Radhya al-Mutawakel : une Yéménite qui combat pour la vérité
La Yéménite Radhya al-Mutawakel voit son engagement pour la défense des droits de l’homme au Yémen récompensé par le très respecté magazine Time. Son travail à la tête de l’organisation Mwatana lui vaut d’être nommée parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde. Portrait d’une femme que rien n’arrête pour faire éclater la vérité sur la guerre civile qui ravage son pays depuis 2015.
Mwatana is watching you
Dès 2000, Radhya al-Mutawakel travaille pour la Commission nationale pour les Femmes au Yémen où elle agit pour la participation des femmes au processus politique de son pays. Mais son réel activisme commence en 2004 aux côtés de l’Organisation pour la défense des droits et des libertés. Le travail de Radhya al-Mutawakel se concentre alors sur les violations des droits de l’homme et, plus particulièrement, les disparitions forcées et arrestations arbitraires commises lors du conflit de Sa’adah qui sévit dans le nord du Yémen pendant six ans.
En 2007, elle fonde l’organisation indépendante Mwatana. Une association pour les droits humains qu’elle co-dirige avec son mari Abdulrasheed al-Faqih, et dont la mission est d’enquêter sur le terrain pour documenter les exactions perpétrées par les différentes parties engagées dans le conflit yéménite. Pour cela, Mwatana a des équipes dans 18 régions et emploie plus de 60 personnes dont la moitié sont des femmes.
Ses récents rapports dénoncent les raids aériens menés par la coalition saoudienne et émiratie, l’utilisation de mines antipersonnel et le recours aux bombardements aléatoires des forces rebelles Houthis, ainsi que les exécutions arbitraires commises par les forces gouvernementales yéménites.
La première femme yéménite à l’ONU
L’organisation, dont le travail a permis de mettre la lumière sur des centaines de crimes commis contre les populations civiles, offre également un soutien aux victimes. « C’est grâce au seul travail de Mwatana qu’on a pris connaissance de certaines des atrocités qui se passent au Yémen. Et c’est la vérité qui permet de préparer la voie de la justice », précise Rob Berschinski, vice-président de l’organisation Human Rights First. « Radhya incarne parfaitement le rôle d’un défenseur des droits de l’homme qui met un point d’honneur à dénoncer la vérité à ses propres risques et périls », ajoute-t-il.
En 2017, elle entreprend une tournée mondiale de plaidoyer notamment en Angleterre, en Suisse et dans d’autres pays européens. Elle insiste entre autres sur le rôle des ventes d’armes européennes et américaines dans la gravité du conflit au Yémen. « J’ai vu comment la vente d’armes provoque la souffrance et la mort au Yémen. Nous devons la stopper », confie-t-elle au Guardian. « Quelle que soit l’importance des intérêts entre l’Angleterre et l’Arabie saoudite, le prix du sang est plus important ».
Récompenses et représailles pour Radhya al-Mutawakel
Elle se rend aussi aux États-Unis où elle devient la première femme yéménite à prendre la parole au conseil de sécurité de l’ONU. Parmi ses recommandations, l’arrêt des attaques aériennes et terrestres visant civiles et infrastructures civiles, et la libération de tous les disparus ou détenus arbitrairement. Lors de son élocution, Radhya al-Mutawakel préconise la création d’une Commission internationale indépendante d’enquête, l’arrêt immédiat de la vente d’armes aux acteurs du conflit ou encore l’accès inconditionnel de l’aide humanitaire à toutes les zones du pays et toutes les populations dans le besoin.
Le plaidoyer de Radhya al-Mutawakel lui vaut d’être récompensée par l’université de droit de Colombia, ainsi que par le Centre pour les droits de l’homme et la liberté d’expression du Golfe. Mais au Yémen, c’est une toute autre histoire! En réponse à leurs accusations elle et son époux Abdulrasheed al-Faqih y ont été détenus, agressés et harcelés par les Houthis et la coalition saoudo-émiratie.
« Radhya et ses collègues font face chaque jour aux risques de la guerre. Pour avoir dirigé ce travail, elle mérite d’être reconnue comme l’une des plus courageuses parmi nous » affirme, en lui rendant un bel hommage mérité, Bernie Sanders. Et pourtant, avec humilité, Radhya justifie son engagement : « Depuis que je suis enfant, je me suis toujours sentie coupable face aux gens qui vivent dans l’oppression ». Maintenant que son engagement et son combat sont reconnus et médiatisés par le Time magazine, espérons qu’elle trouvera des oreilles plus attentives au sein des gouvernements et de l’ONU.
Sources des photos : justsecurity.org / pbs.org /mwatana.org / newint.org / twitter.com