Rafael Correa : l’Homme qui dit non au FMI et aux Etats-Unis Rafael Correa : l’Homme qui dit non au FMI et aux Etats-Unis Rafael Correa : l’Homme qui dit non au FMI et aux Etats-Unis
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Rafael Correa : l’Homme qui dit non au FMI et aux Etats-Unis

Publié le 5 janvier 2015,
par VisionsMag.
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Refusant la dollarisation de l’Amérique latine, contestant la dette de son Etat, le président équatorien Rafael Correa a su repenser le socialisme, mais il ne s’est pas fait que des amis… Portrait de l’homme qui tient tête au FMI et aux Etats-Unis !

Le président Correa n’est pas un homme politique de formation. Economiste brillant à la formation internationale (Equateur, Belgique et Etats-Unis), il enseigne l’économie durant douze années au sein des universités équatoriennes de Guayaquil, puis de Quito. Il a pourtant une idée très peu conventionnelle de sa discipline, puisque pour lui, la « soi-disant science économique » ne serait que « de l’idéologie déguisée en science ».

Mais sa vision de l’économie ne lui a pas fait défaut, bien au contraire. C’est en tant que conseiller économique auprès du vice-président Alfredo Palacio que Rafael Correa fait son entrée dans l’arène politique. Il sera ensuite nommé ministre des Finances du même Palacio, devenu président de l’Equateur en 2005, fonction qu’il quittera quatre mois plus tard, de son plein gré.

Une manière originale de gouverner

Depuis 2006, succédant à une longue période d’instabilité politique, l’Equateur ayant connu en sept ans pas moins de dix présidents différents, Rafael Correa est élu trois fois de suite président de la République.

Mais cela ne signifie pas pour autant que l’exercice du pouvoir eût toujours été un long fleuve tranquille pour Correa. Victime de ce qu’il qualifie de coup d’Etat, le président équatorien fut en 2010 attaqué et blessé par la police, puis transporté et séquestré dans un hôpital de Quito. Il sera finalement libéré par l’armée et accusera l’opposition.

Il faut dire que Rafael Correa a une idée bien à lui de l’exercice du pouvoir qui ne plait pas à tous. Le président équatorien a une vision très expérimentale du socialisme et de la démocratie. Selon lui, le rôle d’un leader n’est pas d’impulser le changement, mais juste de coordonner les réformes voulues et mises en place par le peuple lui-même. Il n’est pas un adepte du consensus à tout prix, qui à ses yeux est plus un frein qu’un moteur au changement. Mais son idéal socialiste semble plaire aux équatoriens, et sa popularité ne faiblit pas, bien au contraire, puisqu’il remporte les dernières élections en 2013 dès le premier tour, avec 57,17% des suffrages.

Correa le socialiste

Rafael Correa est opposé aux politiques d’austérité et s’en est fait une spécialité. L’Amérique latine est devenue selon lui « experte en crises », pour les avoir toutes subies. Il critique vivement la vision de l’économie fondamentalement capitaliste, selon laquelle les crises viendraient du capital et devraient être résolues par le capital. Selon lui, le problème réside dans les rapports de pouvoir. C’est l’humain qui devrait diriger le capital, et non l’inverse !

Il entend redonner le pouvoir au peuple, qui approuve en 2008 la rédaction d’une nouvelle constitution. Grâce aux revenus du pétrole, ressource clé de l’Equateur, Rafael Correa entreprend une grande réhabilitation des infrastructures (notamment des routes et des hôpitaux). Le salaire minimum est augmenté.

Il pousse très loin son idée du socialisme, en faisant par exemple interdire certaines chaines privées de télévision. Il se défendra de vouloir limiter la liberté de la presse, estimant que les chaines en questions sont plus des outils marketing de grands groupes que des espaces d’information.

Rafael Correa révolutionne également le rapport à la citoyenneté et à la migration. Au delà de la reconnaissance des peuples indigènes vivant sur le territoire équatorien, il va jusqu’à abolir le concept même d’étranger. La mesure est purement symbolique et est très peu applicable, mais elle est un signal fort envoyé à la forteresse européenne dont il critique vivement les politiques migratoires sécuritaires.

Mais le cheval de bataille du président Correa, c’est la souveraineté économique de son pays. Il refuse systématiquement les programmes d’ajustement structurel (mesures d’austérité) imposés par le FMI.

La grande mesure de sa présidence fut l’audit de la dette publique équatorienne. Il crée en 2007 la commission pour l’audit intégral de l’endettement public, qui juge illégitime la totalité de la dette publique. Le président Correa refuse alors d’en payer la majeure partie, ce qui vaudra l’Equateur de ne plus pouvoir avoir recours au marché international, et de se replier sur des financements plus régionaux, notamment à travers la banque du Sud.

Rafael Correa : l’Homme qui dit non au FMI et aux Etats-Unis
Refusant la dollarisation de l’Amérique latine, contestant la dette de son Etat, le président équatorien Rafael Correa a su repenser le socialisme, mais il ne s’est pas fait que des amis…

Correa l’anti-américain ?

Souvent présenté comme l’héritier d’Hugo Chavez pour son opposition à l’« impérialisme américain », il rejette fermement la dollarisation de l’Amérique latine et le traité de libre-échange avec les Etats-Unis. Même s’il se défend de tout anti-américanisme, estimant vouloir simplement protéger la souveraineté de son pays, le président Correa ne cesse d’affronter le géant américain.

L’Equateur de Correa par exemple est le seul Etat prêt à analyser de manière sérieuse les demandes d’asile de Julian Assange et Edward Snowden, les deux lanceurs d’alerte recherchés par les Etats-Unis. Rafael Correa et son gouvernement se défendent toutefois de faire de ces demandes de protection un enjeu de politique étrangère. Il s’agit simplement de respecter la procédure standard en matière de droit d’asile.

Un autre sujet épineux entre les deux pays est celui des relations diplomatiques et économiques entre l’Equateur et l’Iran, alors que les Etats-Unis voudraient bien voir l’influence iranienne s’amoindrir en Amérique latine. Sur la question du nucléaire par exemple, il ne légitime en rien la volonté iranienne d’accéder à cette technologie, mais n’estime pas plus légitime non plus l’armement nucléaire de n’importe quel autre Etat.

Décidément l’homme qui vient expliquer sa vision, son expérience et les clés de son succès dans un amphithéâtre comble de la Sorbonne est un président bien à part ! Hasta siempre Correa ?

Vidéo : Rafael Correa à la Sorbonne

Sources des photos : venezuela.revolublog.com / editoweb.eu /