Kilamba, pierre angulaire des projets de développement sino-angolais
Après une longue guerre civile, et à l’heure de la reconstruction, l’Angola s’est trouvé un partenaire financier et logistique de taille: la Chine. Avec du cash plein ses caisses et une volonté de prendre le contrôle de certains marchés pour assurer son leadership, la Chine a développé une relation forte avec l’Angola pour contribuer économiquement au redressement du pays. Dernier projet en date: la construction massive d’une nouvelle ville contenant plus de 200 000 logements neufs.
En 2006, le gouvernement angolais et la China International Fund lancent officiellement la construction massive de logements sociaux, en commençant par Kilamba Kiaxi, un projet pharaonique prévu à 30 km à peine de Luanda. Représentant un investissement de $3,5 Mds, la nouvelle ville de Kilamba a été achevée en 2012 et les premiers habitants ont commencé à coloniser la ville vierge.
Kilamba, le symbôle du partenariat économique sino-angolais
Les besoins en renouveau immobilier furent tels pour l’Angola à la sortie de la guerre civile en 2002 qu’il était presque inconcevable d’imaginer que le pays serait reconstruit un jour. Dans et aux alentours de Luanda, des bidonvilles géants se sont développés pour hébgerger des familles victimes d’une économie fragile et d’un parc immobilier limité. Inutile pour le président Eduardo Dos Santos de prévoir une reconstruction pas-à-pas, il faut pour sortir de la crise un plan de construction massif, qui permettra de rapidement développer sa classe moyenne et de diversifier son économie.
Si l’Angola peut se payer le luxe de construire à la vitesse grande V, c’est que les terres et les eaux du pays regorgent de pétrole, ce qui génère la convoitise des grandes puissances mondiales. En 2010, l’Angola a généré $52.5 Mds en vente de pétrole, la Chine a été son principal client, et l’Angola est devenu cette année-là le premier fournisseur d’or noir de la Chine, prenant le lead sur l’Arabie Saoudite.
De cette relation commerciale exclusive est née un réel mouvement de collaboration économique sino-angolaise qui s’étend bien au-delà du pétrole. La ville de Kilamba symbolise l’amitié économique qui lie ces deux pays, le projet n’ayant pas seulement requis un accord financier, mais surtout un échange de population et de savoir-faire: En 2008, l’ambassadeur d’Angola en Chine, João Manuel Bernardo, déclarait que son ambassade avait délivré 40 000 visas, dont 10 000 destinés à des individus recrutés pour travailler sur le site de Kilamba. Une forte communauté chinoise se développe rapidement en Angola, et Kilamba est un des moteurs de ce nouveau melting pot. On compte aujourd’hui entre 80 000 et 100 000 Chinois en Angola.
Une relation qui suscite de la jalousie
Dès ses premiers jours, Kilamba est décrié par la presse anglophone comme un échec de politique de développement. Dans un article cinglant de la BBC, la journaliste Louise Redvers dépeint, photos et vidéo à l’appui, une ville fantôme. Les rues semblent désertes, les appartements inhabités, les jardins vides… L’article fait mouche, il est repris par plusieurs autres sites de presse dans lesquels on soupçonne le projet Kilamba de n’être qu’une coquille vide.
De toute évidence, la rancoeur de certaines puissances mondiales vis-à-vis de l’Angola est aujourd’hui encore vive. En tant que symbole de la relation sino-angolaise, Kilamba est dans la ligne de mire des communicants qui défendent les intérêts économiques américains ou européens en Afrique. Si Kilamba est perçu comme un échec, cela signifie que travailler avec les chinois est un choix risqué.
La Chine se positionne aujourd’hui comme le nouveau partenaire fort de l’Afrique (le terme Chinafrique s’est largement répandu dans les ouvrages d’économie). Le projet Kilamba – mené par CITIC, l’homme d’affaires Pierre Falcone, et d’autres acteurs incontournables des relations sino-africaines – a de quoi inquiéter la France ou les Etats-Unis, vu que cette première ville n’est que le volet d’un projet plus important dont la facture s’élèvera à $10 Mds. Il est donc de bonne guerre de lancer des piques médiatiques à Kilamba pour tenter d’enrayer l’inarrêtable avancée chinoise sur les terres des anciennes colonies occidentales.
Kilamba: la réponse adaptée à la crise immobilière
Pour expliquer l’impopularité manifeste de la nouvelle ville angolaise, les promoteurs immobiliers de Kilamba ont été accusés d’avoir fixé des prix largement trop élevés pour le revenu moyen national. Cette problématique de prix a fait réagir les politiques et des baisses de prix de l’ordre de 5% à 45% s’en sont suivies, générant une recrudescence de demandes de logement dans la nouvelle cité (le prix de certains appartements est passé de $120 000 à $70 000).
Kilamba a un avantage de taille: la nouvelle ville s’éloigne largement de l’image des ghettos et autres bidonvilles qui dominent les périphéries des grandes villes angolaises. “Cet endroit est structuré, c’est une vraie ville!” affirme Nelson Dias, un ingénieur informatique de 38 ans habitant la ville. “C’est confortable et c’est un bon endroit pour les enfants avec beaucoup d’espace pour jouer”, ajoute Claudia Patricia mère de deux enfants et résidente de Kilamba depuis 4 mois.
Le président Dos Santos s’était engagé en 2008 à bâtir 1 million de logements pour répondre à la crise de l’immobilier que traversait le pays depuis sa sortie de 27 années de guerre civile. Kilamba est devenu le cheval de bataille de l’administration Dos Santos. En réponse aux critiques de “ville fantôme”, Dos Santos a répondu: “Si ça ne marche pas, il faut alors voir ce qui ne marche pas et le réparer… Le plus important est que Kilamba est aujourd’hui occupée et qu’il faut maintenant mettre en oeuvre d’autres projets similaires.”