Les années Supermodels de Peter Lindbergh: photographe de mode ou portraitiste ?
Figure emblématique de la photographie de mode, surnommé le « sorcier de l’image », Peter Lindbhergh a su se démarquer grâce à un style personnel empreint de naturel, d’authenticité et de non conformisme. Celui que l’on considère comme le meilleur photographe de mode apparaît comme un révolutionnaire dans un monde aseptisé. Des photographies de modèles à la série The Unknown en passant par ces portraits d’actrices, il a toujours su capter l’essence de son temps en mettant en scène des femmes, véritables allégories modernes.
De la Ruhr à New York en passant par Paris
Peter Brodbeck, plus connu sous le nom de Peter Lindhergh est né en 1944 à Lissa, en Allemagne et grandit en plein cœur de la Ruhr et de ses paysages chaotiques. A l’âge de 18 ans, il part pour la Suisse et se lance dans la décoration de vitrines. Guère passionné, il retourne à Berlin huit mois plus tard, et s’inscrit aux cours du soir des Beaux-Arts mais, l’enseignement académique ne lui convient pas. C’est ainsi qu’il décide, sans un sou en poche, de partir en autostop sur les traces de Vincent Van Gogh à Arles, et de réaliser un tour d’Europe à la façon des artistes du XIXe siècle (Italie, Maroc, Espagne).
Après deux ans de vie de bohème, il rentre en Allemagne et apprend la peinture libre. Il expose, alors qu’il est encore étudiant, à la galerie Denis Rensé/Hans Mayer, en 1969. A l’âge de 27 ans, il découvre par hasard la photographie et devient l’assistant de Hans Lux.
Sa carrière internationale est lancée en 1978 avec une publication indépendante pour « Stern ». C’est à cette époque qu’il s’installe à Paris et travaille pour Vogue international, The New Yorker, Vanity Fair, Allure, Rolling Stone, Elle. Il signe un contrat avec le American Harper’s Bazaar à New York en 1992 et dirige les campagnes d’Armani, Jil Sander, Prada, Donna Karan, Calvin Klein et Comme des garçons. La même année, il réalise un film documentaire, intitulé « Models ».
La femme moderne et les supermodels
On ne peut évoquer le nom de Peter Lindbhergh sans y associer immédiatement celui des supermodels des années 90 dont il a lancé la carrière: Kate Moss, Naomi Campbell, Linda Evangelista, Milla Jovovich, Cindy Crawford, Claudia Schiffer, Christy Turlington, Eva Herzigova ou Karen Mulder, par exemple. Toutes sont passées au crible de son regard avisé.
Le célèbre cliché de ces femmes à la plage, en chemise blanche, décontractées si loin des épreuves artificielles habituelles aurait pu rester dans les tiroirs de Vogue, si Anna Wintour (qui prend la direction du magazine en 1988) n’y avait décelé la vision de la femme moderne.
Lindbergh et les supermodels : la femme derrière le modèle, le sublime dans l’humain
Car c’est bien ce que cherche à capturer Lindbhergh : la femme derrière le modèle, le sublime dans l’humain et non plus un idéal de perfection. Ce regard atypique qui joue sur les contrastes du noir et blanc hérité de l’expressionnisme allemand, du chic là où on ne l’attend pas, du décalé, du détail paradoxal, tend à offrir une vision de la femme magnifique parce qu’elle existe, parce qu’elle est vraie, sans artifice. Adepte de l’authentique, il dénonce le recours à Photoshop ou toute correction de l’image qu’il qualifie « d’opération chirurgicale ».
A travers ces photos des supermodels icones des années 90 qui ont marqué toute une génération, P. Linbdhergh a révolutionné l’image de la femme dans l’univers de la mode, celle qui n’était qu’un accessoire au service d’une marque devient une icône de la femme contemporaine active et indépendante.