Lawrence Lessig : d’Elvis du droit numérique à président-référendum Lawrence Lessig : d’Elvis du droit numérique à président-référendum Lawrence Lessig : d’Elvis du droit numérique à président-référendum
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Lawrence Lessig : d’Elvis du droit numérique à président-référendum

Publié le 7 octobre 2015,
par VisionsMag.
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À chaque élection présidentielle américaine émergent des candidats inattendus. Dans un pays où le bipartisme est une norme en vigueur depuis toujours, des personnalités essaient de faire bouger les lignes. Néanmoins, bien souvent ces candidats proposent des programmes fantaisistes loin des réalités de la politique. Pourtant, parfois, un candidat n’étant pas issu des deux grands partis traditionnels arrive avec de véritables idées et de vraies propositions. C’est le cas cette année de Lawrence Lessig. Peu connu du grand public, Lessig est pourtant une véritable icône dans le monde du Numérique et de l’Internet. Ses propositions pour assainir la politique américaine, bien qu’utopistes sont une réelle bouffée d’oxygène, loin de la rhétorique clivante de Donald Trump ou Chris Christie qui monopolise actuellement la campagne.

Diplômé de Yale et professeur de droit à Harvard, Lawrence Lessig est une personne brillante. Après avoir été l’assistant du juge Antonin Scalia à la Cour suprême des Etats-Unis, il aurait pu poursuivre une carrière académique classique. Pourtant, dès le milieu des années 90, Lessig donne un tournant inattendu à sa carrière en se passionnant pour un sujet encore tout nouveau : Internet. Rapidement, il devient une référence incontournable en matière de législation en ligne. Aujourd’hui encore, Lawrence Lessig fait figure d’autorité dans le domaine et son ouvrage paru en 1999, Code et autres lois du Cyberespace est encore une référence du genre.

Fondateur de Creative Commons

Lawrence Lessig perçoit, dès les prémices d’Internet, des problématiques qui, près de 20 ans plus tard, sont toujours au cœur des débats sur le Numérique. Protection de la vie privée, liberté d’expression et propriété intellectuelle sont au cœur de ses réflexions. Ce dernier sujet sera d’ailleurs pendant plusieurs année son cheval de bataille, et son combat pour réformé le mènera jusqu’à la Cour suprême et l’incitera finalement à créer Creative Commons(1), qui propose une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standards de leur pays, jugés trop restrictifs.

Face à l’impossibilité de faire évoluer la législation en matière de droit d’auteur en ligne, Lawrence Lessig réalise que le problème n’est pas simplement législatif. En 2007, il se lance alors dans une nouvelle croisade pour, cette fois, réformer le système politique américain. Selon lui, celui-ci est tellement corrompu qu’il est impossible de le faire évoluer et que les hommes politiques se sont totalement détournés des réelles préoccupations sociétales.

Lessig : « qui se soucie de Mickey Mouse ? »

Une nuance cependant : lorsque Lessig parle de corruption, ce n’est pas au sens illégal du terme, au contraire, et c’est même peut-être pire, il s’agit de corruption légale via l’influence des lobbies et des puissants groupes industriel : « Nos gouvernements ne comprennent pas les faits, même basiques, lorsque de puissants intérêts ont un intérêt dans cette incompréhension ». Pour illustrer cela, Lessig expose le cas de Disney qui a réussi à faire changer la loi sur le copyright pour étendre toujours plus la durée des droits d’auteur avant qu’une œuvre ne tombe dans le domaine publique. Alors qu’en parallèle, il est impossible pour le corps législatif américain de trouver un accord sur le climat, sujet pourtant bien plus préoccupant pour l’avenir de la planète que l’héritage de Walt Disney. Comme Lessig le dit lui-même, « qui se soucie de Mickey Mouse ? »

Pour tenter de faire changer les choses, Lessig songe à se présenter au Congrès américain, mais renonce après la publication de sondage très défavorable. Il lance alors en 2008 « Change Congress », une initiative citoyenne qui incite les électeurs à faire pression sur les candidats pour que ces derniers prennent des engagements pour lutter contre l’influence de l’argent et du lobbying dans la politique. Dès 2009 « Change Congress » concentre ses efforts sur la promotion de campagnes électorales financées seulement par les électeurs.

Lawrence Lessig : d’Elvis du droit numérique à président-référendum
Lawrence Lessig, expert mondial dans le droit sur Internet s’est lancé dans la campagne pour les élections présidentielles américaines de 2016.

D’Elvis du droit numérique à président-référendum

D’ailleurs, lorsque courant août Lawrence Lessig a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle américaine en 2016(2), c’était à la condition de récolter 1 million de dollars pour sa campagne provenant uniquement de petites donations de particulier. À ce jour Lessig a déjà récolté plus de 700 000 dollars(3). Si l’annonce officielle de sa volonté de se présenter a été faite très récemment, l’idée lui a sans doute traversé l’esprit lorsqu’en janvier 2014, il a parcouru le New Hampshire à pied sous des températures glaciales pour sensibiliser à sa cause. La course à la présidence n’est pas une fin en soi pour Lessig. Il sait très bien que ses chances d’être élu sont infimes et il n’a de toute façon pas la volonté de gouverner. Il se verrait bien en « président-référendum », d’une part pour montrer la volonté des citoyens américains de changer de système et d’autre part pour effectivement faire changer ce système avant de se retirer et de laisser la place à son vice-président.

Dans ce cas, on pourrait se demander pourquoi Lawrence Lessig n’a pas plus simplement choisi de soutenir un autre candidat, tel que Bernie Sanders, sénateur du Vermont et candidat à l’investiture démocrate. Ce dernier se présentant comme un « démocrate socialiste » ayant fait de la réforme de l’économie son cheval de bataille. Mais pour Lessig, la seule intention de Sanders « est de gagner et non de gouverner », il ajoute aussi que « comme Obama il y a 8 ans, il parle des problèmes mais ne nous propose aucune solution pour les résoudre. Ainsi, l’ancien « Elvis du droit numérique », comme l’avait surnommé le magazine Wired reste bien décider à se battre jusqu’au bout afin de « pirater le système politique ».

Sources
1 www.creativecommons.org
2 www.lessig.org
3 www.lessigforpresident.com

Sources des photos : lemonde.fr / plus.google.com