Le plagiat indien d'un symbole national émeut le Cambodge
Les Indiens sont-ils tombés sur la tête ? C’est en tout cas ce que semblent penser les Cambodgiens depuis l’annonce de la construction d’une réplique, en plus grand, de leur célèbre temple Angkor Wat. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe, laissant le Cambodge incrédule, inquiet et furieux. Comment accepter le plagiat du symbole national? Une véritable provocation pour la petite monarchie du Sud-Est asiatique. Classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, Angkor est l’un des principaux sites archéologiques de l’Asie du Sud-Est, s’étendant sur plus de 400 km2 en partie couverts de forêt. Angkor Wat, le plus grand temple hindou au monde, est la principale attraction du site. Aujourd’hui bouddhiste, il fait la joie et la fierté des cambodgiens, preuve tangible de leur influence et de leur force dans le Sud-Est asiatique entre les 9ème et 15ème siècles. Angkor Wat appartient spirituellement et légalement au peuple cambodgien, symbole de tout un pays, il est le seul monument figurant sur un drapeau national.
Angkor Wat fût construit sous Suryavarman II, roi de l’empire khmer (1113 – 1150). « Temple d’Etat » et capitale de l’empire khmer, Angkor Wat est dédié à Vishnu, deuxième dieu de la trinité hindoue avec Brahma et Shiva. Comme la religion, le style architectural est importé d’Inde : Angkor Wat est conçu pour représenter le mont Meru, la maison des Dieux dans la mythologie indienne (comme l’Olympe pour les dieux Grecs).
3 millions de visiteurs chaque année
Admiré par 3 millions de visiteurs chaque année pour sa beauté, sa grandeur et son harmonie, Angkor Wat est considéré par beaucoup comme la huitième merveille du monde. Négligé mais jamais complètement abandonné, protégé par ses douves de l’avancée de la végétation, le temple a nécessité de nombreux travaux de restauration au cours du 20ème siècle. Il est aujourd’hui le mieux préservé de tous les temples du site.
On comprend donc que le colossal projet indien ait fait scandale au Cambodge. Comment en effet accepter le plagiat du symbole national, et en plus s’il devait presque porter le même nom : Virat Angkor Wat Ram Mandir ? Une véritable provocation pour la petite monarchie du Sud-Est asiatique.
16 hectares sur les bords du Gange et 20 millions de dollars
Pourtant les premiers coups de pioches ont déjà résonné près de Hajipur dans la province du Bihâr. C’est dans cette région extrêmement pauvre du Nord-Est de l’Inde que le promoteur, la fiducie hindoue Mahavir Mandir Trust a obtenu 16 hectares sur les bords du Gange et 20 millions de dollars (principalement des dons) pour mener à bien son entreprise.
L’objectif de la Mahavir Mandir Trust, déjà spécialisée dans les constructions de temples et d’hôpitaux dans cette région, est de réaliser une réplique de Angkor Wat, plus haute que l’originale (123 mètres au lieu de 58) et comprenant 20000 places assises. La construction de ce nouveau temple entièrement destiné aux dieux hindous devrait prendre 10 ans, contre 37 à l’époque. Il remplacera alors l’original cambodgien au rang de plus grand temple hindou au monde, deviendra une destination privilégiée des pèlerins et participera ainsi au développement du Bihâr.
Au prix de longues discussions entre les parties, le temple indien n’utilisera pas les mots Angkor et Wat pour son nom. Même s’il s’agit d’une maigre consolation pour les cambodgiens, on doute fortement que ce projet mégalomane fasse de l’ombre à Angkor Wat. Il sonne plus comme un manque de créativité que comme une vibrante reconnaissance du génie des architectes de Suryavarman II. Quant aux chances de voir le nouveau temple classé un jour au Patrimoine Mondial par l’UNESCO, elles semblent quand même assez infimes.