Manifestations aux Philippines contre l'autoritarisme de Duterte
MANILLE (Reuters) – Des milliers de personnes ont manifesté jeudi aux Philippines pour mettre en garde contre l’avènement d’une dictature sous la houlette de l’actuel président Rodrigo Duterte.
Des hommes politiques, des dignitaires religieux, des chefs d’entreprise, des représentants de peuples indigènes et des militants de gauche se sont retrouvés pour dénoncer le pouvoir de Rodrigo Duterte, le jour du 45e anniversaire de la proclamation de la loi martiale sous l’ancien dictateur Ferdinand Marcos, qui avait été maintenue pendant neuf années.
La vice-présidente Leni Robredo, qui n’appartient pas au même parti que Duterte, a assisté à une messe à l’Université des Philippines, foyer traditionnel de militantisme politique, et devait participer à un rassemblement du Parti libéral (opposition) qu’elle dirige. Leni Robredo, en vertu du code électoral philippin, a été élue lors d’un scrutin simultané mais distinct de la présidentielle.
Les Philippins qui sont nés après l’ère des Marcos ne doivent pas être complaisants et doivent discerner les signaux d’une « montée de la tyrannie », a-t-elle estimé jeudi.
« Si nous ne nous souvenons pas du passé, nous sommes condamnés à le répéter. Malheureusement, ceux que l’on trompe ne se rendent même pas compte que l’on s’aventure sur une voie vouée à l’échec », a-t-elle ajouté.
Ferdinand Marcos avait proclamé la loi martiale en 1972, un an avant des élections auxquelles il ne pouvait se présenter, et a conservé le pouvoir pendant 14 ans jusqu’à un soulèvement populaire qui l’a contraint à partir.
DES MOTIFS DE PROTESTATION TRÈS DIVERS
Marcos avait aboli les institutions démocratiques et est accusé d’avoir fait tuer, torturer et disparaître des milliers de ses opposants.
Duterte, qui a été élu en 2016, ne cache pas son admiration pour Ferdinand Marcos et ses opposants sont alarmés par sa rhétorique autoritaire et son mépris pour ses adversaires. Des millions de Philippins n’en sont pas moins sous le charme de son style, de son esprit de décision voire de ses défauts, voyant en lui le champion du petit peuple et le meilleur espoir de voir advenir des changements attendus de longue date.
Duterte a décrété que la journée de jeudi serait chômée, pour que les fonctionnaires et le personnel enseignant aient la possibilité d’aller manifester contre lui.
Tous les manifestants ne défilaient pas jeudi au même endroit et pour la même cause. Certains dénonçaient la féroce guerre contre les narco-trafiquants, qui a fait des milliers de morts depuis l’an dernier, tandis que d’autres vilipendaient ses liens avec le clan Marcos;
D’autres s’en prenaient à ses positions pro-chinoises, à ses menaces d’instaurer la loi martiale dans tout le pays, ou encore aux destructions occasionnées par l’armée de l’air à la ville de Marawi, où sont retranchés depuis des semaines des insurgés islamistes.
(Romeo Ranoco et Roli Ng; Eric Faye pour le service français)