Quand les JO servent de revendications internationales
Le sport comme vitrine politique ? L’organisation d’une compétition sportive internationale répond toujours à une idée politique ou économique, particulièrement lorsqu’il s’agit de jeux olympiques. Nés en Grèce antique, les JO ont été abandonnés pendant plusieurs siècles avant de revoir le jour sous l’impulsion de Pierre de Coubertin, en 1896. Depuis cette date, plusieurs éditions ont été marquées par des événements d’ampleur géopolitique.
Londres 1908 : la Finlande veut s’émanciper
Alors que la Finlande fait partie de l’empire russe, ses athlètes répondent aux désirs d’indépendance souhaités par la majorité de la population : lors des compétitions, les Finlandais se présentent avec leurs propres couleurs et non avec celles de Russie… Déjà, l’instant JO constitue une aubaine pour une revendication majeure.
Anvers 1920 : Français et Anglais ne veulent pas des Allemands
Moins de deux ans après la fin de la Grande guerre, l’Europe est toujours en gueule de bois après les millions de morts déplorés dans les tranchées. Français et Anglais, grands vainqueurs au détriment de l’Allemagne à qui ils continuent de faire payer sa défaite, refusent la présence d’athlètes d’outre-Rhin aux JO, tout comme celle des Bulgares, Autrichiens, Ottomans et Hongrois, eux aussi vaincus. S’ils venaient à gagner des compétitions, l’image humiliante des perdants laisserait place à l’espoir de renouer avec la victoire.
Berlin 1936 : le nazisme exalté par le culte du surhomme
La propagande nazie se saisit des JO à Berlin pour exalter le culte du surhomme cher à la doctrine de Hitler. L’idée d’un homme blanc et supérieur sur les autres races doit être défendue par des succès sportifs, à l’image de ce que fit l’Italie fasciste de Mussolini en gagnant la Coupe du monde de football en 1934 à Rome. Petit bémol, dans le stade Olympique de Berlin, alors que 100 000 bras se tendent pour célébrer le Führer, le héros se nomme Jesse Owens, un athlète afro-américain qui remporte quatre médailles d’or au grand dam de Hitler. La victoire d’Owens signe un motif d’espoir face au fascisme qui périclitera moins de dix ans plus tard.
Mexico 1968 : Le podium des poings levés
Après la course du 200 m, le podium fait l’objet de tous les commentaires : deux athlètes afro-américains, Tommie Smith et John Carlos, lèvent vers le ciel leur poing ganté de noir. Ce geste est une référence à la lutte pour les droits civiques des populations noires aux Etats-Unis, alors que Martin Luther King vient d’être assassiné quelques mois plus tôt. Le troisième larron sur le podium, Peter Norman, un Australien blanc, porte un badge en faveur des droits civiques. Les trois hommes subiront des représailles de la part de leurs fédérations sportives respectives (exclusion à vie des JO pour les deux Américains et bannissement pour l’Australien qui recevra des excuses publiques de son gouvernement en 2012) mais marquent à jamais l’histoire pour leur prise de position courageuse.
Munich 1972 : L’horreur en mondovision
Dans un contexte géopolitique déjà bouillant entre Israël et la Palestine, les JO de 1972 voient un drame se nouer dans le village olympique. Un commando de l’organisation terroriste palestinienne Septembre noir s’introduit dans les chambres de la délégation israélienne pour tuer des sportifs. Le bilan monte à 17 morts (11 athlètes israéliens, cinq assaillants et un policier allemand) et résonne dans le monde entier qui voit pour la première fois de l’histoire un drame filmé et diffusé massivement en boucle sur les télévisions.
Moscou 1980 et Los Angeles 1984 : Les JO de la Guerre froide
Après le dégel amorcé dans les années 1960, la Guerre froide entre Soviétiques et Américains rebat son plein dans les années 1980. Pour marquer cet antagonisme, les Américains boycottent les JO de Moscou avant que les Russes, ainsi que leurs pays satellites, en fassent de même quatre ans plus tard en Californie. Bilan : des sportifs de chaque pays qui doivent attendre huit ans pour participer à des olympiades, perdant ainsi un temps précieux dans leurs courtes carrières.
Atlanta 1996 : Coca Cola sur le toit du Monde
Douze ans après Los Angeles, les JO reviennent très vite aux Etats-Unis. Cette fois-ci, il n’y a plus de concurrence avec les Russes qui se reconstruisent après la chute de l’URSS. Au contraire, ces JO marquent la superpuissance des Américains. Comme symbole, Atlanta et son gigantesque aéroport ainsi que l’implantation historique de Coca-Cola dans la ville, la marque référence de l’américanisation du monde. Deux ans plus tôt, déjà, les Etats-Unis avaient organisé la Coupe du monde de foot : une double démonstration de l’impérialisme américain au cœurs des années 1990 au cours desquelles il est alors le seul « gendarme du monde ».
Pékin 2008 : entre menace de boycott et instrumentalisation
Pour la Chine qui s’affiche enfin en superpuissance mondiale, les JO de Pékin sont l’occasion de montrer un visage plus humain, de façon à contredire ceux qui évoquent un régime dictatorial bafouant les droits de l’Homme. Certains sportifs ou fédérations parlent de boycott sans aller jusqu’à l’exécution de leur menace. Pékin en ressort grandit et offre aussi une vitrine à certains pays en délicatesse, eux aussi, avec l’égalité : Iran, Bahreïn ou les Emirats Arabes Unis font défiler une femme en porte drapeau lors de la cérémonie d’ouverture. Un symbole qui ne dit pourtant rien de la réalité au sein de ces pays où la femme n’a pas les mêmes droits que l’homme.
Sotchi 2014 : le renouveau russe
Plus de vingt ans après la chute du communisme, la Russie de Poutine veut s’offrir une meilleure image. Au programme, l’organisation de la coupe du monde de football en 2018 mais aussi des JO d’hiver en 2014 à Sotchi. Cette cité balnéaire située sur les bords de la mer Noire n’a rien de prédestiné pour accueillir des olympiades d’hiver mais le gouvernement russe crée des structures artificielles et déplace de la glace pour organiser les compétitions. Un désastre écologique au service d’une cause géopolitique.
PyeongChang 2018 : une main tendue entre les Corées
Les JO d’hiver 2018 ont lieu à PyeongChang, au nord de la Corée du Sud, à quelques kilomètres de la frontière entre les deux Corées. Le lieu n’est pas anodin car l’idée est de marquer un rapprochement entre la dictature du Nord et la république du Sud : en guise de symbole, les athlètes des deux côtés de la frontière qui marchent main dans la main lors de la cérémonie d’ouverture, sous la bannière d’un drapeau commun.
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