BOSTON, Angleterre (Reuters) – Au-dessus d’une supérette polonaise de Boston, petite ville de l’est de l’Angleterre, six drapeaux anglais et la croix rouge de saint Georges flottent dans le vent, devant une fenêtre d’appartement.
Derrière les vitres, on distingue d’autres drapeaux, de même que des affiches, qui toutes portent le même message en vue du référendum de jeudi: « Vote Leave » (Votez pour le retrait).
Que le Royaume-Uni décide de rester dans l’Union européenne ou d’en sortir, une bonne partie des migrants d’Europe de l’Est installés à Boston, venus en majorité de Pologne, sont inquiets, face aux sentiments anti-européens suscités par une campagne tendue, qui joue beaucoup sur les émotions.
« Les gens craignent que les comportements ne changent », explique Patrycja Walentynowicz, cofondatrice d’une entreprise qui fournit des traductions et d’autres services à ses compatriotes polonais de Boston.
« Depuis qu’on a commencé à parler de ‘Brexit’, on a senti un climat de tension entre les étrangers et les Britanniques, qui ont affiché leurs réticences (envers l’immigration) et les manifestent plus ouvertement », ajoute-t-elle.
Petite ville de la côté Est de l’Angleterre, Boston a vu plusieurs de ses rues transformées par l’afflux de ressortissants d’Europe de l’Est, qui, grâce à la liberté de mouvement à l’intérieur de l’UE, ont pu venir trouver du travail dans la région, que ce soit dans les champs ou dans les entreprises.
Le recensement de 2011 a montré qu’en dix ans, la proportion d’habitants d’origine étrangère était passée dans cette ville de 65.000 habitants de 3,1% à 15,1%. Les émigrants sont venus, pour l’essentiel, de Pologne et de Lituanie, deux pays qui ont fait leur entrée dans l’UE la même année, en 2004.
RACISME ET PRÉJUGÉS
Les partisans du « Brexit » jugent les émigrants en partie responsables des longues listes d’attente pour obtenir des logements sociaux, mais aussi des difficultés pour avoir un rendez-vous médical.
Le camp du « In » rétorque que globalement, les migrants venus du reste de l’UE paient plus d’impôts et de charges qu’ils ne coûtent à l’économie britannique.
A Boston et dans son comté relativement eurosceptique qu’est le Lincolnshire, ces questions-là sont de première importance. Dans un rapport publié en janvier, le think tank d’obédience conservatrice Policy Exchange considérait Boston comme « l’endroit le moins intégré » de Grande-Bretagne.
Le long de la West Street, les changements survenus ces dix dernières années sont particulièrement notables, avec des magasins et des restaurants polonais qui côtoient des entreprises lituaniennes. Et à l’église St Mary, trois des quatre messes dominicales sont dites en polonais.
« Les gens ont peur de ce qui se passera si la Grande-Bretagne choisit de quitter (l’UE) », déclare un prêtre polonais, Stanislaw Kowalski.
Face à l’incertitude ambiante, les Polonais cherchent de plus en plus à conclure des baux pour de courtes périodes plutôt que de signer des contrats de plus longue durée.
« Nous ne savons pas si les Anglais vont (…) rester courtois, gentils, ou s’ils ne vont pas dire: ‘Nous avons voté pour que vous partiez, alors que faites-vous encore ici?' », déclare une collègue de Walentynowicz, Iza Paczkowska.
« C’est l’inquiétude la plus répandue. Les gens se préparent à l’idée de partir », ajoute-t-elle.
« Ce que je redoute, c’est que les attitudes sociales ne changent, dans un sens radical, nationaliste », confie Karol Sokolowski, qui travaille dans un restaurant familial de la communauté polonaise.
« Je sais que les Britanniques ne sont pas comme ça. Cependant, le fait de parler de ce Brexit peut engendrer une sorte de… je ne dirais pas racisme, mais de préjugés. Cela peut se produire, j’en ai bien peur ».
(par Marie-Louise Gumuchian et Alex Fraser. Eric Faye pour le service français)