Monica Macias : l’africaine de Pyongyang Monica Macias : l’africaine de Pyongyang Monica Macias : l’africaine de Pyongyang
Biographie

Monica Macias : l’africaine de Pyongyang

Publié le 17 décembre 2013,
par VisionsMag.
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Le destin de Monica Macias est en tous points hors du commun. Elle en a tiré une vision du monde originale, qui bat en brèche les idées reçues et qu’elle relate dans une autobiographie publiée à Séoul : « Monica de Pyongyang ».

Lorsqu’on lui demande quelles sont ses origines, Monica Macias répond avec une mine espiègle : « je suis coréenne ». La réplique peut surprendre provenant d’une femme au beau physique africain. Pourtant, quand, photos à l’appui, elle évoque son enfance, force est d’admettre que c’est bien elle, cette petite fille à la peau noire, que l’on voit en uniforme, entourée des enfants de la nomenklatura nord-coréenne.

Montage et démontage de Kalachnikov

Enfant, à l’école, Monica Macias se voit proposer l’apprentissage de matières peu usitées : montage et démontage d’une Kalachnikov, stratégie de la guérilla, théorie de la propagande révolutionnaire. Arrivée à Pyongyang à l’âge de sept ans, Monica Macias y vit sous la protection directe du dictateur nord-coréen Kim Il-sung. Elle fréquente alors un établissement d’élite, l’école militaire révolutionnaire Mangyongdae, destinée à former les enfants des dignitaires du régime.

Fille de Fransisco Macias Nguema, premier président de la république de la Guinée équatoriale, Monica Macias va connaître très jeune une existence marquée par les bouleversements de l’histoire. En 1979, son père est renversé, puis exécuté, lors d’un coup d’état mené par son propre neveu. C’est en fait un régime dictatorial qui s’écroule : plus de 50 000 morts et 150 000 réfugiés en dix ans. Sentant venir sa fin, Fransisco Macias Nguema, a pris soin, quelques mois auparavant, de confier ses trois enfants au président de la république populaire de Corée, un régime « ami ».

Kim Il-sung tient parole, Monica va connaître une enfance qu’elle décrit comme favorisée en compagnie des enfants des privilégiés du régime. La Corée du Nord connait alors une période de relative croissance, qui sera interrompue par la grande famine des années 90. Evoquant cette époque, Monica Macias raconte les dimanches à la campagne, les après-midi passés à débattre passionnément entre amis, bien loin des clichés d’une enfance vécues derrière le rideau de fer. Et si la moindre des visites l’oblige à des démarches officielles – les nord-coréens se voient interdits de fréquenter les étrangers -, elle ne s’en formalise pas. Il faut dire qu’elle n’a pas d’autres repères.

Le douloureux apprentissage de la vérité

Devenue étudiante Monica Macias va peu à peu ouvrir les yeux sur la nature du régime de Pyongyang. A l’université, elle fréquente les étudiants étrangers. Lorsqu’un jour, l’un d’eux s’assied par mégarde sur un journal dont la première page montre un portrait de Kim Il Sung, elle hurle pour obliger le jeune homme à se relever immédiatement. Sa colère n’est pas feinte. Elle n’est pas loin de considérer ce geste comme un crime. Le jeune étudiant sourit en laissant entendre, qu’élevée dans le pays, Monica est sous l’influence directe de la propagande. Cet évènement constitue un déclic. La nuit suivante, Monica ne peut dormir. Elle commence à se poser des questions.

Peu après, elle séjourne à Pékin, où elle rend visite à un cousin à l’ambassade de Guinée équatoriale. Dans la rue, elle croise, pour la première fois de sa vie, un américain. Immédiatement, elle s’enfuit en courant. Depuis sa plus jeune enfance on ne cesse de lui décrire les fils de l’Oncle Sam comme des ennemis sanguinaires. Ses proches rient de sa peur et contribuent à sa prise de conscience. A son retour en Corée du Nord, elle s’offusque en découvrant devant sa fenêtre une affiche ornée du slogan : « le parti décide, le peuple suit ». Elle peut alors comparer avec une affiche entrevue à Pékin, sans message politique, montrant une femme maquillée. Son questionnement ne cesse de grandir. Lorsqu’à la fin de ses études elle doit choisir un pays pour achever sa formation, elle opte pour l’Espagne, le pays d’origine de sa mère.

Monica Macias : l’africaine de Pyongyang
Le destin hors du commun de Monica Macias, fille du président dictateur de la Guinée-Equatoriale Fransisco Macias Nguema et réfugiée en Corée du Nord sous la protection directe de Kim Il-sung.
Monica Macias : l’africaine de Pyongyang

Le choc face à la vérité historique

C’est en arrivant à Madrid qu’elle va découvrir la vérité sur le pays de son enfance. Son apprentissage de la vie dans un pays capitaliste est semé d’embûches. A Pyongyang, son existence est tracée d’avance, en Espagne, elle se retrouve seule pour trouver un travail et subvenir à ses besoins. Elle n’a alors qu’un désir, retrouver au plus vite la Corée du Nord.

Mais la lecture d’un ouvrage évoquant la guerre de Corée lui apprend que, contrairement à ce qu’on lui a enseigné, ce ne sont pas les Sud-Coréens et les américains qui ont agressé la Corée du Nord, mais bien le régime de Kim Il-sung qui a déclenché ce conflit sanglant. C’est le choc ! Cette révélation remet en cause toute son éducation. Elle en fera une dépression. Dès lors, cherchant la vérité, elle va renoncer à un retour à Pyongyang et partir en voyage… aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, Monica Macias partage sa vie entre l’Espagne, la Guinée Equatoriale et la Corée du Sud. Elle travaille dans l’importation de produits coréens vers l’Europe et l’Afrique. Mais la tâche qui lui tient le plus à cœur est l’œuvre qu’elle ne cesse de mener afin de favoriser le dialogue entre nord et sud-coréens. Pour une fille de l’Afrique équatoriale, voilà encore qui n’est pas commun !