Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins
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Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins

Publié le 10 juillet 2018,
par VisionsMag.
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9e puissance mondiale, l’Inde a assisté au cours des deux dernières décennies à un accroissement phénoménal de son tissu industriel. Mais cet effort, s’il s’avère payant pour son économie, n’a pas toujours été maitrisé et plonge le pays dans une urgence écologique sans précédent.

New Dehli, capitale la plus polluée du monde

Les nuages de pollution qui s’abattent régulièrement sur les Etats du Nord, et dont la concentration en particules fines peut dépasser jusqu’à 17 fois la norme, témoignent d’une situation alarmante. Et les statistiques parlent d’elles-mêmes, puisque 14 des villes les plus polluées du monde se situent en Inde. A cela s’ajoutent d’autres données catastrophiques : ce pays d’1,3 milliard d’habitants perd chaque jour 138 hectares de forêt, 90 % de son eau est accaparée par l’agriculture, et le nombre de centrales au charbon devrait doubler d’ici cinq ans. L’Inde, précurseur du mouvement écologique moderne, a subi au cours des dernières décennies une série de mutations industrielles et économiques qui ont permis à la population d’accéder à un niveau de vie jamais atteint dans le pays.

Revers de la médaille, cet élan de croissance a entrainé la prolifération d’usines ainsi que de nouveaux besoins en ressources, obligeant le pays à concilier croissance effrénée et préservation de l’environnement. Le sous-continent indien constitue de fait une sorte de laboratoire de l’écologie, et se trouve à ce titre observé par de nombreux pays.

L’art de souffler le chaud et le froid

Arrivé au pouvoir en mai 2014, le Premier ministre Narendra Modi avait fait du développement économique le fer de lance de sa campagne. Interrogé au sujet de l’écologie, Mr Modi avait déclaré, peu de temps après sa prise de pouvoir, que cette dernière passerait « après l’industrialisation du pays ». Pourtant, la politique environnementale de l’Inde demeure pour le moins ambiguë : si la priorité est effectivement donnée à l’industrialisation, plusieurs initiatives environnementales ont été annoncées, à défaut d’avoir toutes été concrétisées.

Signataire de la Cop21 en 2015, le pays se distingue par la croissance à trois chiffres de ses installations photovoltaïques, plaçant l’Inde au 3e rang mondial du secteur. La ferme solaire de Kamuthi, dans le sud, est un témoignage de cet engouement : 648 mégawatts sont produits sur ce site d’un millier d’hectares, ce qui en fait la plus importante installation de ce type au monde. Parallèlement à cela, des annonces extrêmement ambitieuses ont été exprimées afin de réduire la pollution, mais bien peu ont été suivies d’effets. Si la mise en place de nouvelles normes concernant les véhicules sont entrées en vigueur, l’abandon du moteur thermique, un temps envisagé pour l’horizon 2030, n’est malheureusement plus à l’ordre du jour.

Multiplication des initiatives locales

Les Etats tentent eux aussi quelques initiatives spectaculaires, comme en témoigne la décision courageuse prise par le gouvernement du Maharashtra. Cette province de 21 millions d’habitants, ayant Bombay pour capitale, a publié en mars dernier un décret visant à interdire le plastique sous forme de sacs, bouteilles et couverts, avant de reculer face aux difficultés d’applications et aux menaces brandies par une industrie qui fournit des centaines de milliers d’emplois. La même impuissance s’est emparée du secteur énergétique : la loi obligeant les centrales au charbon de se doter de filtres a été repoussée pour au moins cinq années.

Devant ce bilan mitigé, la société civile s’empare du problème pour proposer, au niveau local, des solutions souvent ingénieuses et porteuses de grands espoirs. Le « jugaad », terme équivalant à notre « système D », prévaut dans des communautés très actives. Villageois, simples particuliers, citadins ou ONG (le pays en compte plus de 3 millions) apportent leurs contributions au reboisement, à la réalisation de réservoirs d’eau et à la remise en état de canaux d’irrigation. Chaque jour, des bénévoles traquent les plastiques qui jonchent les routes et les cours d’eau, se saisissant eux-mêmes d’un problème que le gouvernement échoue à traiter.

Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins
Confrontée à de graves problèmes de pollution, l’Inde se doit de trouver des solutions inédites.
Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins
Entre croissance et écologie : l’Inde à la croisée des chemins

Entre révolte et non-violence

Le dynamisme de la société civile attire le regard de nombreux observateur. Cette prise en main de la problématique environnementale par les citoyens s’accompagne de changements sociaux. Les femmes, très actives dans le domaine, y gagnent une confiance et un respect dont elles manquent cruellement dans le pays. Les séparations de castes y sont elles aussi atténuées, créant un nouveau contexte sociétal. Mais tout ne se passe pas toujours sans remous, et les tensions ne cessent d’augmenter entre citoyens d’un côté, gouvernement et industriels de l’autre. Les conflits environnementaux, parfois sanglants, se multiplient, comme l’illustre la récente manifestation de mai 2018 où 13 manifestants ont perdu la vie sous les tirs de la police. Des milliers de personnes s’étaient rassemblées à Tuticorin, dans le sud du pays, pour protester contre la réouverture d’une fonderie accusée de polluer les environs. La grande violence de la manifestation, ainsi que la brutalité de sa répression, laisse présager une ère nouvelle où l’absence de dialogue pourrait gravement envenimer la situation.

Tiraillée entre ses aspirations économiques et la préservation d’un écosystème de plus en plus fragilisé, l’Inde se trouve aujourd’hui dans une situation préoccupante. 177e pays (sur 180) selon l’Indice de performance environnemental, troisième plus gros émetteur de gaz à effet de serre et, dès 2022, pays le plus peuplé au monde, l’Inde ne dispose que de quelques années pour constituer soit un contre-exemple, soit une source d’inspiration pour les défenseurs de l’environnement.

Photo : lenergeek.com / factordaily.com/ vox.com / businessinsider.com.au