Naomi Seibt, la nouvelle tête de gondole du climatoscepticisme
Les tenants d’une réfutation de l’impact de l’activité humaine sur le climat ont désormais leur Greta Thunberg. Naomi Seibt, jeune youtubeuse allemande, accumule les vidéos – et les abonnés – afin de faire passer son message sur ce sujet comme sur bien d’autres.
Elle est jeune, avenante et maîtrise parfaitement les réseaux sociaux. Elle se dit “climato-réaliste”, et non climato-sceptique : elle ne nie pas l’existence d’un changement climatique, mais réfute l’idée selon laquelle celui-ci est provoqué par les humains. Il n’en fallait pas moins pour que le Heartland Institute, un think tank américain conservateur, ne tente d’en faire une égérie photogénique en mesure de contrer son pendant écologiste, la célèbre Greta Thunberg.
Une youtubeuse conservatrice
Née à Münster en Allemagne, la jeune fille de 19 ans a accédé à une notoriété rapide en ce début d’année sur la base d’un background pourtant peu centré sur les questions climatiques jusqu’alors. Etudiante brillante, elle est décrite comme une personne très intelligente. Sa première place en physique dans un concours scientifique allemand, le Jugend forscht, semble en témoigner.
Elle poste sa première vidéo officielle sur YouTube en mai 2019, et y obtient depuis, avec sa chaîne, un succès relatif autour de sujets comme l’immigration, le féminisme ou l’avortement, où elle met en avant ses positions conservatrices. Ses abonnés, environ 86.500 aujourd’hui, 23.600 sur Facebook, ne l’ont pas vu s’exprimer bien souvent sur le climat, qui reste jusqu’à son exposition médiatique récente un sujet marginal de sa vidéographie.
Elle assume depuis la confrontation orchestrée entre elle et Greta Thunberg, en répondant notamment “je ne veux pas que vous paniquiez, je veux que vous réfléchissiez” au fameux “je veux que vous paniquiez” de l’écologiste suédoise.
Deux égéries pour deux mondes irréconciliables
Les chaînes YouTube de plus de 100.000 abonnés se comptent par milliers. D’où vient alors l’exposition médiatique disproportionnée dont Naomi Seibt fait l’objet? Il est évident que le Heartland Institute, un think tank ultralibéral proche des idées de Trump, et le mouvement climato sceptique en général, ont espéré trouver en elle l’icône dont ils avaient besoin pour combattre l’immense impact de Greta Thunberg et de ses actions à Davos et à l’ONU, où les industries polluantes et pétrolières en particulier étaient mises sur la sellette.
Mais au-delà de l’outil de lobbying grossier que chacun peut percevoir aisément, Naomi Seibt cristallise par ses prises de positions le ressentiment d’une partie de la population des pays occidentaux, méprisés par une pensée dominante parfois lénifiante et condescendante. Un courant parfaitement incarné par Greta Thunberg dont le succès planétaire eut pour corollaire un déchaînement de passions parfois violent à son encontre.
Les émotions plutôt que les arguments
L’avènement médiatique de personnalités comme Greta Thunberg et Naomi Seibt est également symptomatique du traumatisme profond que notre société entretient vis à vis de la science en général. Le débat autour d’un sujet comme le réchauffement climatique, dont notre avenir dépend, devrait être mené de manière rationnelle et porter sur l’examen de données vérifiables, d’arguments découlant d’études réalisées en toute neutralité et sans préconception, selon une méthode justement qualifiée de scientifique.
Or, ce sont deux personnes à peine sorties de l’adolescence et aucunement expertes reconnues en la matière qui occupent le devant de la scène. A aucun moment dans ses interventions, Naomi Seibt ne fait référence au moindre argument scientifique, et si le discours de Greta Thunberg est plus argumenté, ce sont bien ses actions médiatiques plutôt que le fond de son discours qui sont mis en avant. Le débat scientifique existe bel et bien, mais nous préférons accorder notre attention aux larmes et aux trépignements plutôt qu’aux statistiques et aux chiffres.
Photos : thesun.co.uk / wiedertaeufer.m / Youtube.com /