Écrivain, poète, journaliste, Dmitri Bykov, derrière sa moustache joviale et son embonpoint laissant apercevoir un personnage attachant et bonhomme, n’a pas que des amis en Russie, notamment au sein du gouvernement de Vladimir Poutine. Auteur à succès et biographe salué, l’homme s’est mis à dos une belle majorité de la classe politique depuis le lancement de son projet Citizen Poet. Retour sur le parcours d’un poète citoyen.
Diplômé de l’université d’Etat de Moscou en journalisme, Dmitri Bikov devient en 1991 journaliste et critique littéraire. Très vite il se met à écrire des poèmes et romans dont certains vont connaître un succès retentissant en Russie. C’est le cas de La Jubilation, roman historique publié en 2002 et retraçant les sombres chemins du passé soviétique du pays. Puis en 2005 le succès est à nouveau au rendez-vous pour son autobiographie de Boris Pasternak qui devient très vite un best-seller en Russie. Fort de sa notoriété, l’auteur se voit offrir les postes d’éditeur en chef de plusieurs journaux et magazine, dont les magazines Profile et What to Read. Les années 2000 sont également pour lui l’occasion d’animer des show TV et radio notamment sur la radio Echo of Moscow, et l’émission TV Vremechko.
Citizen Poet : Un projet politique controversé
C’est en 2011 que vraiment tout commence. Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine sont alors au pouvoir et assis sur un trône inébranlable, résultat de dizaines d’années de « passivité » de la part de la population Russe. Poutine, en particulier, est érigé au rang d’icône par un peuple à « demi aveugle qui cherche encore l’antidote à sa docilité ». C’est alors que Dimitri Bykov, Mikhail Yefremov et Andrei Vasiliev, tous trois enivrés par une longue soirée arrosée de Vodka, se lancent un défi fou : réveiller leur peuple et tourner en dérision toute la classe politique du Kremlin. Un écrivain, un acteur, un producteur : tous les ingrédients sont réunis pour faire émerger leur idée folle.
Leur mode opératoire est simple. Les trois amis souhaitent redonner une vie aux illustres poètes disparus tels que Edgar Allan Poe, Shakespeare, Kipling, Pouchkine et bien d’autres en parodiant leurs textes à des fins satiriques. L’actualité politique et les scandales du pouvoir nourrissent leurs textes. Les rendus prennent la forme de vidéos publiées largement sur le web et mettent en scène Mikhail Yefremov récitant les poèmes parodiés.
Dès le lancement, un succès inattendu
Lorsque qu’on leur demande, choqué, de qui ils tiennent la permission de ce scandale, ils répondent simplement « de personne, nous ne l’avons pas demandée ». Leur impertinence va vite leur faire rencontrer le succès. Alors qu’ils s’attendent au premier épisode à quelques milliers de visionnages, le lancement se révèle être une bien plus imposante réussite. La vidéo est vue plusieurs centaines de fois et partagée très largement, la rendant vidéo la plus populaire du pays en quelques heures. Les épisodes se multiplient et la population sort de sa torpeur et soutien massivement le projet. Plusieurs chaines de télévision et radios couvrent le projet. C’est un triomphe !
48 épisodes sont diffusés avec succès jusqu’à une dernière apparition en mars 2012. Dmitri Bykov déclare alors : « Il y aura une autre réalité à partir de maintenant, une pour laquelle nous avons besoin d’un autre projet. » La population russe suit aujourd’hui de près les activités de l’écrivain, dans l’attente de nouvelles apparitions.
Sources des photos : www.russiasopenbook.com / www.snipview.com