AWF Music, ce que cache la démission de Kader Arif
Le parquet national financier s’intéresse de près aux agissements de la société AWF Music, très impliquée dans la campagne du candidat Hollande. Le scandale de trop pour François Hollande et un argument de plus pour le camp des « tous pourris » ?
Tout commence en 2003, lorsqu’est fondée la société AWF Music, spécialisée dans l’évènementiel et l’organisation de spectacles. A sa tête, Aissa et Nathalie Arif, frère et belle-sœur d’un homme politique alors en pleine ascension dans son fief de Midi-Pyrénées, Kader Arif. Socialiste convaincu, fils de harki, ancien rugbyman et tribun talentueux, cet homme fort, proche de François Hollande, est nommé en avril 2014 secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, poste qu’il sera contraint de quitter sept mois plus tard suite aux révélations de « l’affaire » AWF Music.
Une petite entreprise bien implantée
Les soupçons ont été éveillés par l’attribution systématique des appels d’offres du Conseil régional Midi-Pyrénées, à majorité socialiste, en faveur de la société AWF Music. En 2008, un premier contrat de deux ans est décroché pour une série de colloques au montant plafonné, montant qui sera dépassé au bout d’un an. Un nouvel appel d’offres est donc lancé en 2009, cette fois sans limite budgétaire, et pour une durée de quatre ans. Estimée au départ aux environs de 349 000 euros, la facture a atteint la somme de 1,7 millions d’euros.
En 2013, le renouvellement du contrat passe par l’obligatoire mise en concurrence régissant les marchés publics. Deux sociétés postulent : AWF et All Access, toutes deux créées par Aissa Arif. AWF remportera le contrat. Favoritisme ? L’opposition s’interroge sur le rôle joué par Ali Arif, autre membre de la fratrie Arif, chargé d’organiser les colloques au sein du Conseil régional. Des doutes balayés par son président, Martin Malvy, qui dénonce des « persiflages » et se dit « profondément révolté » par de telles insinuations.
Campagne de François Hollande
La remarquable « success story » de la société AWF Music ne se borne pas à la région Midi-Pyrénées, puisque ses services ont été utilisés par François Hollande, en 2011 pour sa campagne aux primaires du Parti socialiste, et en 2012 pour la campagne présidentielle. En charge d’organiser les meetings de moins de 5000 spectateurs, les contrats rapportent 700 000 euros à la société. Le tout pour des prestations émaillées d’incidents et qui fonctionnent à l’économie, entrainant la rupture du contrat un mois avant le premier tour. A la clé, 85000 euros de dédommagement versés à AWF Music par le Parti socialiste. Cette somme n’a pas été incorporée aux comptes de campagne de François Hollande.
Changement de nom
En dépit de ces juteux contrats, AWF Music dépose le bilan en mai 2014, accusant des pertes s’élevant à 240 000 euros. Cela ne signifie pas pour autant la fin de toute activité, puisque deux sociétés voient le jour en juin 2013, AWF et All Access, enregistrées aux noms des deux fils d’Aissa Arif. AWF va, dans la continuité, se voir attribuer de nouveaux contrats par le Conseil régional, et All Access va travailler pour le secrétariat d’Etat en charge des anciens combattants, entrainant la démission de Kader Arif. Car si rien n’est pour l’instant directement reproché à l’ancien ministre, la commande d’une prestation de 50 000 euros pour « média training » à une société dirigée par sa famille proche aiguise tout de même des soupçons de favoritisme à l’égard de Kader Arif.
Une enquête pleine de surprises
Alertée en septembre par deux conseillers régionaux de l’opposition, la PJ toulousaine se saisit du dossier et décide l’ouverture d’une enquête préliminaire pour favoritisme dans l’attribution de marchés publics. Les découvertes se succèdent. Ainsi, Nathalie Arif, codirigeante d’AWF Music, semble atteinte du même mal que Thomas Thevenoud, à savoir la « phobie administrative », oubliant de régler son impôt sur le revenu et sa taxe d’habitation pour les années 2011 et 2012. 9 127 euros lui sont réclamés par notification à tiers détenteur, ce qui signifie que la somme devait être prélevée sur la trésorerie d’AWF Music, malencontreusement en liquidation judiciaire et dont les comptes n’ont jamais été déposés au Tribunal de commerce. L’enquête, confiée au Parquet national financier, devrait déboucher sur des auditions afin de comprendre comment une société qui a engrangé 899 000 euros de chiffre d’affaire en 2013 a pu se retrouver en dépôt de bilan. Y aurait-il eu détournement de fonds ou financement occulte d’un parti politique ? Les perquisitions ainsi que l’épluchage des comptes de cette société familiale devraient sans doute apporter de bien intéressantes révélations.
Cette nouvelle affaire, qui vient secouer l’entourage de François Hollande, s’ajoute aux déjà nombreuses démissions, mises en examen ou soupçons entachant des personnalités telles que Jérôme Cahuzac, Aquilino Morelle, Yamina Benguigui, Thomas Thévenoud et Faouzi Lamdaoui. La classe politique ainsi discréditée ne peut que poursuivre sa plongée vers les abimes, plombée par les conflits d’intérêts, les abus de biens sociaux, les marchés publics complaisants et les fraudes fiscales. Le cas AWF en offre le bien pathétique spectacle.
Sources des photos : voixdumidi.fr / atlantico.fr