C’est un bien triste anniversaire : le conflit syrien éclatait il y a un peu plus de 5 ans,. Au-delà de l’horreur de la guerre et la crise humanitaire sans précédent engendrée par l’interminable conflit, ils sont beaucoup à s’émouvoir de la destruction et du pillage d’un inestimable patrimoine historique et archéologique, d’Alep à Palmyre, reprise il y a quelques semaines. Parmi eux, Yves Ubelmann et Philippe Barthélémy, qui avec leur projet « Syrian Heritage » et leur start-up Iconem ambitionnent de reproduire en 3D les sites détruits par la guerre.
Un architecte et un pilote veulent reconstituer ce patrimoine en 3D
Le projet « Syrian Heritage » est né de l’union entre deux Français, l’architecte Yves Ubelmann et le pilote Philippe Barthélémy, via leur start-up Iconem. Une ambition commune : constituer une importante base de données archéologique du patrimoine syrien…en 3D ! En réalisant des relevés de fouilles en Syrie, en Iran, en Afghanistan ou au Pakistan, Yves Ubelmann a constaté la disparition de nombreux sites archéologiques, « pas seulement à cause des combats, mais parfois simplement à cause de l’érosion ou de l’expansion urbaine ». Il déplore qu’aucun organisme international ne soit en mesure d’enrayer le phénomène, car les sites menacés se trouvent dans des zones trop éloignées, dont l’accès coûte trop cher à son équipe.
La photogrammétrie au service de la reproduction 3D
Iconem exploite une technique numérique particulière : « En prenant plusieurs photos d’un même objet, et en isolant via ordinateur des points dans les images, on reproduit un nuage de points correspondant à la projection 3D des pixels ». La photogrammétrie est plus simple à utiliser que les technologies laser, et permet de reconstituer en 3D les sites détruits par les conflits.
Le duo travaille avec des drones depuis 2010, mais pas en Syrie, où le régime reste méfiant par rapport à ces outils « espions ». Le drone permet de travailler plus rapidement et d’explorer un territoire plus vaste, mais ce n’est pas une fin en soi : « On peut reconstruire en 3D des bâtiments ou des monuments simplement sur base des photographies », expliquent-ils.
« Syrian Heritage » veut préparer la reconstruction du pays
Les documents numérisés doivent permettre de conserver la mémoire des sites dévastés, et surtout, de préparer à terme leur reconstruction. Plusieurs reconstitutions sont déjà en accès libre : la mosquée des Omeyyades à Damas, la cité d’Ougarit près de Lattaquié, et le théâtre romain de Jablé. D’autres sites devraient être rendus publics d’ici l’été : « Les données sont traitées en France, étant donné les nombreuses coupures de courant en Syrie, et sont disponibles sur une plateforme consultable par la communauté scientifique, qui pour des raisons de sécurité n’a plus accès à ces sites, le grand public, et les archéologues syriens, qui connaissent le terrain, et qui ont établi une liste de sites les plus pertinents à reconstruire ».
Iconem financée par Parrot fait déjà des émules !
Pour se financer, Iconem bénéficie de l’aide de Parrot, le concepteur de drones, qui a levé 1,4 million d’euros de fonds. « Nous espérons que d’autres financements vont arriver, au vu de l’intérêt général ». Entre-temps, une initiative commune des universités d’Oxford et Harvard va distribuer 5.000 caméras 3D à du personnel de musée, des membres d’ONG, et des bénévoles sur le terrain en Syrie, afin de photographier des sites menacés. L’objectif est de recueillir un million d’images d’ici la fin de l’année, et de les documenter dans une base de données accessible en ligne. L’institut expose déjà à Londres et à New York une réplique grandeur nature de l’arche de Palmyre détruite par Daech, et reconstituée par impression 3D.
Sources des images : pbs.twimg.com / meilleursdrones.com