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Brésil : le Rio Doce embourbé sous des déchets miniers

Publié le 6 janvier 2016,
par VisionsMag.
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Le 5 novembre 2015, à quelques jours de l’ouverture des négociations climatiques de la COP 21, le Brésil assistait, impuissant, à la pire catastrophe écologique de son histoire. Le Rio Doce, l’un des plus grands fleuves du pays, est désormais enseveli sous une coulée de boue de déchets miniers qui a causé des dommages irréparables.

Un désastre écologique sans précédent

5 novembre 2015, Etat du Minas Gerais, Brésil. Un barrage de la compagnie minière Samarco, retenant des déchets des exploitations minières, cède sous de fortes pluies. Une coulée de boue ensevelit le village de Bento Rodrigues, causant 13 morts et une douzaine de disparus, et détruit tout l’écosystème du Rio Doce.

La rupture du barrage est à l’origine d’un désastre écologique sans précédent au Brésil. 62 millions de mètres cubes de boue contenant des déchets miniers se sont déversés dans le Rio Doce, continuant leur course sur plus de 600 kilomètres à travers les Etats de Minas Gerais et d’Espirito Santo avant d’atteindre l’océan Atlantique le 22 novembre. Le « fleuve doux » s’est ainsi transformé en « fleuve de la mort », tuant des milliers d’animaux pris dans la coulée – des poissons ne trouvant pas assez d’oxygène dans l’eau contaminée aux tortues en voie de disparition se trouvant dans l’estuaire de Regencia. Des carcasses boueuses jonchent les bords de ce qui fût un fleuve, et les sauveteurs se sont démenés pour sauver les animaux encore suffocants qu’ils croisaient. Des espèces endémiques ainsi qu’une barrière de corail sous vouées à disparaître, et les terres resteront infertiles pendant des années.

Isabelle Teixeira, la ministre de l’Environnement brésilienne, s’indigne : « il est clair que ce qui est arrivé dans le bassin du fleuve Doce est la pire catastrophe naturelle de l’histoire du pays, et cela ne doit pas arriver de nouveau». Elle a estimé que la réhabilitation du bassin prendrait au moins trois décennies, un désastre sans commune mesure dans l’histoire brésilienne.

Une boue toxique ?

La toxicité de la boue déversée fait débat et suscite de nombreuses inquiétudes. L’entreprise Samarco, affirme que la coulée ne contient pas de substances intrinsèquement toxiques et polluantes, et qu’elle ne présente pas de danger pour l’homme. Elle serait composée d’eau et de résidus minerais non chimiques : silice, quartz ou oxydes de fer. Le conglomérat minier a toutefois reconnu que le mélange de minerais et d’argile pourrait asphyxier l’écosystème du fleuve.

Une version démentie par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, qui le 25 novembre a ainsi publiquement dénoncé « un niveau élevé de métaux lourds toxiques ainsi que d’autres produits chimiques toxiques ». Les suspicions se portent vers du plomb, du mercure, de l’arsenic ou encore du chrome. Le groupe minier a reconnu que certaines de ces substances déjà présentes dans le lit du fleuve auraient pu remonter à la surface avec le passage de la coulée de boue, a constaté que les taux de fer et de manganèse étaient supérieurs à la norme.

Des analyses inquiétantes, alors que le groupe minier a reconnu le 17 novembre que deux autres barrages pourraient céder en cas de fortes pluies et a entamé des travaux de consolidations pour éviter leur rupture.

Négligence des compagnies minières

Officiellement, les causes de l’effondrement du barrage minier Fundao n’ont pas encore été identifiées. Officieusement, l’entreprise Samarco, détenue à parts égales par le géant anglo-australien BHP Billiton et le groupe brésilien Vale, premier exportateur mondial de minerai fer, ainsi que les autorités brésiliennes, sont suspectés de négligence.

L’entreprise minière a assuré que les conditions de sécurité du barrage étaient respectées, et qu’il avait même fait l’objet d’une inspection quelques heures avant la catastrophe en raison de secousses sismiques de faible intensité. Toutefois, les Nations unies et les ONG environnementales dénoncent des mesures « insuffisantes ». Nilo Davila de Greenpeace au Brésil indique ainsi que plusieurs barrages miniers avaient déjà cédés par le passé, et un rapport d’évaluation remis au ministère des Mines et de l’Energie de 2014 s’inquiétait du niveau de risque élevé de ruptures d’une quinzaine de barrages. Un manque de surveillance préoccupant, alors que l’Etat du Minas Gerais, cœur de l’exploitation minière au Brésil depuis le 17ème siècle, possède à lui seul 750 barrages retenant des centaines de millions de déchets miniers.

Les rapports du Haut-Commissariat estiment que les mesures prises depuis la catastrophe du 5 novembre sont également insuffisantes, aussi bien par l’entreprise Samarco que par les autorités brésiliennes. Isabelle Teixeira a reconnu que le dispositif législatif en vigueur à l’heure actuelle n’est pas adapté face à un incident d’une telle ampleur et pour préserver efficacement l’environnement au Brésil.

Brésil : le Rio Doce embourbé sous des déchets miniers
La rupture d’un barrage minier au Brésil a causé un désastre écologique sans précédent.
Brésil : le Rio Doce embourbé sous des déchets miniers

Réparations : le gouvernement brésilien réclame 5 milliards

Faisant écho aux critiques de la ministre de l’Environnement, la présidente Dilma Rousseff s’est rendue sur les lieux de la catastrophe le 12 novembre et a pointé du doigt le consortium minier, le considérant comme responsable du désastre écologique et le contraignant à payer immédiatement une amende de 250 millions de réaux – aux alentours de 60 millions d’euros.

Sanction préliminaire avant la fin des enquêtes officielles, elle a été suivie d’une annonce de Samarco le 16 novembre qui s’est engagé à verser 260 millions de dollars pour nettoyer le bassin du Rio Doce. Des montants jugés comme dérisoires face à l’ampleur des dégâts. La Deutsche Bank estime en effet que le montant total du programme de nettoyage et de réhabilitation du Rio Doce se chiffrerait à 1 milliard de dollars. Le gouvernement brésilien a donc décidé de poursuivre en justice les trois entreprises minières et réclame au moins 20 milliards de réaux – soit presque 5 milliards d’euros – pour créer un fonds de financement des réparations des dégâts et de dédommagement aux victimes. Samacro, BHP Billiton et Vale se sont engagées le 30 novembre à créer leur propre fond mais elles n’ont pas précisé à combien il s’élèverait.

Quelques que soient les résultats des investigations et l’issue du procès intenté par le gouvernement brésilien aux compagnies minières mises en cause, il n’y a pas de retour en arrière: le « Fukushima brésilien » a bien au lieu. La question reste de savoir qui va payer la facture de la pire catastrophe écologique du pays.

Référence des images : marichesse.com / metrotime.be / lemonde.fr