Depuis l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, la tension est redescendue sur place. Mais tout n’est pas encore revenu à la normale sur la zone. De plus, aucune solution n’a été avancée quant aux besoins engendrés par l’inexorable croissance du trafic aérien dans la région.
La saga de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne date pas d’hier. C’est à partir des années 60 qu’émerge déjà l’idée de construire un aéroport du Grand Ouest à Nantes. Ce dernier ferait ainsi de la région un pôle international. Le site de Notre-Dame-des-Landes est alors retenu en 1970, il y a 49 ans déjà !
Mais, en un demi-siècle, les enjeux ont changé. La question de l’écologie a une place bien plus importante dans le débat démocratique. Le chômage aussi a progressé, et l’idée d’un aéroport international d’envergure dans la région a pris une tonalité différente. Le « Oui » du référendum local de 2016 a été motivé principalement par des investissements économiques et la promesse de créations d’emplois liés à l’activité économique directe et indirecte autour du futur aéroport. L’enjeu politique pour l’ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, un enfant du pays et ancien maire de Nantes, n’a pas aidé à pacifier les discussions.
Mais à cet enthousiasme local s’opposent des résistances extérieures qui grandissent dans l’opinion publique. Les tensions autour du projet de Notre-Dame-des-Landes font écho à la dialectique « fin du monde » – « fin du mois » qui ne cesse d’agiter le débat politique ces derniers mois. Le projet abandonné, la médiatisation du combat terminée, une question est à régler désormais : quelles perspectives pour le site de Notre-Dame-des-Landes ?
Une ambassade au G7
Sur place, tout n’est pas totalement rentré dans l’ordre. Même si la tension est redescendue, les forces de l’ordre procèdent toujours à des déconstructions de cabanes dans la zone. Si certaines personnes ont déjà été délogées, d’autres restent sur place et continuent de développer des projets locaux. La situation se normalise et la ZAD quitte peu à peu son statut de zone de non-droit.
Parmi les occupants, de nombreux profils se côtoyaient : militants écologistes aguerris ou novices, agriculteurs, artisans. Tous ont appris à travailler en réseau. L’occupation a été l’occasion pour certains d’innovations en matière de constructions et d’agriculture, de démocratie participative. La ZAD a même été un terrain d’étude privilégié pour certains sociologues ou naturalistes.
La période ZAD a laissé des traces et fait émerger de nombreux groupes, projets et amitiés qui lui survivent. En marge du G7 de Biarritz par exemple, une « ambassade de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes » a pris place lors du contre-sommet. La ZAD n’est plus seulement un lieu, elle est devenue un concept, un totem, une certaine idée de l’appropriation de l’espace public.
Agriculteurs contre zadistes : à qui appartiennent les terres ?
Une question reste toujours en suspens : celle des agriculteurs et éleveurs de la ZAD. Ils sont de deux sortes : ceux qui ont quitté la zone en cédant parfois à contrecœur leurs terres à l’État, et ceux qui ont continué leur activité après 2009 dans la « zone à défendre », voire l’ont débutée pendant l’occupation en s’appropriant parfois illégalement des terres. Alors comment répartir ces terres agricoles redevenues exploitables entre les agriculteurs historiques expropriés et les projets déjà installés depuis plusieurs années maintenant ? Expulser des « campeurs » est une chose, reloger leur bétail et sauvegarder leurs récoltes en est une autre.
Ainsi des baux environnementaux commencent à être cédés pour des porteurs de projets récemment arrivés. Et si la réinstallation des agriculteurs présents avant 2008 semble être privilégiée, plusieurs centaines d’hectares font toujours l’objet de contentieux. Cela malgré quatre réunions de pilotage menées par la préfecture de Loire-Atlantique.
Pour les agriculteurs « improvisés », l’heure est également à la normalisation entre l’inscription légale de leur activité, le paiement de charges et de loyers… Certains suivent même des formations données par la Chambre d’agriculture afin de mieux comprendre les obligations administratives d’une exploitation agricole.
Quelles alternatives pour l’aéroport ?
Enfin, une dernière question se pose : quelle alternative au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? L’une des solutions souvent évoquées serait d’agrandir l’aéroport de Nantes afin de lui donner une portée internationale. Mais de nombreux élus locaux n’en veulent pas, craignant une aggravation des nuisances notamment sonores dans le périmètre.
Autre possibilité : agrandir l’aéroport d’Angers qui ne reçoit actuellement presqu’aucune ligne régulière. Cela permettrait d’y détourner une partie du trafic que Nantes ne pourrait absorber.
Mais nous sommes entrés dans une nouvelle époque, celle de l’écologie politique. Aujourd’hui est-il encore possible de construire ou agrandir nos aéroports malgré la pression d’une partie de l’opinion publique ? Et ne devrions-nous pas d’ailleurs tenter de réduire le trafic aérien, qui compte pour environ 3 % des émissions de CO2 dans le monde ?
Malgré une prise de conscience et le développement de mouvement écologique tel le flygskam (honte de prendre l’avion), les projections faites par l’IATA (Association internationale du transport aérien) tablent sur un doublement du trafic aérien mondial d’ici à 2036. Autant dire que les avions ne sont pas près de s’arrêter de voler, et que la France va devoir trouver des solutions à court et long terme pour accueillir cette hausse de trafic.
Sources des photos : zad.nadir.org / expansive.info / resistanceinventerre.wordpress.com / lemoniteur.fr /