Un noir cubain à la mairie de Paris: Severiano de Heredia

Originaire de Cuba, né à la Havane en novembre 1836, Severiano de Heredia arrive à Paris en 1845. L’héritage d’un oncle en 1848 le met à l’abri du besoin, il suit un parcours d’études de rhétorique et entame une carrière de poète puis de critique littéraire, pour finalement investir ses revenus dans l’immobilier.

Le 3 novembre 1868, Severiano de Heredia épouse Henriette Hanaire, avec qui il aura une fille. En 1870 il obtient la nationalité française. Membre apprécié des réseaux franc-maçonniques, il s’oriente vers une carrière politique. Il se montre reconnaissant envers la France, pour sa générosité en période de transition constitutionnelle. Severiano de Heredia se déclare républicain, défenseur de la laïcité et de l’instruction universelle.

Il se distingue par ses couleurs politiques

La vie géopolitique française de cette seconde moitié du XIXème siècle est tumultueuse : en 1870, par la capture de l’Empereur Napoléon III, le Second Empire s’effondre pour laisser place à la IIIème République. Dès lors, on restaure le suffrage universel masculin. L’école devient gratuite, laïque et obligatoire de 6 à 13 ans, et la France consolide son expansion coloniale.

C’est dans ce contexte propice au rayonnement culturel du pays que Severiano de Heredia le progressiste, le laïque, le libre penseur est élu dans le quartier des Ternes au Conseil municipal de Paris. En 1879, il devient président du Conseil pour un mandat de six mois, conformément au système rotatif de l’époque. Severiano de Heredia, exercera les fonctions équivalentes du maire de Paris actuel.

Une ascension convaincante

Malgré les quolibets et railleries à son encontre, la majorité des Parisiens lui font confiance et en août 1881, le franco-cubain est élu député du XVIIème arrondissement. Il enchaînera deux mandats, jusqu’en 1889. Ignorant les quelques propos racistes de l’opposition, il se distingue surtout par son action gouvernementale, fervent promoteur des avancées économiques et sociales. Severiano de Heredia lutte pour la réduction des heures de travail en usine pour les enfants, s’implique dans le projet d’implantation du futur métro parisien, et prend position contre le boulangisme.

Le 30 mai 1887, il est nommé ministre des Travaux Publics dans le gouvernement de Maurice Rouvier. Malheureusement, la fragilité gouvernementale propre à la IIIème République et le scandale des décorations contraignent Rouvier à démissionner : le mandat du ministre Severiano de Heredia s’achève le 11 décembre 1887. Ni les élections législatives de 1889, ni celles de 1893 ne lui permettent de retrouver son siège de député, et dès lors il se retire peu à peu de la vie politique. Severiano de Heredia décède à son domicile le 12 février 1901.

Un destin à ressurgir de l’oubli

Aujourd’hui, aucune trace de cette figure de la vie politique nationale n’est relayée. Ni même à l’Hôtel de Paris qui conserve ordinairement des statues et portraits de ces anciens maires. Situation regrettable ou volontaire ? L’historien Paul Estrade interroge dans son livre « Severiano de Heredia ce mulâtre cubain que Paris fit « maire » et la république, ministre », édité chez Les Indes Savantes. Brillante exhumation d’un architecte des valeurs de notre société, victime probable des idéologies colonialistes et de leurs hypothèses discriminatoires.

Cela dit, la Mairie de Paris travaille fièrement au souvenir de son premier maire noir. Selon Bertrand Delanoë, une rue du 17ème arrondissement devrait porter le nom de Heredia. Une juste réhabilitation dont seront fiers les parisiens! Et si notre capitale était celle de la tolérance ?

Sources photos : www.geledes.org.br / fr.wikipedia.org/wiki/Severiano_de_Heredia

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