Le cinéma français doit renouveler son modèle de financement Le cinéma français doit renouveler son modèle de financement Le cinéma français doit renouveler son modèle de financement
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Le cinéma français doit renouveler son modèle de financement

Publié le 5 février 2015,
par VisionsMag.
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Entrelacs de soutiens publics, crédits d’impôt, niches fiscales, financement privés des télévisions, le cinéma français ne semble pas manquer de financements. Il existe pourtant depuis 2012 une polémique autour du manque de retour sur investissement, du salaire des acteurs… décryptage de la santé du cinéma français au travers de ses financements.

Le besoin de retour sur investissement

Le cinéma français n’est pas rentable. C’est le constat alarmant que dresse une étude de BFMTV, parue l’année dernière dans Les Échos. Pour mesurer la rentabilité des films, l’étude s’appuie sur toutes les recettes d’un film : entrées en salle, distribution à l’étranger, ventes de DVD, vidéo à la demande et diffusion sur les chaînes de télévision. Elle compare ces chiffres avec le budget initial utilisé pour produire le film. Si le ratio dépasse les 100%, on considère que le film est rentable, un objectif qui n’était malheureusement atteint que dans 10% des cas en 2013… Le Centre National du Cinéma (CNC) parle de 400 millions d’euros de déficit en 2013, d’une baisse de 23% des investissements français et de 17% des tournages.

Ainsi, certains acteurs de l’industrie cinématographique remettent en question le modèle de financement des films français en dressant ce constat paradoxal : le cachet des acteurs ne fait pas tout, au même titre que l’ampleur de l’investissement. Par exemple, Vincent Maraval, producteur et cofondateur de la société Wild Bunch, illustre ce constat en montrant que la comédie Eyjafjallajökull (Le Volcan), financée à hauteur de 20 millions d’euros par TF1 et Canal + avait attiré moins de 2 millions de spectateurs, et ce malgré la présence de Dany Boon en tête d’affiche. Parallèlement, La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche – palme d’or au festival de Cannes- n’a coûté que 4 millions d’euros mais a attiré environ 1 million de spectateurs, alors qu’il n’a perçu aucune subvention de l’État. Il convient également de rappeler que les chaînes de télévision, qui jouent un rôle prépondérant dans le préfinancement des films, se sont « refroidies ». Selon Les Échos, TF1 accusait en 2013 une baisse de 5% de son chiffre d’affaires sur la publicité. Difficile dans ces conditions d’investir sur des projets incertains.


«Le modèle français de financement du cinéma est vertueux à beaucoup d’égards, […] mais il doit maintenant faire face non seulement à l’arrivée du numérique qui bouleverse la donne, mais aussi et surtout et à l’affaissement des ressources» René Bonnell – rapport sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques

Un modèle à renouveler

Michel Hazanavicius, réalisateur oscarisé pour The Artist, écrivait pour Le Monde en marge du festival de Cannes 2013 « Nous sommes dans une industrie où le succès public n’est plus une condition pour gagner de l’argent ». Quelles sont alors les conditions pour assurer un film rentable dans une industrie « de plus en plus subventionnée », selon Vincent Maraval ?

Difficile de proposer une recette miracle, tant le monde du cinéma est facétieux. Il s’agit pour les producteurs de réussir à maîtriser les coûts, qui peuvent se compter jusqu’en millions. Il s’agit ensuite pour les distributeurs de réussir leur pari sur la promotion, qui peut les laisser en cas de « ratés » avec de lourdes factures à payer. On ne peut pas forcer les spectateurs à aller au cinéma, comme en témoigne la baisse de 5% de la fréquentation des salles en 2013. Il s’agit enfin pour les acteurs dits « bankable » d’accepter des cachets plus bas, afin de ne pas créer le déséquilibre avec le budget du film et son potentiel rendement.

La réaction attendue des intéressés

En 2015, le message semble avoir été entendu. Le Sénat propose cette année un projet de loi de finances sur la culture, la création et le cinéma. Ce texte prévoit notamment de réformer la fiscalité qui pèse sur les artistes français, de ne pas ponctionner les taxes affectées au CNC pendant au moins un an, ou encore de réduire la TVA et les crédits d’impôts pour les concernés. L’objectif est de relancer « l’économie du cinéma français ».

Par ailleurs, il y a tout juste un an, René Bonnell proposait aux Assises pour la diversité du cinéma, à la demande du CNC, un rapport sur la rentabilité des films, dans lequel il propose des mesures choc pour redynamiser le cinéma français, y instaurer de la transparence, et de la nouveauté dans ses modes de financement. Pour modérer les salaires excessifs des comédiens, des réalisateurs ou des scénaristes, il incite par exemple au partage du risque commercial via un intéressement. Il souhaite aussi voir se simplifier les conditions de financement pour attirer de nouveaux investisseurs privés au lieu de faire appel à des aides. L’objectif est d’aligner les intérêts entre producteurs, distributeurs et chaînes afin qu’ils profitent tous des bénéfices dès qu’ils sont générés.

Un bilan à nuancer

Malgré ces alarmants constats, tout n’est pas noir et le cinéma français a encore de l’espoir et de beaux jours devant lui. Il est par exemple important de rappeler le succès, cette année, de « Lucy », le dernier Luc Besson, qui est devenu le film français le plus vu à l’étranger. A ce sujet, Christophe Lambert, directeur général d’EuropaCorp, décrivait à Boursorama l’accord passé avec Universal avant le tournage, en collaboration avec TF1 Films productions et Canal +, et évoquait « d’excellentes conditions de financement ». Au total, le film a rapporté plus de 435 millions de dollars à ce jour dans le monde, pour un budget de… 45 millions ! Ce qui a fait dire au critique cinéma des Échos, Adrien Gombeaud, que ‘ »Lucy » était «  un astucieux blockbuster low-cost  ». L’avenir n’est donc pas funeste pour le cinéma français, qui doit simplement renouveler ses modes de fonctionnements afin de s’adapter au contexte économique dans lequel il évolue.

Pour se rassurer, on peut également citer les chiffres 2014 de fréquentation des salles de cinéma en France, récemment publiés par le Parisien, qui font état de plus de 208 millions d’entrées comptabilisées. Un renouveau en marche pour le cinéma français après cette année, la deuxième meilleure après 2011.

Le cinéma français doit renouveler son modèle de financement
Il existe, depuis 2012, une polémique autour du manque de retour sur investissement, du salaire des acteurs... décryptage de la santé du cinéma français au travers de ses financements

Top 3 des plus grands succès cinématographiques français

Lucy : nouveau recordman du nombre de spectateurs à l’étranger, Lucy fait un « carton » dans de nombreux pays, notamment en Chine, le nouvel eldorado pour les longs métrages français. 52,1 millions de billets ont été vendus dans une soixantaine de pays étrangers depuis sa sortie en juillet 2014. Le film a déjà rapporté plus de 435 millions de dollars.

Bienvenue chez les Ch’tis : cette comédie a fait 20,4 millions d’entrées dans l’Hexagone, et ainsi a dépassé le film de Gérard Oury, La Grande Vadrouille, et prenant presque la première place en s’approchant fortement de Titanic. Il a généré plus de 120 millions d’euros de bénéfices.

Intouchables : une deuxième position en France derrière Bienvenue chez les Ch’tis, cette comédie a généré 300 millions de dollars de revenus et remporté 16 distinctions dont un césar du meilleur acteur et un Golden Globe du meilleur film.

Sources des photos : lapresse.ca / blog.bessora.fr