Philippe Sands se bat pour rendre leurs îles aux Chagossiens
«La dernière colonie », le dernier ouvrage de Philippe Sands, vient d’être publié le 31 août dernier aux éditions Albin-Michel. L’avocat franco-britannique, spécialiste en droit international, y relate le combat qu’il mène depuis 2010 contre le gouvernement britannique en tant que représentant de l’île Maurice qui revendique la possession de l’archipel.
La toile de fond de cet ouvrage est le drame vécu par les habitants de l’archipel de Chagos, qui ont été expulsés de force par l’administration coloniale britannique en 1973. Cette expulsion visait à permettre à une base militaire américaine de s’installer sur l’île de Diego Garcia.
Le « cœur battant » de cet ouvrage est Liseby Elysé, l’une des victimes chagossiennes. Celle-ci, minuscule silhouette vêtue de noir, âgée alors de 65 ans, avait suscité une vive émotion lors de son témoignage devant la Cour internationale de Justice de la Haye en septembre 2018. En moins de quatre minutes elle avait alors évoqué comment les Britanniques avaient d’abord fermé les plantations des îles et coupé l’approvisionnement alimentaire de ce qui était « le paradis de son enfance ».
« Les gens mouraient de tristesse. »
Les centaines de familles chagossiennes avaient ainsi été informées qu’elles n’avaient d’autre choix que de partir par bateau avant le 27 avril 1973 ou de mourir de faim. « Nous étions comme des animaux dans ce navire négrier », avait évoqué Liseby. « Les gens mouraient de tristesse. » Elle-même, alors âgée de 20 ans, était enceinte de quatre mois. Son enfant est mort-né.
Philippe Sands, en plus de représenter l’île Maurice, dirige l’affaire du rapatriement des Chagossiens contre le gouvernement britannique. En racontant l’histoire personnelle de Liseby Elysé, il fait connaître au monde la douleur de ces familles qui n’ont jusqu’ici jamais pu rentrer chez eux. « Mon cœur souffre et mon cœur appartient toujours à l’île où je suis né. »
Tout en menant l’enquête sur le déplacement des habitants de l’île, dont beaucoup sont morts en exil, Philippe Sands esquisse l’histoire de la Cour internationale de justice de La Haye et son rôle dans le démantèlement des structures coloniales à travers le monde.
Philippe Sands présente un dossier solide contre les ministres des affaires étrangères successifs, notamment Boris Johnson, Jeremy Hunt et Liz Truss. Ceux-ci ont fait tout ce qu’il pouvait pour tenter d’étouffer le cas des îles Chagos, et éviter qu’il ne soit soumis à la justice internationale.
Philippe Sands maintient la pression sur les Britanniques
Une fois de plus, dans ce combat aux côtés des Chagossiens, Sands fait preuve d’empathie et démontre un sens des droits de l’homme qui est le fil conducteur de son parcours. Cet engagement trouve son origine dans son histoire personnelle, ses deux arrière-grands-mères ayant été déportées de Vienne dans des camps durant l’holocauste.
En 2019, à la suite des audiences à la Cour internationale de La Haye, les juges ont déclaré que le Royaume-Uni a » […] l’obligation de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos aussi rapidement que possible, et que tous les États membres doivent coopérer avec les Nations unies pour achever la décolonisation de Maurice « .
Et les Nations unies ont voté à une majorité écrasante pour fixer un délai de six mois au Royaume Uni pour se retirer de l’archipel de Chagos (délai qui expirait le 22 novembre 2019). Malgré cela rien n’a bougé.
Une nouvelle manche dans cette bataille juridique aura lieu à partir du 17 octobre 2022 à Hambourg. D’ici là Philippe Sands compte que son livre devienne un best-seller afin de maintenir la pression sur les Britanniques. Il reste optimiste et se dit convaincu qu’il y aura tôt ou tard un accord. Il est d’avis que la Grande-Bretagne «va bouger. Il y a des signes. Les Britanniques ont reconnu que cette situation est intenable. »
Photos : bbc.com/ lemonde.fr / radiofrance.fr / decite.fr