Patrick Modiano nouveau prix Nobel de littérature Patrick Modiano nouveau prix Nobel de littérature Patrick Modiano nouveau prix Nobel de littérature
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Patrick Modiano nouveau prix Nobel de littérature

Publié le 13 octobre 2014,
par VisionsMag.
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Patrick Modiano est le nouveau prix Nobel de littérature. C’est le quinzième auteur français à obtenir cette récompense. Son œuvre est marquée par la période de la seconde guerre mondiale. C’est une interrogation sur le temps, la mémoire, le trouble des souvenirs. C’est aussi un portrait doux-amer de notre monde et de notre condition.

Jamais sans doute prix Nobel n’aura eu de réaction aussi surprenante que celle de Patrick Modiano au moment de commenter l’attribution de sa distinction. « C’est bizarre », lance-t-il à une presse médusée réunie dans les salons des éditions Gallimard. « J’aimerais bien savoir pourquoi ils m’ont choisi ».

Un héros très discret

Les familiers de l’œuvre et de l’écrivain ne s’étonneront pas de tels propos. La pudeur de l’auteur est légendaire. Cependant la remarque ne relève pas de la seule timidité du romancier. Car Modiano n’a pas le profil de « nobélisable ». C’est un écrivain discret. Il se contente d’écrire et se tient à l’abri du tapage médiatique. « Si l’on n’écrit pas tous les jours, dira-t-il au magazine Lire, c’est le découragement ». Modiano ne défend aucune « grande cause ». Le fait n’aura pas échappé aux commentateurs anglophones. A l’heure où le prix Nobel de littérature est devenu comme un prix Nobel de la paix bis, un auteur comme Philippe Roth, selon le Daily Telegraph, aurait mieux fait l’affaire.

Que cela n’empêche pas les lecteurs de se réjouir. Et tout d’abord, les lecteurs francophones qui voient ainsi une quinzième prix Nobel attribué à la littérature de l’Hexagone. Record absolu ! Avec Modiano, c’est un très grand écrivain qui est distingué. Un romancier, qui, « l’air de rien », à l’aide de « petites histoires » comme il le dit lui-même, interroge notre monde et notre condition.

L’œuvre de l’auteur est centrée sur l’une des périodes les plus troubles de notre histoire. La France de la seconde guerre mondiale. Celle où l’on rencontre de vrais-faux résistants, des miliciens dandys, des trafiquants de tout ordre, des héros insoupçonnés et insoupçonnables, des demi-mondaines. Un univers de brume où le vrai ne se distingue plus du faux.

Les enquêtes du «commissaire Modiano»

Les romans de Modiano sont comme des enquêtes policières. L’action naît d’une anecdote, d’un incident. Une silhouette aperçue dans le métro, un coup de téléphone d’un inconnu. Ce détail, ce presque rien, fait aussitôt ressurgir des souvenirs. Des évènements que le narrateur croyait oubliés. Et le passé fait irruption dans le présent. Les héros partent en quête de leur propre histoire. Ils tentent d’en reconstruire les fils. Les personnages de Modiano, qu’ils aient été du « bon » ou du « mauvais » côté sont toujours des vaincus. Ils se sont perdus dans la guerre. Au terme de leur recherche, les questions demeurent ; toujours aussi opaques. Les enquêtes du commissaire Modiano ne sont jamais résolues.

C’est dans cette quête vaine d’une insaisissable vérité, que les critiques ont vu une interrogation de notre histoire. Celle de la France, celle de l’Europe. Celle d’un monde qui semble s’être égaré au tournant du 20ème siècle, sans que personne ne comprenne pourquoi et sans que quiconque ne sache comment relier les fils du passé. En ce sens, l’académie suédoise a récompensé sans nul doute, bien plus qu’un conteur, l’un des témoins les plus avisés d’un des grands drames du 20ème siècle. Les académiciens de Stockholm n’ont d’ailleurs pas manqué d’établir un lien entre Modiano et Proust, autre grand témoin du temps et de la mémoire.

Patrick Modiano nouveau prix Nobel de littérature
Patrick Modiano, nouveau prix Nobel de littérature, c’est une interrogation sur le temps, la mémoire, le trouble des souvenirs. C’est aussi un portrait doux-amer de notre monde et de notre condition

Sagan, Patrice Leconte et Cesaria Evora

Au-delà des interrogations douloureuses, Modiano, c’est aussi un style. Des phrases courtes, volontairement simples, et un ton, un climat, une atmosphère. Patrice Leconte qui avait adapté à l’écran « Villa triste » (sorti au cinéma sous le titre « le parfum d’Yvonne) est l’un de ceux qui en parle le mieux. « Le magnifique dans l’œuvre de Modiano, c’est ce qui reste inexprimé. L’inabouti, l’incertain. C’est l’effluve, le parfum. Ce qui échappe. Ce qui ne tient pas dans la main ». Les titres des romans racontent déjà cet univers : « Quartier perdu », « Rue des boutiques obscures », « La ronde de nuit ». Avec Modiano, on côtoie une certaine mélancolie française. L’on pourrait y retrouver Aragon, Drieu, Déon, Sagan et même Simenon. A Lisbonne, on parlerait de Saudade. Les romans de Modiano promènent le lecteur dans des paysages doux-amers, comme une chanson de Cesaria Evora. Une atmosphère où la beauté surgit là où on ne l’attend plus : une goutte d’eau sur le feuillage d’un arbre dans une allée d’une banlieue grise par un dimanche pluvieux. Beauté fugace… beauté « bizarre »…. comme le dit le nouveau prix Nobel de littérature.

Vidéo : interview de Patrick Modiano

Sources des photos : www.deslettres.fr / www.zone-critique.com/